RMI-Info - Dans un entretien exclusif avec RMI-info, l’ancien Premier ministre, vice-président et député de l’Union pour la république (UPR), Yahya Ould Waghf a déclaré qu’en cas de d’un dialogue politique national inclusif, “la question de l’unité nationale, dans toutes ses dimensions, figure en priorité”.
Toutefois, Ould Waghf a nié le bien-fondé de l’organisation d’un dialogue social. Il a présenté l’actuel président Mohamed El Ghazouani comme un homme ouvert à l’opposition à travers ses différentes entrevues avec certains leaders.
Selon lui, la politique gouvernementale du Cash Transfert des fonds aux familles démunies, est la réponse la plus appropriée face à la hausse des prix des denrées alimentaires.
À propos de l’avenir du rapport de la commission d’enquête parlementaire, dont il est le membre, il s’est réservé tout commentaire arguant de laisser la justice faire son la perturber ni l’influencer.
Entretien :
Rmi-info: Avant le démenti du porte-parole de votre parti, une source médiatique mauritanienne avait déclaré que le président de la République, Mohamed Cheikh El Ghazouani aurait appelé à un dialogue social. La source dit que vous aviez pris part à cette réunion? De quoi agissait-il en réalité? Aviez-vous évoqué un possible dialogue politique?
Yahya Ould Waghf : A ma connaissance, il n’a jamais été question d’un dialogue social au niveau des réunions des instances de l’UPR auxquelles j’ai assistées. Il s’agit d’une information publiée par un site local qui a été immédiatement démentie par le parti ( Union pour la République NDLR). Il y a des institutions qui ont pour mission d’organiser le dialogue social, un conseil représentant l’ensemble des partenaires sociaux a été récemment mis en place. Il ne revient pas aux partis politiques de demander ou d’organiser un dialogue social.
À quelques heures de son voyage à Paris pour le Sommet One Planet Summit sur l’invitation de Macron, on apprend que le président El Ghazouani a accordé une audience à Messeoud Ould Boulkheir. S’agit-il-là des signaux pour un dialogue national et inclusif?
Le Président de la République, depuis son investiture, reçoit les acteurs politiques aussi bien de la majorité que de l’opposition. Le Président Messaoud est l’un des principaux leaders politiques du pays et le Président de la République l’a reçu à plusieurs reprises.
Si un dialogue aura lieu quelles seront selon vous les questions et dossiers à l’ordre jour? Et qui prendra part à ce dialogue?
Nous avons connu ces dix dernières années une crise politique sans précédent. Le pouvoir issu du coup d’état de 2008 a renié les accords de Dakar et a géré le pays de manière unilatérale. Les forces politiques de l’opposition étaient mises à l’écart. La rupture entre le pouvoir et l’opposition était totale.
Pour essayer de se légitimer auprès de l’opinion nationale et internationale, il a organisé des dialogues non inclusifs qui ont contribué à creuser d’avantage le fossé entre le pouvoir et l’opposition.
Avec les élections présidentielles de 2019 qui ont consacré l’alternance démocratique, avec la participation de toutes les forces politiques à des élections transparentes dont les résultats ont été reconnus par tous, nous avons assisté au dénouement de la crise politique, surtout à travers l’ouverture politique du Président de la République à toutes les forces politiques.
Le Président de la République reçoit désormais régulièrement les leaders politiques pour se concerter avec eux sur les questions d’intérêt public. Les partis politiques, majorité et opposition, se concertent régulièrement.
Dans un tel contexte, les dialogues, tels que nous les avons connus au cours des dernières années, ne me semblent pas correspondre à la situation politique actuelle. Il y a cependant des questions nationales qui n’ont pas souvent été traitées dans un cadre apaisé et inclusif, pouvant favoriser un consensus maximal qui prend en compte nos diversités et garantit d’avantage de justice et d’équité.
Ces questions doivent faire l’objet d’une concertation entre les différents acteurs concernés. Ces concertations doivent être bien préparées. La liste de ces questions, le format de la concertation et les acteurs impliqués doivent faire l’objet de concertations préalables entre les principaux partenaires politiques.
Parmi les questions qui doivent être discutées figurent en priorité la question de l’unité nationale dans toutes ses dimensions, mais également la gouvernance politique dans son acception la plus large. Il revient aux acteurs de s’accorder sur les questions qui doivent faire l’objet de cette concertation.
Il y a quelques mois, votre parti, l’UPR avait annoncé l’envoi des missions à l’intérieur pour sensibiliser les populations sur la question de l’unité nationale. Depuis plus rien n’a été entendu. Le dialogue social est-il venu supplanter la question de l’unité nationale?
Comme vous le savez, le parti, comme l’ensemble des institutions du pays, se doit de respecter les mesures de précaution imposées par cette pandémie. Les ateliers qui ont été programmés ont été reportés en attendant la normalisation des conditions pour pouvoir organiser ce genre d’activités. J’ai déjà souligné qu’il n’a jamais été question de dialogue social. Nous espérons pouvoir organiser ces ateliers au cours du mois de février pour adopter une vision concertée avec nos militants sur ces questions nationales.
Ces derniers temps, les Mauritaniens ont été confrontés à une augmentation des prix des produits alimentaires de première nécessité. Nombreux ont indexé le laxisme de l’État et le manque de contrôle face à la spéculation des grands commerçants? Qu’en dites-vous?
Vous n’êtes pas sans savoir que cette pandémie a eu un impact considérable sur les prix des denrées de première nécessité, mais aussi sur beaucoup d’autres produits. La plupart des pays exportateurs de ces denrées ont taxé leurs exportations pour éviter les pénuries. La demande de vaccin a fait une forte pression sur les conteneurs, ce qui a fortement affecté les frais des transports maritimes.
Le gouvernement suit le marché et contrôle les prix, mais il ne peut pas agir sur les prix à l’importation. Pour réduire l’impact de cette augmentation des prix sur le pouvoir d’achats des populations démunies, des transferts sans précédent ont été réalisés au profit de ces populations. Cette politique de transfert, constitue à mon avis, le meilleur instrument dans de telles situations.
Vous avez été en tant député membre de la commission d’enquête parlementaire. Vous avez remis aux autorités judiciaires et gouvernementales votre rapport. Plusieurs responsables nommément cités continuent à être promus par le président El Ghazouani. L’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz refuse toujours de répondre aux questions? Où en est-on avec ce dossier? Et pensez-vous qu’à la lumière de vos découvertes, il y aura des poursuites judiciaires?
Comme vous le savez, le dossier est entre la main de la justice et nous devons la laisser faire son travail sans la perturber ou l’influencer. Le rôle de la commission parlementaire est de soumettre son rapport à l’Assemblée qui l’a transmis à la justice.
La rédaction