Dans une note officielle datant du mois de décembre 2015, la direction générale de la SNIM reconnaît que, désormais, cette entreprise publique est « engagée dans une bataille de survie ». Bataille de survie… ! Le secret de Polichinelle est ainsi douloureusement révélé.
Cela veut dire donc que cette direction reconnaît publiquement que la mort rôde autour de celle qui, il y’ a à peine 2 ou 3 ans affichait des bénéfices de l’ordre de plusieurs centaines de milliards d’ouguiyas de vente du fer, dans une conjoncture particulièrement favorable à nos exportations, grâce notamment à la demande chinoise.
Les sources ayant tari, la soif s’installe donc. Mais à qui la faute ? Pour la SNIM, il ne faut pas chercher bien loin : c’est la faute à « la conjoncture ». Les affaires de marchent plus parce que les acheteurs du précieux produit ne se bousculent plus au portillon.
Bien pire, ils font grise mine en attendant des jours meilleurs. Mais c’est là seulement une demi-vérité. L’autre moitié de vérité est plus substantielle. Elle porte sur ce qu'il s’était passé avant le tassement de la demande extérieure et le basculement dans la crise et ses inévitables et cruelles répercussions sociales qu’annonce avec une effrayante froideur cette ingénue direction de la SNIM.
Comment ont été dépensées les sommes accumulées pendant la longue période de croissance des ventes à des prix particulièrement élevés, en raison des énormes besoins du marché sidérurgique chinois principalement ?
La vérité cruelle est que, prise de tournis devant les sommes colossales qu’elle a brassées pendant la période des vaches grasses, cette direction a dépensé sans compter, dans tous les sens, orientant (dilapidant) son immense « générosité » dans des œuvres de propagande grandiloquentes décalées et le plus souvent improductives, dépensant pour la légitimation ex post facto et le prestige de la « rectification », pour faire plaisir à la hiérarchie politico-militaire régnante, mais pour le malheur de son personnel et la fragilisation extrême de sa contribution à la vie économique du pays.
Comme un nouveau riche, trop facilement et trop rapidement enrichi, la direction de la SNIM a naïvement cru en l’éternité de sa « bonne étoile », oubliant le talon d’Achille de toute « industrie » extractive : sa dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs.
Pendant des décennies, l’un des rares consensus existant dans le pays était celui autour d’une relative saine gestion de la SNIM. Il en allait de l’existence même de l’Etat et des intérêts essentiels du système politique et économique en vigueur. Malgré la folle succession des régimes militaires, ce consensus a été fondamentalement sauvegardé.
La gabegie et la mauvaise gestion qui paralysaient le pays, semblaient donc s’arrêter à la porte de la SNIM, même si d’autres maux y sévissaient, donnant d’elle l’image un peu surfaite d'ailleurs, d’un îlot de rationalité et de bon sens gestionnaires, dans un océan brumeux de corruption, de détournement, de discrimination et d’abus en tous genres, dans le reste du pays.
Apparemment, depuis 2008, la rupture de ce consensus a été lentement mais sûrement brisé. Ici, la « rectification » va consister en un lent retour vers la « normalité » à la mauritanienne, une descente aux enfers de l’économie parallèle, celle des « amis » et des adoubés, avec une nette accélération au cours de ces toutes récentes années. Aujourd’hui, même si tout n’est pas perdu, tout est permis !
Aussi, « la bataille de la survie », sur fond de dégraissages inévitables en vue et autres gentillesses sociales que veut mener la direction de la SNIM, chasseuse de journalistes libres, semble un pari difficile à tenir.
Car comme le rappellent tous les observateurs objectifs, y compris la presse qu’elle s’attache à décapiter par justice interposée, cette direction fait clairement partie des problèmes de cette entreprise publique. A moins d’être elle-même « rectifiée», à coup sûr, elle mènera l’entreprise à sa perte et entraînera l’économie du pays, déjà très mal en point, dans une zone de très haute turbulence…
Lô Gourmo Abdoul