Politique- Un été encore plus chaud! | Mauriweb

Politique- Un été encore plus chaud!

ven, 14/07/2017 - 12:26

Eté 2017. La température va monter d’un cran. A l’organisation d’un référendum qualifié d’illégal l’opposition prône le boycott actif. Les antagonismes politiques risquent, cette fois, de déborder sur la place publique.

Malgré le déni des sénateurs issus pourtant de sa propre Majorité, le président Mohamed Ould Abdelaziz a fait appel à l’article 38 de la Constitution pour faire passer ses propres propositions de réformes contenues dans son discours de mai 2016 à Néma et applaudies par le dialogue restrictif organisé l’année dernière, sans les véritables partis d’opposition dans le pays. Ces réformes portent essentiellement sur la dissolution de la haute chambre du Parlement, le Sénat, et la modification de la rhétorique de l’hymne national ainsi que les couleurs du drapeau.

Un débat juridique sans fin

Le peu de consensus politique sur l’opportunité de ces changements constitutionnels a vite été aggravé par le refus le 17 mars 2017 des sénateurs d’entériner l’organisation du référendum devant faire aboutir ces changements constitutionnels. En effet, alors que le régime avançait dans la logique du respect des dispositions prévues pour la réforme constitutionnelles (art 99…), il s’est trouvé confronté au niet des sénateurs. 33 élus de la Haute Chambre du Parlement ont refusé la solution hara kiri que leur proposait le président Aziz dans des termes qui frisaient le dédain à leur endroit. Aucun arrangement n’a pu être concocté avec les sénateurs malgré l’argent et les lots de terrain distribués à tour de bras. Pour une fois, le régime n’a pu acheter le vote de ses propres élus. Et les sénateurs ont malgré tout fait passer un message important. Celui d’être capables à défaut d’annihiler les décisions du président de le mettre dans l’embarras observé et qui a eu pour conséquence d’ajourner cette mise à mort programmé par lui et ainsi le contraindre à délier la bourse pour financer à coût de 6 milliards d’ouguiyas, en temps de disette, le référendum en question.

Mais c’est méconnaitre le régime qui ne pouvait souffrir un refus fusse-t-il légal et de surcroit venant de son sérail. Déjà acculé par les taximen à faire machine-arrière sur la loi sur le code de la route et par les députés sur la loi sur le genre, le pouvoir savait qu’il y jouait son va-tout. L’immixtion personnelle du président dans le débat a donné des propensions encore plus délicates à ces questions éminemment politiques.

« Raisonnablement» alors que le navire tangue dans tous les sens, un renoncement à une telle éventualité pourrait lui coûter cher. Il a donc préféré foncer, la tête baissée, plutôt que de se faire «ridiculiser» voir «délégitimer» par des sénateurs qu’il a souvent sauvés de l’échafaud du renouvellement de cette chambre. Pour le président, déjà pressenti sur le départ, il était devenu presque inéluctable de montrer à la grande masse qu’il avait encore toutes les cartes du jeu en main. Un arrangement manu militari qu’il pense encore le sortir de ce guêpier politique.

 

De l’arbitrage des urnes à celui de la rue !

On s’accorde à dire dans le milieu politique que les circonstances n’étaient pas opportunes. En plus d’une opposition qui fait plus de bruit qu’elle n’agit véritablement, la guerre intestine et répétitive des segments du pouvoir entre les clans Yahya Ould Hademine et de l’ancien PM, Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, d’une part, entre ceux du président du sénat, Mohcen Ould Hadj, et du président de l’Upr, Ould Maham, d’autre part, fragilisait le système à un moment crucial pour lui. Les conséquences se sont vite fait sentir sur la convocation du collège électoral et la mobilisation pour l’inscription pour le référendum prévu le 5 août 2017. Trois dates ont été fixées pour le dernier délai de cette révision. 48 jours dont seuls les derniers ont pu voir 100 milles personnes s’inscrire (Ceni) alors que les citoyens n’ont que 10 jours pour recours avant le jour «j» du référendum dans un pays de 1.030.000 km/carré. Il va sans dire que la précipitation avec laquelle les administrations traitent ces affaires est indissociable de la décision des autorités d’organiser ce référendum au plus vite pendant la période caniculaire et de grandes vacances…pour les expatriés, seule source de préoccupation en cas de grabuges.

Quoiqu’il ait fait, le pouvoir traîne plusieurs casseroles dont il n’arrive pas à se défaire. D’abord une fuite en avant dans l’organisation du référendum soupçonné charrier avec lui d’autres conséquences gravissimes pour la stabilité politique du pays. En effet, le recours à l’article 38 passé en revue par les constitutionnalistes risque d’être un dangereux précédent pouvant conduire à terme à «donner pouvoir » au président Ould Abdelaziz, malgré son serment et ses engagements personnels, de déverrouiller les dispositions réduisant le mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une fois. Et déjà les appels des sirènes y compris ceux du PM, Yahya Ould Hademine, et du président de l’Upr, Ould Maham, en tournée dans le sud du pays, ne se cachent plus de demander au président de violer et son serment et la Constitution du pays. La seconde tare concerne la communication approximative laissée entre des mains très peu experte et qui a bien plus un effet boomerang que crédibiliser le processus ourdi.

Sur la plan international, malgré l’intérêt que les partenaires accordent à la lutte contre le terrorisme, l’opposition mauritanienne a sans doute plus de sympathie de la part des diplomaties occidentales plus attachées à l’alternance pacifique qu’à voir des régimes se pérenniser par la force de la baïonnette. Certaines de ces ambassades avaient d’ailleurs joué un important rôle dans la rencontre de Dakar pour sortir le pays de l’instabilité né du putsch contre le président démocratiquement élu, Sidi Ould Cheikh Abdellahi.

La dernière ligne droite est donc amorcée par le regroupement de l’Opposition dans son ensemble. Malgré la perte de l’ancien président feu Ely Ould Mohamed Vall, l’opposition actuelle semble vouloir en découdre avec le régime qui depuis 2008 a pris le pays «en otage». Jusqu’où sera-t-elle prête à aller dans on boycott actif ? Ses leaders vont-ils descendre sur le terrain comme au lendemain du putsch de 2008 ayant conduit à l’ouverture de négociations avec le régime? Les différentes manifestations de samedi 25 juillet dispersées à Nouakchott seront-elles un baromètre suffisant pour faire plier le régime? Paradoxalement d’ailleurs, c’est le régime par l’organisation d’un tel référendum qui donne à l’Opposition l’occasion de se refaire une nouvelle vie ou de disparaitre…A jamais.  Assurément, l’été sera encore plus chaud cette année!

JD