La récente déclaration du président de la république, dans laquelle il promet de quitter le somptueux palais ocre à la fin de son dernier mandat, a le mérite de faire taire les craintes et rumeurs les plus sordides sur notre avenir.
Ce retrait présidentiel solennel , inédit dans notre contexte arabo-africain, est vivement applaudit par bon nombre d'observateurs qui voient dans cet acte sa reconnaissance aux autres la capacité de gérer les affaires de l'État "mieux que lui", ce qui autrement veut dire que nos institutions et structures fonctionnent normalement et que les citoyens mauritaniens sont suffisamment mâtures pour dorénavant assumer pleinement les règles du jeu démocratique dont l'alternance pacifique au pouvoir en est l'ultime consécration.
On en déduit également une autre bonne nouvelle ; la Mauritanie connaîtra une relance économique certaine conséquemment à la stabilité politique ainsi retrouvée. Une décision donc ô combien louable ! Les supputations sur l'après Aziz ont commencé déjà et tous les regards sont braqués sur 2019, d'ici là plus rien ne pourra détourner l'attention des mauritaniens, le peuple est de la sorte pris en haleine, le comble pour un homme politique. Des élections présidentielles en perspective ,est effectivement, égales liesses populaires et des veillées festives pour le commun des mauritaniens et pour les ténors l'occasion de toucher le gros pactole. Que de bonheur dirais-je; le président par ce coup de maître fini en beauté. Mais , malheureusement il y'a un MAiS , un gâche-fête. Là ou le hic nous interpelle, son intention de quitter les commandes du pays est doublée voire concurrencée par son acharnement sur NOTRE Constitution qu'il entend encore et toujours modifier non pas pour l'adapter à la bonne marche ou à l'évolution du pays mais bizarrement pour des raisons de déconsidération de notre passé!!!
Le président nous propose, un genre de troc comme le marché de l'acquisition de l'aéroport avec l'entreprise NAJAH, ou une sorte d'hypothèque : << je quitterai la présidence à condition que vous seriez après moi comme je le souhaite. Et les générations futures seront assujetties à ma vision >>. Est-il sensé de comprendre le souci de notre providentiel guide en dehors des agissements tant décriés de ses proches collaborateurs ou de l'arrogance sans limites des siens? Est-il préoccupé par les séries de scandales révélés au grand jour, touchants tous les secteurs publics et qui par sa volonté ont été "camouflés" et classés sans suite? Pourquoi veut-il réviser la constitution sans que cela ne soit une exigence convaincante et consensuelle ? En quoi les modifications du drapeau , de l'hymne national et la suppression du sénat sert l'apaisement politique recherché? Ses plus farouches opposants ne sont-ils pas déjà éliminés par les dispositions de la version en vigueur de cette constitution? Quel serait le prix à gagner en banaliser les textes qui nous gouvernent à force de les modifiés au gré des humeurs? Autant de questions auxquelles Aziz doit apporter réponses pour reconquérir les cœurs de ses citoyens qu'il chérit tant au point d'en être le père Noël qui promet aux enfants de les faire visiter les villages des nuages et fini par distribuer à tout un chacun un petit morceau de gâteau (empoisonné à coup sûr).
Aziz ayant déjà suspendu la constitution à deux reprises(2005 , 2008) et l'ayant également modifié à deux reprises (2006 , 2012) et programme selon un schéma irréversible à le modifier en 2016 se plait apparemment à jouer avec le plus sacré symbole de notre souveraineté. Aucun président dans toutes les démocraties du monde n'a autant fait durant son exercice du pouvoir. Nous sommes sous régime de notre troisième constitution de 1991(1°- 1959, 2°-1961) avec au passage une charte constitutionnelle en 1985. La France est depuis 1958 sous régime d'une seule constitution celle de la cinquième république. Sommes nous plus évolués ? Certes sa constitution a connu plusieurs révisions (24) mais pas plus de trois par le même gouvernement et jamais ces révisions n'ont touchées les symboles de la nation et jamais le peuple ne s'est prononcé autant de fois en un laps de temps aussi court. Le Sénégal et l'Algérie nos voisins sont dotés de constitutions souples comme la notre mais opèrent généralement des révisions justifiées et par voies moins liturgiques.
Dans un état moderne sous régime démocratique on ne change pas la constitution pour servir des intérêts particuliers encore moins pour des futilités ubuesques ou produire des effets "conflictogènes". La constitution, devrons-nous le rappeler, est le pacte fondamental d'une nation généralement adopté après consultation du peuple. Cette procédure d'adoption, dénommée référendum , lui confère entre autres caractéristiques autorité et suprématie sur tous les textes et règles juridiques du pays. Et c'est justement de cette procédure solennelle qu'acquiert la constitution sa portée symbolique. Pour préserver cette portée symbolique les constitutions se dotent généralement des dispositions de révision plus ou moins rigides pour ne pas en faire un texte banal. On parle parfois de verrouillage constitutionnel pour dissuader les esprits rebelles. Mais aussi de clauses d'éternité quand des dispositions ne peuvent plus être modifier, en Allemagne les dispositions dans leur constitution qui traitent du régime fédéral sont dites d'éternité , elles (ces dispositions) autorisent les citoyens à porter arme contre tout gouvernement qui serait tenter de modifier ces clauses qui sont garanties de leur unité. Nous sommes pas en Mauritanie, certes des régions fédérées mais unis sous ce beau drapeau composé de croissant doré sur font de vert , symbole de l'islam qui mène vers les verdures des jardins d'Éden notre ultime patrie.
Haroun Rabani