Petites précisions au manuel d’emploi de la gabegie que notre distingué éditorialiste, Ahmed Ould Cheikh, s’est employé à illustrer, lors de notre précédente édition.
Juste après sa dernière sortie en réponse à Ould Babana, Ould Djay, qui montrait beaucoup d’assurance devant les députés, a cherché à prendre contact avec son contradicteur, pour enterrer la hache de guerre. Le rôle de médiateur fut dévolu au député de Chami, Lemrabott Ould Tangi, président du groupe parlementaire UPR à l’Assemblée nationale.
Mais Ould Babana resta ferme sur ses positions, rappelant qu’il n’avait rien contre le ministre ni quiconque d’autre mais qu’il était nécessaire de dénoncer une pratique bien peu transparente, dans un dossier qui exige pourtant la plus grande clarté.
Ould Djay, à qui avait été lancé le défi de publier les relevés des trois dernières années du fameux compte Action contre la Fraude (ACF), s’en tire alors avec une pirouette : oui, d’importantes sommes d’argent, a-t-il dit, ont été retirées, au nom d’un haut responsable dont on ne peut divulguer l’identité. Il veut sans doute parler des 52 millions retirés, d’une traite, à la fin de l’année dernière.
Mais voici qu’afin d’éliminer tout risque de nouvelles fuites, Ould Djay ordonne que ledit compte soit verrouillé. Plus personne n’y a désormais accès, si ce n’est lui-même ou le trésorier général. Transparence zéro, nuit totale, couvre-feu. Raison d’État ? « On » pourra donc, comme l’année dernière, le siphonner à merci.
À tel point qu’au 1er Janvier 2018, son solde était de… 0 ouguiya, si l’on en croit le relevé qu’« on » a fait sciemment fuiter, dans la presse, afin de démontrer que, non, nul ne touchait vingt-cinq millions d’ouguiyas par mois, comme le prétendait Ould Babana, mais qu’effectivement, une fois le compte réalimenté, quarante-cinq millions s’étaient évaporés, entre Janvier et Mai 2018, pour « payer, contre des tuyaux sur la fraude fiscale et douanière, des informateurs », dont trois députés que Djay refuse, ici encore, de nommer.
Quel est donc ce haut responsable dont l’identité ne doit pas être divulguée et qui passe à la caisse comme lettre à la poste, sans laisser aucune trace accessible aux représentants du peuple réputé souverain ?
Ould Djay nous a informés que le fameux compte, au 22 Mai 2018, affichait un solde de soixante-seize millions d’anciennes ouguiyas, ce qui laisse entendre qu’en cinq mois, il a été alimenté d’au moins cent vingt millions.
Comment un ministre de la République peut-il ainsi manipuler de telles sommes, sans avoir à en rendre compte ? Le débat ouvert, par Ould Babana, pose effectivement la question de l’excessive « fluidité », pour ne pas dire « évaporation », d’une lutte contre la gabegie qui se révèle, à l’usage et en l’attente d’informations objectivement contraires, bel et bien le plus grand danger de régénérer l’hydre dont on prétendait couper les têtes.
Ben Abdallah (Le Calame)