Accusé d'avoir écrit un article à caractère blasphématoire, Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir a été condamné à la peine capitale. La Cour Suprême doit rendre son ultime jugement mardi prochain.
Le blogueur mauritanien Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir, condamné à mort pour apostasie, devrait connaître son sort le 31 janvier prochain, dans une décision donnée par la Cour suprême.
Cet homme aujourd'hui âgé de 30 ans, est détenu depuis le 2 janvier 2014. Il est accusé d'avoir écrit un article à caractère blasphématoire envers le prophète de l'Islam, publié sur le site d'information mauritanien Aqlame, rapporte l'Organisation Human Rights Watch dans un communiqué. Le 25 décembre 2014, il a été reconnu coupable d'apostasie et condamné à mort par le tribunal de la Cour criminelle de Nouadhibou (nord-est de la Mauritanie) pour «avoir parlé avec légèreté» du Prophète.
Dans son article il décrit la société mauritanienne et notamment son rapport à la religion. Il affirmait notamment que certains Mauritaniens se servaient de la religion pour justifier des discriminations raciales ou sociales. «On espère qu'il va être libéré. Cette exécution contrevient à toute forme de liberté d'expression», commente Ahmed Benchemsi, consultant à Human Rights Watch.
Une grâce reste possible
En Mauritanie, la Cour suprême a le pouvoir d'annuler ou réduire une condamnation si l'accusé présente ses excuses publiquement. Selon l'article 306 du Code pénal, elle peut alors annuler la condamnation à mort, commuer une peine de prison de trois mois à deux ans avec une amende allant de 5000 à 60.000 ouguiya (14 à 167 dollars). «Il s'est repenti à deux reprises. La première au poste de police militaire, lors d'une audience préliminaire en décembre 2014. Puis une seconde fois à son procès en décembre 2014», poursuit Ahmed Benchemsi.
Le 31 janvier prochain, l'Institution devrait juger la sincérité de la repentance de l'accusé. «La cour suprême devra évaluer sur des critères très précis la validité des excuses de Cheikh Ould Mkhaitir. Elle décidera ensuite si elles sont recevables ou pas», détaille Eric Goldstein, également membre de l'ONG Human Rights Watch.
Mkhaitir s'est également repenti une troisième fois lors de son passage en Cour d'appel de Nouadhibou le 21 avril 2016. Mais elle avait refusé les excuses et confirmé la peine de mort. Pour Ahmed Benchemsi, «la Cour suprême est son ultime chance».
De nombreuses organisations non gouvernementales et internationales ont manifesté leur soutien auprès du blogueur. «Amnesty International, Freedom House, HRW, et d'autres, se sont mobilisées pour le soutenir. Il a été soutenu par un collectif de 16 organisations africaines et internationales des droits de l'homme», poursuit Ahmed Benchemsi. Elles appellent toutes à la libération immédiate de Mkhaitir. «Il n'a fait que s'exprimer pacifiquement, il n'aurait même pas dû faire une heure en prison pour ce qu'il a fait. Il a déjà bien payé», s'alerte Eric Goldstein.
S'il est libéré, se pose également la question de l'asile politique. «On ne sait pas s'il va demander l'asile politique mais c'est vrai qu'il pourrait devenir la cible de certains terroristes ou fanatiques», poursuit-il.
Une manipulation politique?
Les 10 janvier 2014, des milliers de manifestants s'étaient regroupés devant le palais présidentiel pour dénoncer les propos tenus par le blogueur, les qualifiant de «crime abominable». Le président Mohamed ould Abdelaziz a déclaré lors d'un entretien télévisé le 4 avril 2014 qu'il pensait que Mkhaitir n'était «pas conscient de la gravité de ce qu'il avait dit».
«Une fois que le débat est porté sur la place publique, cela crée un précédent. Les politiques ne peuvent plus faire marche arrière» commente un observateur étranger. Certains spécialistes évoquent une manipulation politique derrière cette affaire. Ces derniers soulignent que le site sur lequel l'article a été publié est très peu lu. «Il y a des soupçons sur l'ampleur de cette histoire. Comment autant de personnes ont lu cet article en particulier» .
Human Rights Watch préfère rester optimiste. «Depuis l'indépendance, il n'y a pas eu d'exécution pour apostasie. Il y a déjà eu des condamnations mais jamais d'exécution. Ce qui laisse encore un petit espoir», confie Eric Goldstein.
Cette République islamique prévoit la peine de mort pour les blasphèmes mais n'a jamais procédé à une mise à mort pour apostasie depuis son indépendance en 1960, selon un rapport du Département d'Etat américain de 2015.
Par Lisa Hanoun
Le Figaro via cridem