Le candidat Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed Ould Ghazouani au site maurinews.info : "Aziz, c’est Aziz et moi, c’est moi".
Vous avez déçu certains par ce qu’ils ont considéré comme votre résignation face à la majorité après votre discours qui a été compris comme une ouverture sur tous les Mauritaniens. Quelle est votre réponse ?
Votre utilisation du terme résignation m’étonne. Je fais partie de cette majorité. Et, justement, la personne ne se résigne pas face à elle-même. Cette majorité, à commencer par le Président de la République jusqu’au plus simple des militants de partis qui la composent, a répondu prestement au projet de société dont je suis porteur.
Toutefois, je n’ai exprimé aucune exclusivité pour ma majorité en ce sens que j’ai tendu la main à tous et j’ai accueilli avec joie toutes les forces politiques et toutes les personnalités qui ont répondu à l’appel y compris en dehors de la majorité. C’est pourquoi je ne vois aucune raison qui justifie la déception que vous évoquez.
Les réseaux sociaux ont relayé le slogan « Ghazouani est Aziz ». Êtes-vous une continuité de l’homme ?
Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz est mon Président tout comme il est le vôtre, néanmoins il est mon ami, plutôt mon frère. Notre relation est vieille de près de 40 ans durant lesquels elle n’a jamais été entachée parce qu’elle est fondée sur la sincérité et la fidélité et j’en suis fier. Et il est illusoire de vouloir l’altérer ou d’en douter.
Suis-je lui ? Est-ce que tout frère est son autre frère ? Est-ce que tout fils est son père ? Lui, il est Monsieur le Président Mohamed Ould Abdel Aziz et moi je suis Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed.
Vous n’avez pas répondu à ma question…
Si, je crois avoir répondu et vous avez le droit de répondre à vous-même par ce qui vous plait.
Certains considèrent votre passé militaire comme un défaut. D’aucuns se basent sur ce passé pour dire que vous êtes le candidat de l’Armée et que votre élection consacre la continuité des régimes militaires. Que leur répondez-vous ?
Tout d’abord, je tiens à vous souligner que je suis actuellement un civil et, à ce titre, je suis soumis aux mêmes conditions que celles de n’importe quel autre civil. Quant à mon passé, il me fait honneur. J’ai servi mon pays au sein des forces armées pendant une très longue période au cours de laquelle j’ai appris ce qui est à mettre à mon actif et non pas à mon détriment : Le patriotisme, l’esprit de sacrifice, la discipline, la ponctualité au travail et la maitrise des dossiers, notamment ceux de la défense et de la sécurité.
A mon tour de vous poser la question : Est-ce là réducteur et, de manière particulière, ne croyez-vous pas comme moi que la maitrise des sujets liés à la défense et à la sécurité est une plus-value qui fait défaut aux autres ?
S’agissant justement de la défense et de la sécurité, certains critiquent la présence de soldats mauritaniens en dehors des frontières nationales. Croyez-vous que cela est justifié ?
Cette question ne doit pas m’être posée parce que je n’occupe plus une quelconque fonction en relation avec l’armée. Je suis simplement un candidat à la Présidence. Toutefois, je ne me défile pas. Je connais parfaitement le dossier, c’est pourquoi je dirai que la mission de l’armée est la défense du pays contre toute agression quelle qu’en soit l’origine.
La place naturelle de l’armée est à l’intérieur des frontières nationales. Néanmoins, il existe des situations qui sont liées au rôle régional et international de la Mauritanie et qui nécessitent sa contribution aux efforts de maintien de la paix dans notre zone.
Certains cas peuvent apparaitre comme une ingérence des forces mauritaniennes en dehors des frontières nationales alors, qu’en réalité il s’agit d’opérations qui servent la sécurité intérieure du pays en ce sens qu’elle en éloigne le danger. C’est le cas notamment de la participation à la force conjointe du G5 Sahel dont nous sommes les initiateurs. A ce titre, nous ne faisons que défendre nos frontières des dangers du terrorisme, de l’extrémisme et des trafics.
D’aucuns vous qualifient de candidat des forces armées. Quel commentaire à ce propos ?
Les Forces Armées n’ont pas de candidat. Evoquer leur nom dans la compétition électorale est une atteinte à ce noble corps et ne sert pas le pays. Les forces armées nous appartiennent tous. Leur rôle est de défendre l’intégrité territoriale et d’assurer la sécurité du pays.
Votre utilisation de l’avion miliaire a suscité une certaine polémique. D’aucuns font le lien entre cela et vos relations avec les forces armées. Etes-vouscertain que votre entregent n’a pas influencé le marché de location de l’avion ?
La question est toute simple : j’ai cherché un moyen de transport et reçu plusieurs offres de compagnies aériennes ainsi que de l’Armée. L’offre de celle-ci était la moins disante. J’ai contracté avec elle. Je ne vais pas vous encombrer avec des explications sur ce tout le monde sait au sujet de ce type de prestations que fournit l’aviation militaire.
Vous revenez d’une tournée à l’intérieur du pays que d’aucuns pensent qu’elle transgresse la loi en ce sens quelle se déroule avant l’ouverture de la campagne présidentielle. Que répondez-vous à cela. Et quelle est la raison de cette tournée à ce moment précis ?
Je suis porteur d’un projet de société pour lequel je sollicite l’adhésion des mauritaniens. Il est vrai que j’ai présenté la vision du projet dans le discours d’annonce de ma candidature. Mais il restait pour moi le plus important, c'est-à-dire le respect des Mauritaniens, leur implication à travers le contact direct et la sollicitation de leur appui à ce projet. Comme les candidats ont pour habitude de limiter leurs visites aux seuls chefs-lieux des wilayas, j’ai tenu personnellement, par égard à tous les citoyens, à visiter toutes les moughataas.
L’on constate l’émergence de discours ethniques et sectaires. Quel est votre sentiment à cet égard et quelle sera votre réaction face aux tenants de ces discours ?
Tout d’abord, je rejette fondamentalement tout ce qui est de nature à semer la division de mon peuple sur des bases claniques, raciales ou ethniques. Je vous renvoie au discours d’annonce de ma candidature dans lequel je me suis engagé fermement à œuvrer au renforcement de l’Etat de citoyenneté, de droit et d’équité de manière à ce que tous ceux qui se sentent lésés ou marginalisés puissent enfin se sentir fier d’appartenir à ce pays.
Les opposants au pouvoir vous considèrent responsable des obstacles qui ont émaillé le réaménagement de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), et certains disent que votre silence traduit tout au moins une complicité. Que répondez-vous à ce sujet ?
Je ne m’étonne point que certains me fassent incomber une responsabilité pour des faits, ou supposés tels, et auxquels je ne suis lié ni de près ni de loin. Pour ce qui est précisément de votre question, je n’ai jamais, à en aucun moment, constitué un obstacle à la réorganisation de la CENI. Bien au contraire, j’estime qu’il est nécessaire d’entreprendre tout ce qui est de nature à garantir la transparence dont je suis un inconditionnel et à laquelle j’appelle fortement.
C’est la transparence qui me garantit, une fois élu, que ma victoire soit propre et sans équivoque tout comme si un autre est élu dans les mêmes conditions, je serai capable de le féliciter pour son élection.
Il semble que les Mauritaniens sont unanimes sur la baisse du niveau de l’enseignement, l’anarchie générale qui le caractérise et la précarité des conditions des différents corps d’enseignement. De quelles solutions êtes-vous porteur pour ce secteur et pour les personnes qui en sont concernées ?
J’ai la profonde conviction que l’enseignement de qualité est le préalable à tout progrès et qu’il est facteur de raffermissement de l’unité nationale. C’est pourquoi, une fois élu, il sera en tête de mes priorités. Je veillerai à assurer la gratuité de toutes ses étapes, à le rendre obligatoire au niveau des premiers cycles. J’œuvrerai, autant que faire se peut, à introduire toutes les réformes nécessaires, à combler les insuffisances et à améliorer les conditions de son personnel. J’exposerai beaucoup plus en détails mes engagements à ce sujet dans mon programme électoral.
De nombreux citoyens considèrent que les conditions économiques sont désastreuses. Beaucoup se plaignent de la hausse des impôts, de la baisse du pouvoir d’achat et de la montée des prix. Certains acteurs parlent de manque de transparence dans l’attribution des marchés publics et de l’inégalité des chances. Quelle est votre vision pour faire face à cette situation ?
Les gens divergent à propos de l’appréciation de la situation économique. Pour ma part, je ne considère pas les choses de la façon que vous venez d’évoquer.
De toute façon, je ne m’appesantirai pas outre mesure sur cet aspect pour autant que mon propos concerne l’avenir. S’agissant de ma vision sur la question, j’ai souligné dans le discours d’annonce de ma candidature, mon engagement à œuvrer à l’impulsion d’une dynamique de développement dans le pays qui assure une harmonie entre les dimensions économique et sociale de manière à ce que elle ait un impact positif sur le citoyen. Je m’attèlerai à ce que soient garanties la transparence et l’égalité des chances entre tous les acteurs économiques et que soient créées encore davantage d’opportunités d’emploi.
Certains vous reprochent les visites que vous rendez à des personnalités et à des familles ainsi que votre acceptation d’invitations que vous adressent des initiatives tribales et régionales. Ne trouvez-vous pas qu’il s’agit là d’une forme d’encouragement du tribalisme et du régionalisme et d’un renforcement des pratiques de la société traditionnelle ?
Je suis porteur d’un message que je souhaite transmettre par toutes les voies appropriées et ne peux donc qu’accepter avec joie toutes les invitations qui me sont adressées par des électeurs. Pour ce qui est de la société que j’ambitionne construire, c’est une société d’égalité et de justice, fondée sur les principes de la citoyenneté dans le cadre d’un Etat qui garantit les droits à tous sans discrimination aucune.
Les intellectuels estiment qu’ils sont marginalisés et considèrent que la culture est reléguée au second plan. Que leur proposez-vous ?
La culture est le pilier de toute renaissance. Un pays qui ne respecte pas ses intellectuels et qui ne se préoccupe pas de sa culture n’est pas digne de respect.
Je m’engage à mettre la culture à la tête de mes priorités. La poésie, la littérature, le théâtre et la musique bénéficieront d’un intérêt particulier. Et j’accorderai au patrimoine culturel l’attention requise en particulier les manuscrits et vestiges ainsi que les valeurs culturelles authentiques.
J’encouragerai l’investissement dans la culture et l’appui aux créateurs et aux hommes de lettres.
Vous semblez avoir accordé plus d’intérêt aux partis, aux personnalités et aux communautés traditionnelles. Quelle place occupe la jeunesse dans vos préoccupations ?
Cela n’est pas exact. Une partie du soutien dont nous avons bénéficié jusque-là provient de partis qui ont des organisations de jeunesse ou d’initiatives constituées pour la plupart de jeunes ou dans lesquelles ceux-ci jouent un rôle prépondérant. Les contacts se poursuivent et les jeunes y seront les plus présents. La jeunesse est une ressource nationale et une véritable force indispensable à la construction du pays. Notre programme comporte une partie essentielle qui lui est consacrée afin qu’elle joue pleinement son rôle et qu’elle réalise ses aspirations à l’emploi et à l’accès aux centres de décision.
Les mauritaniens reconnaissent un bond indéniable en matière de libertés d’opinion et de presse, mais sont néanmoins d’accord sur deux choses :
1 – Cette liberté débridée est embourbée dans l’anarchie ;
2 – le mauritanien a le choix entre soit bénéficier de la liberté liée à la privation des avantages de l’Etat parfois de ses droits, soit y renoncer pour vivre. Quels engagements pouvez-vous prendre à cet égard ?
Les informations contenues dans votre question ne sont pas précises dans un de leurs aspects. Toutefois, je ne répondrai qu’en ce qui concerne l’avenir. Il n’est absolument pas envisageable de limiter les acquis dans le domaine de la liberté d’opinion et de presse. Au contraire, je m’engage à les enraciner et en élargir l’espace d’expression. Toujours est-il que je considère que la protection de cette liberté requiert de l’asseoir sur une base légale. Il ya effectivement une anarchie totale à laquelle je m’engage à mettre fin dans le respect de la loi et à rendre plus active l’autorité de régulation concernée par la presse (HAPA).
L’application de la loi est certes nécessaire pour la création d’une presse professionnelle, mais cela ne suffit pas. Il y a le soutien financier qui est aussi important. Quel appui comptez-vous apporter aux médias ?
La presse est une industrie et un secteur d’affaire privé. A ce titre, elle doit s’autofinancer. Ce qu’elle est censée demander c’est que lui soit assuré un environnement propice à son développement et à la réussite de ses affaires.
Néanmoins, je m’engage à rehausser l’appui qu’il lui est accordé, en diversifier les sources et l’organiser. Le critère principal qui sera retenu pour bénéficier de l’appui est l’entière observation des valeurs éthiques et professionnelles et le respect de la loi.
Vous sentez- vous menacé par les autres candidats qui ont chacun son assise électorale. Quelle évaluation faites-vous de vos concurrents ?
Je ne me sens aucunement menacé. Par ailleurs, je n’aime pas porter un jugement sur les autres ni les critiquer. Je considère plutôt qu’il est du droit de tout celui qui se croit en mesure de diriger le pays et qui propose un projet de société aux Mauritaniens de se porter candidat. C’est là une ambition tout à fait légitime. Pour ma part, je me suis présenté parce que je crois avoir l’aptitude de diriger un pays dont je connais les potentialités et j’ai pleinement conscience des défis auxquels il fait face et des dangers qui le menacent. Toutefois, je pense qu’il est vraiment important que les Mauritaniens aient l’opportunité de choisir entre plusieurs programmes. Le gagnant sera en définitive la Mauritanie.
Ne sous estimez-vous pas là les capacités des adversaires ?
Je ne peux en aucun cas sous-estimer l’adversaire. Cela est contraire aux enseignements de ma formation. Je reconnais avoir en face de moi de véritables concurrents. Néanmoins, je suis confiant car c’est finalement l’électeur et son niveau d’adhésion aux programmes proposés ainsi que les qualités de chacun des candidats qui feront la différence.
En ce qui me concerne, la règle est que le meilleur gagne.
Certains soutiens des candidats y compris parmi les vôtres, tiennent des propos peu avenants à l’endroit de leurs concurrents. Quelle est la meilleure attitude à votre avis ?
Je souhaite que les discours des candidats et de leurs soutiens soient empreints de responsabilité et au niveau de nos ambitions pour notre peuple. Il appartient à l’élite qui est l’avant-garde de la société de promouvoir les valeurs de tolérance et de retenue.
Propos recueillis par Cheikh Bekaye via Le Calame