Dix ans que la société chinoise Poly Hong Dong Fisheries écume impunément les fonds marins et fait de la concurrence déloyale aux producteurs nationaux et étrangers. Retour sur un accord qui continue de faire des vagues et où les filets chinois autorisés essentiellement pour le pélagique rapportent surtout du poulpe.
2013, nous évoquions déjà la « pêche » de milliers d’oiseaux (fou-bassans) retrouvés congelés dans les cales d’un chalutier de la société Poly Hong Dong Fisheries (http://www.cridem.org/C_Info.php?article=641800). Un scandale étouffé dans l’œuf par les décideurs politiques. C’est dire la protection dont jouissait -et continue encore de profiter- les 140 navires de pêche la société chinoise en Mauritanie sous l’œil bien veillant des responsables du ministères des pêches et de l’économie maritime. La convention -et son protocole- scellée en juin 2010, dans des conditions d’extrême opacité entre les autorités et la société chinoise reviennent encore à la surface non seulement du fait de l’enquête parlementaire ouverte sur les dépassements de gestion de l’ancien régime mais aussi parce qu’elle est censée être réévaluée en juin prochain.
Les eaux troubles de la convention
Le fait du prince et la force de persuasion sonnante et trébuchante de la société chinoise Poly Hong Dong sont, sans aucun doute, les véritables piliers de cet arrangement signé pour 25 ans. Pour faire passer cette couleuvre géante, les initiateurs du projet ont fait miroiter un investissement de 100 millions $US pour la construction d’un quai de débarquement, une fabrique de glace et une usine pour la farine de poisson ainsi que la construction de 100 navires de pêche artisanale. A termes, la réalisation de ces infrastructures permettrait la création de 2400 emplois permanents. L’investissement devait permettre aux chinois d’exporter plus de 80 milles tonnes de poissons par an, essentiellement de petits pélagiques. Ce qui est présenté à l’époque comme un pacte historique se révèle à posteriori comme un bradage des ressources nationales au profit des chinois et une poignée de responsables véreux aussi bien parmi les hautes personnalités de l’Etat que dans le secteur privé qui, dans ce manège, contribuent à blanchir cet argent. Le délai de la convention, l’absence de spécification des navires, l’introduction du chalut en bœuf, les conditions de travail abjectes, les avantages fiscaux et la concurrence déloyale faite aux autres acteurs artisans et même à la Smcp sont noyés à l’autel de privilèges de quelques individus.
Haro sur le poulpe
Qu’on se le tienne pour dit, c’est le poulpe qui est ici la poule aux œufs d’or. Après l’accord avec Poly Hong Dong, l’Etat a voulu donner le monopole du poulpe aux nationaux en en privant les européens lors de l’accord de partenariat de pêche. Mais dans la réalité, c’était bien plus une mesure de protection des chinois de Poly Hong Dong. En effet, selon les scientifiques, Poly Hong Dong fait état d’une capture de 8000 tonnes de poisson en moyen par an (journaux de bord) pour les petits pélagiques alors qu’elle dispose d’un quota annuel de 80 000 tonnes. La tonne de cette espèce se négocie entre 500 et 800 Usd pendant que celle du poulpe se vend entre 5000 et 15000 Usd.. Il est donc bien évident qu’elle ne cible pas ces espèces raison première d’existence de la convention. Et pour perpétuer son commerce, la société a résolument besoin d’acheter le silence des détenteurs de l’information. Les statistiques montrent d’ailleurs que les chinois qui auraient du cibler certaines espèces peu exploitées comme les sardines, les sardinelles plates, cymbium s’en sont donnés à cœur joie pour décimer les céphalopodes. Même aujourd’hui, sur une production nationale de 32 tonnes/an, les chinois de Poly Hong Dong en produisent 16.600 tonnes/an. Il faut reconnaitre à Cheikh Ould Baya l’outrecuidance d’avoir tenté de convaincre, sans succès le Ministre Ould Nanni, ce taux de capture à 5000 tonnes/an. Mais il ne sera pas suivi dans ce raisonnement. C’est dire que jusqu’en 2015, soit 5 ans, les chinois ont probablement pêché avec l’efficacité prouvé des casiers (1 tonne/jour) des dizaines de milliers de tonnes de poulpe ; sans laisser de trace. Qui pouvait les en empêcher d’autant qu’en 2013, le régime politique lui-même était revenu sur la suspension un laps de l’activité de l’entreprise qui n’avait toujours pas ramené les bateaux pélagiques prévus à l’accord. Allez savoir comment les chinois avaient pu convaincre les autorités à lâcher du lest.
200 millions Usd?
La transparence n’est pas encore de mise dans ce secteur où notre pays est pourtant initiateur de la Fiti (transparence dans le secteur de la pêche). Mais c’est encore et toujours de la poudre aux yeux comme en témoignent plusieurs acteurs sur la gestion des quotas et les conditions clientélistes de leurs attributions.
Toujours est-il qu’en attendant que les parlementaires fassent la lumière sur les conditions d’établissement de cet accord avec Poly Hong Dong, les sommités du monde des sciences halieutiques assurent que les bateaux de pêche chinois déclarent toujours 12 fois moins qu’ils ne capturent en réalité notamment pour leurs activités en Afrique de l’Ouest. Ce qui expliquerait peut-être que Poly Hong Dong Fisheries se soit fendue, à l’occasion de la visite du groupe parlementaire de l’environnement, d’un communiqué disant qu’elle aurait investi plus de 200 millions Usd dollars contre les 100 millions initialement prévus. Poly Hong Dong n’étant pas connu pour jeter de l’argent par la fenêtre, il faudrait bien qu’elle explique comment d’autant que la convention prévoit l’ouverture d’un compte où normalement devraient être mis 70% de ses recettes d’exportation.
J.D