La jeune startup mauritanienne, TOOGGA, vient de faire certifier « bio » trois produits issus de notre Teycheth national (Balanites aegyptiaca, Dattier du Désert). Il s’agit d’une huile à usage cosmétique, d’une huile à usage alimentaire et d’un nettoyant 100% à base de dattes du désert (toogga).
Cette certification ouvre les marchés européens et américains à ces trois produits issus du terroir mauritanien et laisse entrevoir de bonnes perspectives pour les produits issus de notre région.
Toogga lance le processus de certification pour d’autres produits tels l’huile de Voondi (graines de pastèque), l’huile de Baobab et l’huile de Neem (Quinine). Ce sera aussi le cas pour la poudre de Baobab (Tejmekht), la Gomme Arabique et la Fleur d’Hibiscus (bissap).
Le processus de certification est complexe et souvent méconnu. Il ne suffit pas que le produit soit naturel, cueilli à l’état sauvage et loin de toute source de pollution pour faire de lui un produit « bio ». Pour faire certifier ses produits, TOOGGA a procédé en deux étapes :
L’organisation d’un stage de formation sur l’agriculture biologique prodigué par un bureau international agréé. Ce stage, de deux jours, a été suivi par l’équipe de la startup mais aussi par des membres de la Coopérative de femmes cueilleuses (Badely) auprès de laquelle l’entreprise se fournit.
La venue d’inspecteurs dépêchés par Ecocert qui est l’un des plus grands laboratoires agréés pour certifier les produits agricoles dans le monde. Ecocert est un laboratoire français. L’inspection, qui a duré quatre jours, a consisté en un audit approfondi de l’ensemble de la chaine de production. Elle a démarré par une visite des zones de cueillette des dattes du désert (toogga) dans les environs d’Aleg, suivie d’une inspection des locaux de la Coopérative, d’une vérification des conditions de travail et des traitements subis par la matière première en insistant sur le stockage et le transport. Les deux derniers jours furent consacrés à l’épluchage de la documentation de TOOGGA Sarl et des conditions de production de l’huile dans son laboratoire nouakchottois. L’idée fut de vérifier qu’aucun contaminant chimique n’a été en contact avec les huiles et surtout qu’il sera possible de certifier la traçabilité des produits en cas de survenue d’un problème.
Le certificat « BIO » est délivré pour deux ans avec obligation de subir une nouvelle inspection dans l’intervalle. Il existe trois référentiels de certification, l’EOS (Ecocert Organic Standard) pour l’Europe, le NOP (National Organic Program) suivi par l’USDA (Département de l'Agriculture des États-Unis) et le JAS (Japanese Agricultural Standard) pour le Japon.
Evidemment, tout ce processus a un coût en temps et en argent. Il faut compter, environ dix mille euros pour une première inspection. Pour mener à bien ce processus, TOOGGA a bénéficié de l’appui financier et en encadrement du Programme de Nations Unies pour le Développement (PNUD) et plus particulièrement, pour ce qui concerne la certification, à travers son programme SGP (Small Grants Programme), un mécanisme stratégique du Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), administré par le PNUD. En dépit du fait qu'à l’origine la certification n'était pas prévue dans le financement accordé par le programme au volet social du Projet Toogga, les responsables du PNUD ont accepté de prendre en charge cette dépense sur les fonds SGP/FEM. Le SGP a délégué, pour l’exécution de ce travail de certification, l’ONG ADPDH (Association pour le Développement et la Promotion des Droits Humains (ADPDH)) dont la souplesse et le dynamisme lui ont permis de s'acquitter de cette tâche avec brio.
Dès son lancement, le Projet Toogga avait reçu un accueil très enthousiaste de la part des Mauritaniens mais aussi de la part de nombre de partenaires au développement opérant en Mauritanie. Outre le GEF SGP, un autre programme du PNUD, l’Initiative Pauvreté Environnement (IPE) ainsi qu’une fondation américaine (USDAF) se sont groupés pour appuyer financièrement et en termes de formation les femmes de la Coopérative de Badely. C’est ainsi que cette première Coopérative, qui emploie 33 mères de familles, a bénéficié d’une clôture autour de son champ de 5 hectares, de la construction d’un local de production (100 m2), d’une adduction d’eau potable et d’une installation électrique solaire. D’autres aménagements à vocation agricole (diguettes, cordons pierreux…) ont été réalisés dans leur champ pour leur permettre la restauration de sol gravement dégradé par la succession d’épisodes de sécheresse et de pluies d’hivernage.
Le projet a aussi bénéficié d’un appui ponctuel de la part de la GIZ, appui qui devrait se muer en une contractualisation avec les associations de cueilleurs que cet organisme de la Coopération Allemande encadre dans les régions du Hodh et du Guidimagha (les AGLCs).
Le projet TOOGGA prépare actuellement une phase d’expansion qui devrait passer par les trois points suivants :
Assurer son approvisionnement en produits naturels de qualité obtenus selon les plus exigeants standards de l’agriculture biologique. Pour atteindre ce but, TOOGGA projette de créer une grande plantation qui vise à planter quelques 40 mille arbres oléagineux locaux (Balanites, Baobab, Acacia Sénégal, Jujubier, Marula, Neem…). Au sein de cette grande plantation, il y aura un jardin maraicher, un jardin botanique et du petit élevage. Cela offrirait aux femmes des coopératives qui seront créées à l’occasion, des sources de revenus supplémentaires.
La construction d’une vraie usine pour la production d’huiles végétales précieuses et la préparation des produits cosmétiques dérivés, en somme, la mise à l’échelle de l’actuel laboratoire d’où sortent les nombreux produits TOOGGA (23 références).
L’implantation de relais commerciaux pour les produits Toogga au sein des marchés solvables tels l’Europe et l’Amérique du Nord. Ces relais sont déjà mis en place par les membres de l’équipe de la startup qui habitent et travaillent dans ces pays.
TOOGGA est à la recherche de partenariats, publics, privés ou les deux à la fois (PPP), pour la réussite de cet ambitieux programme d’expansion.
L’ensemble de ces développements futurs continuera à être basé sur le même schéma, celui qui a présidé à l’origine du lancement du projet à savoir « faire de nos produits naturels autant de sources de revenus pour nos populations les plus nécessiteuses tout en respectant notre environnement ».
Mohamed Baba