Dans un contexte violent et sanglant, une passation vient d’avoir lieu à la présidence tournante de la force conjointe du G5 Sahel entre le président nigérien Issoufou Mahamadou et son homologue burkinabè, Roch Marc Kaboré.
La passation a eu lieu à l’occasion du 5e sommet ordinaire des chefs d’Etat, qui a eu lieu le 5 février à Ouagadougou, en présence des présidents malien Ibrahim Boubaker Keita, mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz et tchadien Idriss Déby Into.
Le nouveau président de la force chapeautera les opérations pendant un mandat d’une année.
Contexte :
La semaine de la passation a été marquée par des affrontements sanglants entre les forces armées burkinabè et les groupes terroristes qui ont attaqué dans la nuit du 3 au 4 février courant le village Kain, dans le nord du Burkina Faso, tuant 14 civils.
L’armée a riposté dans trois départements ( kain, Banh et Bomboro), tuant 146 terroristes en un seul jour.
Les combats se sont poursuivis le 5 février, jour du sommet. Les terroristes ont attaqué à Oursi, localité située dans le nord-est. Bilan : 5 soldats tués et 3 autres blessés alors que 21 terroristes ont été abattus.
Tout porte à croire que la guerre est loin d’être terminée, ni gagnée.
La force du G5 Sahel :
Ces événements marquent le début de la sixième année de la force. Les chefs d’Etat ont exprimé leur inquiétude face à la recrudescence des attaques terroristes.
Date de création de la Force G5 Sahel : 16 février 2014 à Nouakchott.
Pays concernés : Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad.
Population / Superficie : 80 millions d’habitants vivant sur 5 millions de kilomètres carrés.
Mission : lutter contre le terrorisme et le crime organisé dans les cinq pays concernés.
Siège du secrétariat général : Nouakchott.
Commandement : le commandement de la force a été basé initialement à Sévaré (centre du Mali) jusqu’à l’attaque du 29 juin 2018 qui l’a détruit. Le centre de commandement de la force a été déplacé à Bamako. Il n’est pas encore reconstruit. L’Union européenne s’est engagée à financer la totalité des travaux de reconstruction.
Budget prévisionnel : Le budget de la force G5 Sahel a été estimé initialement à 423 millions d’euros.
Lors d’un sommet à Bruxelles, en février 2018, une vingtaine de pays se sont engagés à fournir 413 millions d’euros. Toutes les promesses n’ont pas été tenues ce qui a retardé le démarrage des opérations de sécurisation de la région, prévues pour mi-2018.
Les interventions :
- Une composante militaire : la force du G5 Sahel a prévu de constituer des troupes conjointes de 5000 hommes opérant dans les cinq pays. Leur mission principale est de traquer les groupes terroristes et de protéger les populations civiles, faisant l’objet, également, de violences intercommunautaires.
Depuis sa création, la Force n’a mené qu’une seule opération sur le terrain (Opération Hawbi), du 1er au 11 novembre 2018. L’opération a révélé plusieurs insuffisances opérationnelles.
- Le 6 décembre 2018, lors du sommet des bailleurs à Nouakchott, une composante de développement a été rajoutée aux missions de la force. Les chefs d’Etat ont considéré que le développement est un moyen de lutte, aussi important que les interventions militaires pour stabiliser les populations et réaliser une prospérité économique. Un programme d’investissement prioritaire (PIP) a été alors identifié, comptant 40 projets, dont notamment la construction d’une ligne ferroviaire Nouakchott-Bamako-Ouagadougou, Niamey, N’Djamena et une compagnie aérienne pour les cinq pays.
Les fonds nécessaires à cette composante développement s’élèvent à 14,8 milliards de dollars sur la période 2018-2020, selon le secrétariat général de la Force.
Les projets de développement touchent l’infrastructure, l’éducation, l’adduction à l’eau potable, la technologie, le soutien au travail des femmes, etc.
L’appui français :
La France a soutenu à plusieurs niveaux la mise en place de la force G5 Sahel.
- Appui politique et financier :
Au niveau politique, le discours officiel français entérine les objectifs et les missions de la force conjointe. Elle a aussi appuyé le dossier G5 Sahel au Conseil de sécurité de l’Onu jusqu’à l’adoption le 21 juin 2017 de la résolution 2359 et le 8 décembre 2017 de la résolution 2391.
La France apporte également un appui financier. Lors de la conférence de Bruxelles en février 2018, la France a promis de fournir 50 millions d’euros. Lors du sommet du 6 décembre 2018 à Nouakchott, la France a annoncé le déblocage de 500 millions d’euros en faveur du PIP.
- La force Barkhane :
En attendant que la force du G5 Sahel soit totalement opérationnelle, la France a lancé son opération Barkhane le 1er août 2014. Selon le ministère français des Armées, Barkhane « vise en priorité à favoriser l’appropriation par les pays partenaires du G5 Sahel de la lutte contre les groupes armés terroristes (GAT) sur l’ensemble de la bande sahélo-saharienne ».
Barkhane est le plus important déploiement militaire français à l’extérieur de l’Hexagone.
Cette force compte 4500 hommes, 3 drones, 7 avions de chasse, 22 hélicoptères, 6 à 10 avions de transport, 260 véhicules blindés, 360 véhicules logistiques, et 210 véhicules blindés légers.
Le poste de commandement de cette force est basé à N’Djamena, au Tchad, avec deux autres points d’appui à Gao au Mali et à Niamey au Niger.
Barkhane coûte au budget français 1 millions d’euros par jour.
Cette force a neutralisé 170 GAT en 2018, selon le ministère français des Armées.
Principales conclusions du 5e sommet :
Les chefs d'Etat des cinq pays de la force G5 Sahel, réunis à Ouagadougou le 5 février 2019, ont adopté une déclaration commune de 23 points, dont voici les principales dispositions :
- Les chefs d’Etat, après avoir examiné la situation dans l’espace G5 Sahel, expriment leur profonde préoccupation face à la menace persistante du terrorisme et d’autres formes de criminalité dans la région ;
- Face à la recrudescence des conflits intercommunautaires dans certains pays du G5 Sahel, les Chefs d’Etat appellent les populations à cultiver la tolérance pour une meilleure cohésion sociale et les exhortent à collaborer étroitement avec les forces de défense et de sécurité dans la lutte contre le terrorisme ;
- Les chefs d’Etat réitèrent leur appel à la communauté internationale pour une juste appréciation de l’ampleur régionale et internationale de la crise libyenne et pour une harmonisation des efforts de tous les pays concernés dans la perspective de la réconciliation nationale et de la stabilisation de la Libye ;
- Les chefs d’Etat réitèrent leur appel au Conseil de sécurité des Nations Unies à examiner favorablement leur requête de placer la Force conjointe du G5 Sahel sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Ils plaident en faveur d’une coopération plus étroite entre le G5 Sahel et les Nations Unies et saluent, à cet égard, l’engagement et le soutien constants du Secrétaire Général de l’ONU aux efforts du G5 Sahel.
Par ailleurs, après avoir pris connaissance du relevé des conclusions de la 5ème session ordinaire du Conseil des ministres, tenue à Ouagadougou le 3 février 2019, les chefs d’Etat instruisent :
- Le Conseil des ministres, les Ministres en charge des transports et le Secrétariat permanent de prendre les dispositions pour la création de la compagnie aérienne sous le format de l’option 5 adoptée par les ministres en charge des transports les 27 et 28 septembre 2018 à N’Djamena, tout en s’assurant de la réalisation d’un audit financier, d’un audit technique et opérationnel et d’un audit des capacités humaines des compagnies existantes ;
- Le Conseil des ministres et le Secrétariat permanent de réaliser l’étude de faisabilité du projet de Chemin de fer à partir de ressources propres.
Sources :
- Site officiel de la force : www.g5sahel.org
- Site officiel du ministère français des Armées : www.defense.gouv.fr
Lassaad Ben Ahmed (https://www.aa.com.tr)