Après avoir pris connaissance du communiqué du parquet général qui considère la procédure de poursuite a l’encontre du sénateur Mohamed Ahmed Ould Ghadde régulière et irréprochable, nous tenons à apporter les précisions suivantes à l’opinion nationale et internationale :
1) Nous considérons d’abord que le sénateur Mohamed Ahmed Ould Ghadden’est pas poursuivi pour le malheureux accident de circulation du 12 mai 2017. Un accident qui a malheureusement couté la vie à deux personnes et blessé une autre. Les ayants droit de ces victimes n’ont pas porté plainte et ont été indemnisés.
De tels accidents sont malheureusement fréquents du fait de l’état de certaines routes nationales, des habitations et commerces aux abords de ces routes ainsi que des animaux en divagation.
2) L’usage dans les tribunaux mauritaniens en cas d’accident est la garantie du droit des victimes et l’exigence de la diya en cas de décès. Dès l’instant ou ces droits des victimes sont respectés et cette diya payée, aucune poursuite n’est engagée contre l’auteur de l’accident.
3) Le Sénateur Mohamed Ahmed Ould Ghadde a été arrêté en violation de l’immunité parlementaire dont il bénéficie et contrairement à la pratique et aux usages des tribunaux mauritaniens dans les cas d’accidents de la circulation.
4) Il est donc clair que celui qui est poursuivi n’est pas le sénateur Mohamed Ahmed Ould Ghadde, auteur de l’accident dont les ayants droit des victimes n’ont porté plainte. Celui qui est poursuivi, c’est le sénateur membre de l’institution parlementaire qui a rejeté le projet de révision constitutionnel.
Celui qui est arrêté aujourd’hui, c’est Mohamed Ahmed Ould Ghadde président de la commission parlementaire d’enquête portant passation illégale des marchés publics. Celui qui est poursuivi, c’est l’homme qui réclame une enquête sur « la vente » de Senoussi, qui réclame la publication du patrimoine du président de la République conformément à la loi. Il s’agit donc d’un procès purement politique.
4) L’arrestation de Mohamed Ahmed Ould Ghadde, contrairement aux déclarations du parquet, est illégale car elle viole l’article 50 de la constitution. Cet article dispose que « la détention ou la poursuite d’un membre du parlement est suspendue si l’assemblée dont il fait partie le requiert.»
La suspension prévue par cet article n’est pas soumise a la fin de la session ou a une autre condition.
Seule une condamnation par un tribunal peut faire échec à cette suspension. Elle est, comme ça ressort clairement des termes de l’article 50, absolue, sans condition.
Ceci est d’autant plus vrai que toute la procédure, y compris le jugement, peut se dérouler sans détention et sans la présence de l’inculpé au procès. En demandant la levée de la suspension, le parquet a agi illégalement, en violation de l’article 50 de la constitution. La décision du juge qui accédé a la demande du parquet et a décidé cette levée est tout aussi illégale. 5) L’arrestation et la détention de Mohamed Ahmed Ould Ghadde constituent une grave entrave au travail parlementaire.
Mohamed Ahmed Ould Ghadde présidait la commission d’enquête sur les marchés publics. Une commission née d’une décision du sénat avec une mission allant au-delà des sessions parlementaires, avec des prérogatives très larges lui permettant de convoquer tout membre du gouvernement pour l’entendre et d’obtenir tout document utile a son enquête.
6) Le parquet général qui déclare dans son communiqué que la procédure est régulière, a parfaite connaissance des conditions inhumaines de détention du sénateur et tout particulièrement du verrouillage des fenêtres de sa cellule par une équipe de soudeurs acheminé à la prison civile de Rosso. Pour un homme fortement affaibli par cinq jours de grève de faim, il s’agit d’un traitement inhumain et dégradant
7) Des pressions énormes sont exercées sur les ayants droit des victimes de l’accident pour qu’ils portent plainte. Ces ayants droit, devant la gendarmerie et devant notaire, avaient déclaré ne pas porter plainte et maintiennent cette position.
En conclusion, le procès de Mohamed Ahmed Ould Ghadde est purement politique. Ce qui est réellement en jeu, c’est la séparation des pouvoirs, l’autorité des institutions et l’Etat de droit en Mauritanie.
Rosso le 13/07/2017
Maitre Ahmed Salem Ould Bouhoubeyni