RFI Afrique - Après un dîner de travail à l'Élysée auquel ont pris part une trentaine de dirigeants africains et européens, la France, ses partenaires européens et le Canada ont annoncé, jeudi 17 février, le retrait des forces militaires du Mali après neuf ans d'intervention militaire contre les jihadistes.
Quelque 2 500 à 3 000 soldats français resteront déployés dans le Sahel après le retrait du Mali. C’est après une réunion mercredi soir à l’Élysée entre les partenaires africains et européens pour évoquer la situation au Sahel que la décision a été entérinée.
Les forces de Barkhane et Takuba vont donc quitter le Mali lors d'un « retrait coordonné ».
« En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes », les pays estiment que les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel. « Nous restons déterminés à soutenir le Mali et sa population dans leurs efforts pour obtenir une paix durable et la stabilité », précise le texte de cette déclaration conjointe.
« 2 500 à 3 000 » soldats français resteront dans le Sahel
« Ce retrait se traduira par la fermeture des emprises de Gossi, de Ménaka et de Gao, il sera effectué de manière ordonnée, avec les forces armées maliennes et avec la Mission des Nations unies au Mali », a énoncé le chef de l'État français, qui précise que le retrait des troupes françaises prendra 4 à 6 mois. Environ « 2 500 à 3 000 » soldats français resteront présents dans le Sahel après le retrait, a rajouté le porte-parole de l'état-major, le colonel Pascal Ianni.
Interrogé par un journaliste sur ce retrait militaire, le président français a indiqué qu'il « récuse complètement » la notion d'échec au Mali. « Que se serait-il passé en 2013 si la France n'avait pas fait le choix d'intervenir ? Vous auriez à coup sûr un effondrement de l'État malien », a-t-il déclaré.
Concernant les mercenaires russes Wagner au Mali, l'un des plus important points de crispation entre les autorités françaises et maliennes, M. Macron a estimé qu'ils « viennent essentiellement sécuriser leurs intérêts économiques et la junte elle-même, c'est ça la réalité de ce que nous voyons ». De son côté, Bamako nie toujours la présence des mercenaires de Wagner sur son territoire.
Étendre le soutien militaire
Les pays signataires ont convenu de poursuivre leur action contre le terrorisme dans la région du Sahel, notamment au Niger et dans le golfe de Guinée - possiblement le Bénin ou le Togo-, des régions devenues des « priorités de la stratégie d'expansion » d'al-Qaïda et du groupe État islamique, a déclaré le président Emmanuel Macron.
Des consultations politiques et militaires ont été engagées avec les pays concernés pour mettre en place, d'ici à juin 2022, « les paramètres de cette action commune ». Cette action sera donc, c'est ce que l'on comprend, une action internationale, européenne et canadienne avec la France, mais avec une volonté de retirer la France du devant de la scène. « Le rôle de la France n'est pas de se substituer aux États », a rajouté M. Macron.
« Afin de contenir la potentielle extension géographique des actions des groupes armés terroristes en direction du sud et de l'ouest de la région, les partenaires internationaux indiquent leur volonté d'envisager activement d'étendre leur soutien aux pays voisins du golfe de Guinée et d'Afrique de l'Ouest, sur la base de leurs demandes », précisent-ils dans leur déclaration conjointe. Des militaires européens participant au groupement de forces spéciales Takuba « seront repositionnés aux côtés des forces armées nigériennes dans la région frontalière du Mali », a annoncé Emmanuel Macron.
Lors d'une conférence de presse, le président français a également fait part de sa volonté de « mettre davantage les populations civiles au cœur de (la) stratégie », qui sont les « premières cibles des exactions et le premier rempart contre les groupes » jihadistes.
« Nous comprenons cette décision »
Présent lors du diner mercredi à l'Élysée, le chef de l'État sénégalais et président en exercice de l'Union africaine, Macky Sall, a déclaré : « Nous comprenons cette décision ». Il a aussi estimé que les groupes jihadistes au Sahel « ne saurait être la seule affaire des pays africains ». « Nous sommes heureux que l'engagement ait été renouvelé de rester dans la région et de réarticuler le dispositif », a-t-il conclu.
« L'engagement a été renouvelé de rester dans la région et de réarticuler le dispositif. Nous espérons que les discussions entre la Cédéao et la Mali permettront d'arriver à un retour normal à des institutions civiles issues d'élection, de façon à pouvoir reprendre le cours normal des choses », a encore dit Macky Sall, président du Sénégal et président en exercice de l'Union africaine.
De son côté, le président ghanéen et président en exercice de la Cédéao, Nana Akufo-Addo, a rappelé que tous les pays ouest-africains sont vulnérables au terrorisme. « Il est temps que le Conseil de sécurité de l'ONU s'engage plus fermement avec une intensification et, surtout pas, une diminution de l'engagement onusien », a-t-il déclaré.
Sur le sujet du déploiement onusien, le porte-parole de l'organisation a estimé ce jeudi que le retrait français aura un « impact » mais que la mission de l'ONU « s'adaptera ». « Nous prendrons les dispositions nécessaires pour nous adapter au nouveau contexte en vue de pouvoir poursuivre la mise en oeuvre de notre mandat », a-t-il dit.
L'Allemagne va également réfléchir sur son futur engagement dans le pays. La ministre allemande de la Défense s'est dite « sceptique » quant à la prolongation de la mission des soldats allemands au Mali, après l'annonce du retrait français. « Nous avons pris connaissance de la décision de la France de quitter le Mali et de mettre fin à son engagement là-bas, ce qui a bien sûr des répercussions sur les partenaires », a déclaré à Bruxelles Christine Lambrecht.
Par RFI