Après une trêve de quelques mois, due, entre autres, au Ramadan, au Sommet de la Ligue arabe et au (mini)-dialogue, notre guide éclairé a repris ses visitations régionales, avec le Tagant. Au pas de charge : le tour de la wilaya en trois jours, pour visiter une école et un hôpital, inaugurer une extension du réseau électrique et prendre un bain de foule qui lui manquait, apparemment, beaucoup.
Rien que du très classique et qui ne justifie nullement un tel déplacement présidentiel. Inutile d’aller si loin et mobiliser autant de moyens, pour se rendre compte de l’état de l’enseignement et de la santé. Deux secteurs parmi les plus mal en point et dont la situation va de pis en pis, à mesure que notre rectification prend de l’âge.
L’école n’est plus qu’un tableau noir et la santé est à l’agonie. Seuls ceux qui disposent de gros moyens peuvent offrir, à leurs enfants, un enseignement de qualité (et encore) ou se soigner, de préférence, à l’étranger. Devenus de véritables mouroirs, nos hôpitaux ne reçoivent que ceux sans autre choix. Mais, de tout cela, Ould Abel Aziz n’en a cure.
Il veut voir le monde se bousculer et se donner des coups, pour toucher l’auguste main présidentielle, il lui faut entendre la voix de la Mauritanie des profondeurs – elle lui est si chère… – se pâmer devant tant d’éloges et de dithyrambes, venant de citoyens « sincères », obligés par les si « grandioses réalisations » de leur Raïs.
Et celui-ci a été servi. Le spectacle qu’on croyait pour de bon révolu et qui nous a été, malgré tout, proposé, à l’aéroport de Tidjikja, fut à la hauteur de son personnage central : d’une sottise aussi affligeante qu’indescriptible.
Tout comme la réunion des « cadres » où la bêtise était le maitre-mot. Avec, par exemple, cet intervenant proposant, « au nom du peuple », de modifier la Constitution pour permettre à son Président adulé, d’accomplir non pas deux mais six mandats.
Ould Abdel Aziz a souri, en apparence ravi de ce que quelqu’un mette le doigt sur une plaie à laquelle lui-même n’a pas encore pu trouver de remède-miracle. Malgré un dialogue organisé au forceps, les appels du pied de certains dialoguistes, missionnés à demander, avec insistance, le déverrouillage des articles relatifs aux mandats, et les vaines tentatives de son parti, pour imposer une nouvelle Constitution, la pilule n’a pu passer.
Les pressions de la rue, des oppositions participante et boycottiste, des partenaires étrangers et, sans doute, de l’Armée ont fini par avoir – provisoirement ? – raison de son appétit de pouvoir. Qu’on se détrompe ! Rien n’est encore joué.
Ces visites sont, peut-être, une belle occasion de prendre le pouls du pays profond, se convaincre qu’après lui, ce sera le déluge et tenter une ultime manœuvre pour faire sauter un verrou qui hante, désormais, ses nuits.
Le danger nous guette. Soyons vigilants. Ce n’est pas parce qu’Aziz a dit qu’il ne touchera pas à l’article 28 qu’il faut dormir sur nos fragiles lauriers. Tant que des élections consensuelles, libres et transparentes ne seront pas organisées, où ni le pouvoir ni l’Armée n’auront parachuté de candidat, la scène politique ne connaîtra jamais l’apaisement.
Et l’on continuera à vivre la même crise… jusqu’au jour où les sans-abri, les laissés-pour-compte et les affamés renverseront tout sur leur passage. Il sera, alors, trop tard. Mais il est encore toujours temps, aujourd’hui, pour bien faire…
Ahmed Ould Cheikh (Le Calame)