Tous les regards seront tournés vers le rôle que jouera la commission électorale nationale indépendante (Ceni) à l’occasion du scrutin présidentiel du 22 juin 2019. Ebranlée par les critiques sur l’équité de sa composition et par le marché contestable de la confection des bulletins de vote, la Ceni ne peut se résumer aux « garanties de transparence » promises par son président.
L’arbitre de la rencontre de la présidentielle de 2019 est-il déjà hors-jeu pour cette consultation? Quatre candidats, au moins, regrettent en tout cas que pour les besoins d’un scrutin «libre, transparent et équitable» la commission électorale nationale indépendante ne donne satisfaction sur le registre de la représentation des gages d’une «impartialité » entre tous les prétendants au maroquin présidentiel. Pire encore, le d’un imprimeur, Zein Al Abidine, catalogué homme du président sortant achève de créer un climat de suspicion dont le pays et cette élection n’avaient pas tant besoin.
A qui profite le déséquilibre ?
Mise en place en 2005 lors de la période de transition politique par le président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie, chef de l'Etat,feu le colonel Ely Ould Mohamed Vall, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) avait pour rôle de pour garantir des "scrutins libres, transparents et équitables". Une mission dont elle s’est plus ou moins acquittée lors de la présidentielle 2007 avec un réel consensus sur les personnalités qui l’ont composée. Mais dix ans après, à l’image des dépassements de tous ordres enregistrés dans le pays, les élections se suivent et se ressemblent. Il en a été ainsi des élections législatives et municipales anticipées de 2014 ainsi que de la présidentielle de 2014 et du référendum du 5 août 2017.
En effet, depuis 2012, date de mise en place d’un Comité Directeur de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), présidé par Dr.Abdallahi Ould Soueid Ahmed, doyen d’âge, la Ceni a organisé trois consultations électorales dont deux boycottées par l’opposition traditionnelle. Il faut dire que l’absence de l’opposition à ces différents scrutins a plus tôt facilité le travail du comité des sages. Seul hic pendant cette période le taux de participation au référendum constitutionnel où la mobilisation n’était pas véritablement au rendez-vous laisse encore pantois.
En avril 2018, c’est feu Didi Ould Bouanama qui est élu président de la Ceni par ses onze membres tous désignés parmi la Majorité présidentielle (y compris l’opposition dialoguiste). La nouvelle Ceni est mise en place en prévision des élections législatives, régionales et municipales de septembre 2018. L’opposition comme le prévoit pourtant la loi n’y est pas représentée. Mais le président Didi Ould Bounama démissionne en avril 2018. Il décèdera un mois plus tard. En juillet, le régime pourvoie la Ceni d’un nouveau président, en la personne de Mohamed Vall Ould Bellal, issu des personnalités indépendantes du FNDU (Forum national pour la démocratie et l’unité) avec lequel il avait pris ses distances en prenant part au dialogue dit inclusif organisé par le régime en place.
A son avènement, il dit tendre ses mains à tous les acteurs y compris à ses amis d’hier. Pour autant, le nouveau président, nommé en juillet 2018 par décret, rappelle qu’en raison de «l’urgence » des élections législatives, régionales et municipales, la composition de la Ceni ne pouvait être revue pour une meilleure représentativité des partis politiques. Il s’efforce à son arrivée d’y mettre la manière. La liste électorale et les bureaux de vote sont mis en ligne pour éviter les nombreuses critiques de l’organisation des dernières élections. Quinze circonscriptions électorales dont une pour les 20 milles mauritaniens enregistrés à l’étranger (pays arabes) sont identifiées. Mais même s’il n’a pas d’emprise sur les choix des membres de la Ceni, au niveau de son administration personnelle on ne sort pas non plus des vieux reflexes. Il est vite rattrapé par les pratiques de l’Administration mauritanienne : recrutements (parentèle) et contrats de consultants complaisants.
Aujourd’hui encore, la Ceni en est à ce stade après le refus par les autorités politiques d’accepter la présence de trois de membres représentants les autres candidats après l’accord de principe obtenu à l’issue d’âpres négociations entre le régime et ses opposants.
Sur les onze membres de la Ceni et tous ses démembrements régionaux, tous les membres appartiennent à la même mouvance de la majorité dont certains partis se sont désintégrés pour se fondre dans le parti au pouvoir, l’Union Pour la République (UPR) du président Mohamed Ould Abdelaziz.
Dés décisions controversées de la Ceni
Quoique connu comme un homme ouvert, l’actuel président de la Ceni, désigné pour 5ans, et qui pourrait, sans doute, rester aux commandes de la Ceni jusqu’en 2023, peine cependant à convaincre du bien-fondé de certaines décisions prises par son entité à la veille de l’élection présidentielle 2019. C’est juste d’ailleurs si ces contradicteurs ne l’accusent pas de faire le jeu du pouvoir qui tente sa mue. En effet, la décision de la Ceni que le président Mohamed Vall Ould Bellal a vivement défendue lors de toutes ses sorties médiatiques et portant sur le choix d’une imprimerie dirigée par le président du patronat que tous savent rouler pour le président sortant ravive les inquiétudes d’autant que l’imprimerie en question ne justifie d’aucune expérience en la matière. Son profil ne répond aucunement à un appel d’offres même restreint pour éviter toute interprétation sur son choix. Curieux encore, après deux semaines de campagne alors que des Ongs ont indexé de mauvaises pratiques sur la neutralité de l’administration, la Ceni se fend d’un communiqué qui rappelle pour beaucoup la langue de bois de l’Administration mauritanienne.
Face à cet état d’esprit, les autres candidats en concurrence avec celui du régime n’ont plus qu’à déployer leurs propres moyens d’alerte et de vigilance pour parer à toute éventualité d’autant que seul l’institut Carter ne pourrait être au four et au moulin. Il sera difficile voire improbable de voir la Ceni dénoncer des irrégularités venant du côté du candidat du régime.
JD