
Dimanche dernier, lors d’un banquet de l’Iftar organisé en l’honneur des leaders d’opinion et des candidats aux dernières élections présidentielles, le Président mauritanien Mohamed Cheikh El Ghazouani a annoncé son intention d’engager un dialogue national inclusif. Cette initiative, présentée comme un engagement électoral tenu, vise à aborder les questions cruciales pour l’avenir du pays, de la gouvernance à l’unité nationale, en passant par la justice sociale. Si la majorité présidentielle salue une démarche attendue, les partis d’opposition expriment un mélange d’espoir et de prudence.
Une promesse électorale concrétisée
Dès son annonce, le dialogue a été perçu comme la concrétisation d’une promesse de campagne. Le président du parti ISLAH, Mohamed Talebna, membre de la majorité, a souligné que cette initiative « n’est pas une surprise », rappelant que le chef de l’État s’y était engagé dès 2023. « Le dialogue n’est pas seulement entre la classe politique et le pouvoir, mais aussi entre tous les citoyens », a-t-il insisté, y voyant une volonté d’améliorer la gouvernance et d’impliquer chaque Mauritanien dans les affaires publiques.
Opposition : entre optimisme et méfiance
Si l’appel au dialogue est largement accueilli, les réactions de l’opposition reflètent des attentes ancrées dans des déceptions passées. Saleh Hanena, président du parti Hatem, a qualifié la démarche de « bonne pratique », tout en souhaitant qu’elle débouche rapidement sur des accords concernant « les grandes questions nationales ». Il a également relevé l’importance de l’appel technique lancé par le président, espérant qu’il soit « une lueur d’espoir » pour consolider la démocratie.
Du côté de l’Union des Forces de Progrès (UFP), Mohamed Maouloud a rappelé que l’opposition réclame ce dialogue « depuis longtemps ». Tout en saluant la nomination d’un coordinateur et la définition d’un programme – des « mesures concrètes » inédites selon lui –, il a évoqué les échecs passés, attribués à un « manque de sérieux » des autorités. « Si ce dialogue est sincère et bien préparé, la Mauritanie gagnera en stabilité », a-t-il affirmé, appelant à éviter les « conflits » menaçant l’unité nationale.
Un dialogue pour refonder l’État ?
Messaoud Boulkheir, président de l’Alliance Populaire Progressiste (APP), s’est dit « satisfait » de l’initiative, y voyant l’occasion de « construire l’État sur des bases nationales et non coloniales ». Optimiste, il a plaidé pour un dialogue incluant société civile et universitaires, visant à consolider « l’unité nationale » et à éradiquer les discriminations persistantes. « Ce qui unit les Mauritaniens est plus fort que ce qui les divise », a-t-il martelé, insistant sur la nécessité de « justice sociale ».
Le parti Sawab, représenté par le député Abdessalam Horma, a salué un dialogue intervenant « en période de calme, hors échéances électorales ». Tout en soulignant que « la solution aux problèmes ne peut être que consensuelle », M. Horma a mis en garde contre les écueils : « Le succès dépendra de la participation de tous, d’un mécanisme garantissant des résultats raisonnables… et surtout de leur application. »
Défis et attentes
Les intervenants s’accordent sur l’urgence de résoudre des défis majeurs : corruption, coexistence entre communautés, risques externes, et amélioration des pratiques démocratiques. Pour l’UFP, ces enjeux exigent une « volonté politique » et une rupture avec les « injures » passées. L’APP, quant à lui, appelle à discuter sans tabous des questions identitaires et sociales, rappelant le rôle de la Mauritanie comme « trait d’union » entre le monde arabe et l’Afrique.
Vers une nouvelle page ?
Si le dialogue national suscite un espoir de renouveau, sa crédibilité reposera sur son inclusivité et sa traduction en actes. Comme le résume Mohamed Maouloud (UFP), « tourner la page du passé » nécessitera des garanties et une mise en œuvre rigoureuse des conclusions. Dans un contexte régional volatile, les Mauritaniens attendent désormais des preuves que ce forum ne sera pas un énième exercice de communication, mais le catalyseur d’une réforme profonde.
Alors que les préparatifs techniques doivent débuter, la balle est dans le camp des acteurs politiques : sauront-ils transcender leurs divergences pour écrire ensemble un nouveau chapitre de l’histoire mauritanienne ?