Le360 Afrique - Mohamed ould Abdel Aziz a comparu devant le pool des juges d'instruction anti-corruption. Une audition dénoncée par les avocats de l'ancien président mauritanien, qui avancent "des vices de procédures", alors que le collectif des avocats de l’Etat juge normale la procédure suivie.
Mohamed ould Abdel Aziz, ancien président mauritanien (2008-2019), poursuivi pour diverses infractions liées à sa décennie de gouvernance et incarcéré à titre préventif à l’Ecole nationale de police depuis le mois de juin dernier, a comparu devant le pool des juges d’instruction anti-corruption le mardi 07 septembre 2021.
Une audition suivie de la réaction des avocats des deux partis: Me Taleb Khiyar, qui défend les intérêts de l’ex-chef de l’Etat qui dénonce «de nombreuses irrégularités» alors que Me Brahim, par ailleurs, bâtonnier de l’Ordre national des avocats (ONA), salue le déroulement de la procédure, qui avance en conformité avec les règles du Code de procédure pénale (CPP).
Maître Taleb Khiyar, explique que son client, détenu «a fait l’objet d’une extraction pour une comparution au cours de laquelle est prévue une confrontation. Mais aucun acte de cette nature ne nous a été préalablement notifié, alors que la convocation de la défense en pareilles circonstances, est un principe essentiel et fondamental pour un procès équitable. Nous avons assumé notre devoir d’assister notre client devant le pool des juges d’instruction.
C’est ainsi que nous avons présenté une requête mettant en évidence un certain nombre de vices de procédures: défaut de convocation. Celle-ci représente l’acte qui édifie l’identité de l’autorité qui demande la comparution prévenue».
Il explique aussi que cette convocation annonce également l’objet de l’audition, prescrit le délai légal fixé pour la comparution et communique le dossier aux conseils de la défense.
Partant, souligne Me Taleb Khiyar, «l’absence de cette mise à la disposition de ce dossier aux avocats de l’ancien président est un fait extraordinaire et absolument inimaginable, dans la perspective d’un procès équitable» qui créé un précédent dangereux sous la forme d’une discrimination dans le traitement d’une affaire pénale, estime l’avocat de la défense.
La dernière nouvelle annoncée par les conseils de Mohamed ould Abdel Aziz fait état d’une décision en référé du pool des juges d’instruction anticorruption, rendue mercredi en fin de journée, et ordonnant finalement la communication du dossier à la défense.
Une réaction diamétralement opposée de Me Brahim Ebetty, membre du collectif des avocats de l’Etat, constitué partie-civile, par ailleurs bâtonnier.
Ce vieux routier du barreau salue «le bon déroulement et les avancées notables de la procédure» matérialisées «par l’audition du prévenu Mohamed ould Abdel Aziz, ancien président de la République».
«Il a comparu devant le pool des juges d’instruction anti-corruption pour les besoins d’une confrontation, dans le cadre d’un dossier impliquant plusieurs anciens hauts responsables, dans le respect strict des règles prescrites par les dispositions du Code de procédure pénale (CPP)», estime Me Ebetty.
Tenu par le secret de l’instruction, l’avocat refuse cependant de donner plus d’informations sur la confrontation organisée mardi et dit attendre la fin de l’enquête pour suite à donner à une affaire inédite, qui tient toute la Mauritanie en haleine depuis près de 18 mois.
Mohamed ould Abdel Aziz, ancien président de la République, est poursuivi sur la base d’un rapport établi par une Commission d’enquête parlementaire (CEP).
Ce rapport dénonce de nombreuses entorses dans l’attribution de marchés publics relatifs à l’énergie, aux infrastructures, la gestion d’un fonds pétrolier, la gestion de la Société nationale industrielle et minière (SNIM), la cession du foncier à Nouakchott,…
Ainsi, l’ancien président mauritanien doit répondre de plusieurs chefs d’inculpation «dissipation de biens publics mobiliers et immobiliers, perception d’avantages matériels indus auprès d’institutions publiques, interventions dans des actes commerciaux incompatibles avec la qualité de fonctionnaire, trafic d’influence, abus de fonctions, enrichissement illicite, blanchiment,...».
Sa défense dénonce un dossier politique en violation des articles 92 et 93 de la constitution.
Par De notre correspondant à Nouakchott
Amadou Seck