Le projet européen DESAL+, financé à hauteur de plus de 2 millions d’euros, prévoit l’installation d’une unité de désalinisation expérimentale dans le village PK 93
José Naranjo/Nouakchott
À une centaine de kilomètres au sud de Nouakchott, se trouve un petit village de pêcheurs appelé Legwechche Point Kilométrique 93, où l’accès à une eau potable de qualité relève d’un véritable défi. C’est ici que le projet européen DESAL+, qui s’inscrit dans le cadre du programme de coopération territoriale Interreg MAC 2014-2020 et qui bénéficie d’un financement de 2 192 000 euros, prévoit d’installer une petite unité pilote de désalinisation d’eau de mer fonctionnant avec l’énergie solaire photovoltaïque qui servira tant pour approvisionner le village et que pour renforcer la formation des étudiants de l’Université de Nouakchott Al Aasriya (UNA).
Le projet DESAL+ a fait ses premiers pas en janvier 2017 dans l’objectif de créer et consolider une plateforme conjointe en Macaronésie de R+D+I de haute capacité et dotée d’infrastructures de recherche d’excellence internationale en matière de dessalement de l’eau, de connaissances sur le lien eau dessalée-énergie et d’usage exclusif des énergies renouvelables. Il est mis en œuvre par l’ITC (Institut technologique des Canaries) et est développé aux Canaries, à Madère (Portugal), au Cape Vert et en Mauritanie, où il bénéficie du soutien de partenaires tels que l’Agence de promotion de l’accès universel aux services (APAUS), la Faculté des sciences, de technologie et de médecine (USTM) de l’UNA et l’organisation non gouvernementale Agir en Faveur de l’Environnement (AFE).
Le processus de sélection du village pour l’installation de cette petite unité de 25 mètres cubes par jour a été long et complexe. Bien que 12 choix aient été envisagés au départ, aussi bien au nord qu’au sud de Nouakchott, le projet a finalement opté pour PK93, étant donné que dans les autres lieux sélectionnés, il existait déjà des initiatives pour le dessalement ou l’approvisionnement d’eau stable au moyen de citernes. Le professeur de l’UNA Mohamed Lemine Fagel considère que ce village se trouve trop loin pour pouvoir organiser des actions de formation, tandis que le secrétaire général de l’AFE, Ahmed Vall Boumouzouna, espère le soutien du gouvernement mauritanien à cet emplacement. Malgré les divergences, tous espèrent parvenir à un accord dans les semaines à venir.
Le dessalement d’eau de mer et les énergies renouvelables sont des secteurs en plein essor en Mauritanie impulsés par une ferme volonté du pouvoir exécutif, pour qui la diversification énergétique est une politique d’État. « Le problème du dessalement est son coût », affirme Monsieur Fagel, « à petite échelle, c’est très cher ». C’est là que convient à la perfection l’utilisation du vent et du soleil comme moteur du dessalement de l’eau pour les enclaves isolées, une combinaison dans laquelle l’ITC a une solide expérience.
C’est l’une des raisons du choix du PK93. Dans ce village, situé à quelque 17 kilomètres de Tiguent, desservi par une piste en terre et recensant environ 500 habitants, l’eau qui y est consommée provient actuellement de la vente de particuliers qui l’apportent de Tiguent, la localité la plus proche, dans de grands bidons, du pompage au moyen de canalisations (l’eau arrive de manière irrégulière) et de trois puits situés à 500, 700 et 1 000 mètres, bien que ce soit de l’eau très salée et qu’elle soit essentiellement utilisée pour laver les animaux. L’unité pilote de désalinisation permettrait de réduire le prix de l’eau de 6 à 3-4 euros par mètre cube, selon les rapports de DESAL+.
Une fois que l’unité de désalinisation sera en marche, l’AFE entrera en jeu. Cette ONG sera responsable d’appuyer la création d’une structure communautaire qui se chargera de la gestion de l’eau. « Par exemple », explique Monsieur Boumouzouna, « il y aura des résidus de sel et l’idée est de pouvoir les revendre pour les animaux et que cela génère des bénéfices au village. Nous l’avons déjà fait ailleurs ». Le responsable de l’ONG soutient l’énorme intérêt de l’État mauritanien à l’égard du dessalement. « La plus grande partie de l’eau souterraine est très salée, il faut la dessaler ; et le faire avec des énergies renouvelables est fondamental. Il existe déjà des expériences positives à Zouerat et à Atar, ainsi que dans le parc national Banc d’Arguin », ajoute-t-il.
Toutefois, les initiatives les plus ambitieuses en matière de dessalement d’eau de mer se trouvent à présent à Nouadhibou, où fonctionne une usine qui produit 5 000 mètres cubes par jour et qui espère atteindre les 15 000 mètres cubes, et à Nouakchott, qui dispose d’une unité de 1 000 mètres cubes par jour. « Techniquement, nous avons des personnes capables de le faire et de le gérer », assure Monsieur Fagel, « mais il nous manque les ressources ». Des entreprises européennes et dernièrement chinoises font actuellement leur entrée en force dans ce secteur.
Par ailleurs, selon un rapport publié par l’Agence internationale pour les énergies renouvelables en association avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le développement des énergies renouvelables va non seulement contribuer à l’expansion du réseau électrique, qui parvient actuellement à environ 40 % de la population dans les zones urbaines et 10 % dans les zones rurales, mais il va également contribuer à la croissance de l’économie. Le rapport met en exergue que l’existence de mini-réseaux en Mauritanie facilitera la transition des sources énergétiques traditionnelles et polluantes, telles que le charbon ou le diesel, aux énergies propres, au point de devenir potentiellement exportatrice d’énergie.
Dans le cadre de DESAL+, un cours en ligne sur le dessalement à partir d’énergies renouvelables organisé par le département de l’eau de l’ITC, auquel ont participé 32 étudiants de l’UNA, de l’AFE et de l’entreprise SOMELEC, entre autres, s’est achevé le 5 décembre. Ce cours a abordé des sujets complémentaires tels que le post-traitement des eaux dessalées, le déversement de saumure, la qualité de l’eau de mer, etc. L’une des sessions, consacrée à l’osmose inverse au moyen d’énergie solaire photovoltaïque, s’est tenue en présentiel au siège de l’Union européenne à Nouakchott. Au total, 18 étudiants ont réussi le cours avec succès.
Culture d’algues et prévention des risques face au changement climatique
Outre le programme DESAL+ et dans le cadre du programme européen de coopération territoriale Interreg MAC 2014-2020, l’Institut technologique des Canaries met aussi actuellement en œuvre en Mauritanie le projet MACBIOBLUE en collaboration avec l’Université de Nouakchott dans l’objectif d’aider les entreprises à développer des produits dans le secteur des micro et macro-algues, qui ont un grand potentiel, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités d’activités dans les biotechnologies bleues. Par ailleurs, l’ITC coopère avec la Faculté des sciences mauritanienne au projet ENERMAC afin d’optimiser l’exploitation des énergies renouvelables et de créer un réseau d’excellence avec des organisations des Canaries, du Cabo Verde et de Madère.
Le développement d’outils à partir des nouvelles technologies en vue d’un meilleur aménagement du territoire face au changement climatique, ainsi que la création de solutions technologiques pour faire face aux catastrophes naturelles font l’objet d’un autre projet inclut dans le programme européen de coopération territoriale Interreg MAC 2014-2020, intitulé CLIMA-RISK, dans le cadre duquel l’ITC collabore avec le Commissariat à la sécurité alimentaire de Mauritanie, ainsi qu’avec des partenaires du Cabo Verde et du Sénégal.