Le président Mohamed Ould Abdelaziz est résolu à engager ses réformes constitutionnelles. Pour se faire, il dit vouloir consulter le « peuple » dans un référendum, prévu après le prochain ramadan. Mais pour son opposition déjà remontée contre lui, ce « coup d’Etat» contre la Constitution est la goutte qui fait déborder le vase.
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A qui veut l’entendre, le président Mohamed Abdelaziz a bien affirmé sa volonté de mener jusqu’au bout ses réformes constitutionnelles. Des réformes qu’il avait annoncées en mai 2016 à Néma et que le dialogue politique, avec une infime partie de l’opposition à son régime, a entérinées en septembre 2016. «Fort » de ce succès, le président a convoqué une session extraordinaire du Parlement pour faire passer, comme une lettre à la poste, ses changements.
A quitte ou double !
Le vote, le 17 mars 2017, des sénateurs majoritairement de la Majorité, contre les propositions de réformes introduites par le président est un précédent politique, sans commune mesure dans le pays. Le régime qui entendait après un vote, sans surprise des députés, convaincre les sénateurs de se faire harakiri en adoptant ses propositions est pris de cours par le "niet" catégorique des sénateurs. Mais la secousse s’est amplifiée avec la tenue, le 22 mars, par le président Mohamed Ould Abdelaziz d’une conférence de presse, après l’issue malheureuse pour lui du vote des sénateurs. Désarçonné, le président tente de se remettre en selle ; au moment où il réalise que le soutien dont il jouissait jusqu’ici n’était pas inconditionnel.
L’intention du président Mohamed Abdelaziz à recourir à l’article 38 de la Constitution est donc diversement appréciée. Si pour le président Aziz, cet article lui permet «sur toute question d’importance nationale, saisir le peuple par voie de référendum». Un palliatif au rejet par les sénateurs des réformes proposées. Et à charge pour le président, l’article 99 de la constitution est tout aussi édifiant «Tout projet de révision doit être voté à la majorité des deux tiers (2/3) des députés composant l’Assemblée Nationale et des deux tiers (2/3) des sénateurs composant le Sénat pour pouvoir être soumis au référendum ». Ce dernier alinéa de l’article 99 pose une conditionnalité claire à l’organisation de tout référendum.
Pour les spécialistes du droit, cet échec à faire passer les réformes est du fait même de leur rejet par le Sénat un point final à la consultation engagée par le régime sur le sujet. Mais au-delà de la bataille juridique largement nourrie ces derniers jours par les spécialistes du droit constitutionnel, le président Mohamed Ould Abdelaziz ouvre ainsi une boite de pandore dans ce qui apparait d’abord, comme me le soulignait il y a quelques jours, Ibrahima Mokhtar Sarr de l’AJD/MR, «une crise ouverte du système politique en place».
Le jusqu’au-boutisme du président qui, d’autre part, ne veut pas se montrer emballé par les autres propositions hormis la mise à mort du Sénat frise la personnalisation du bras de fer politique lancé avec les sénateurs. La justification et les aboutissements de la réforme, pour un président en fin de mandat, laissent perplexes les observateurs qui ne comprennent pas toujours pourquoi tout ce remue-ménage politique à une encablure d’une alternance politique censée pacifique censée encore sortir le pays de la crise politique dans laquelle il se débat depuis le putsch de 2008.
Rejet des réformes au sein de la Majorité !
A l’unisson en tout cas toutes les personnalités politiques indépendantes, dont trois anciens présidents, l’opposition traditionnelle et une partie de la société civile mettent en garde contre ce qu’elles considèrent «une tentative de violation manifeste » de la Constitution. Le constat est que le climat de défiance suscité par le refus des sénateurs à suivre la logique présidentielle envenime une situation déjà tendue entre les différents protagonistes. La question est de savoir comment le président Mohamed Abdelaziz, qui a déjà convoqué la Ceni pour une révision des listes électorales, mis en branle l’UPR, jusqu’ici en dormance, peut-il faire machine-arrière face à tant d’adversités? L’intéressé se décrit lui-même comme un homme qui ne connait pas «l’échec». Il serait donc prêt au risque d’étendre le mécontentement à sa propre majorité d’aller jusqu’à cette consultation. Il est bien clair que dans son propre camp, le président Mohamed Ould Abdelaziz n’a pas convaincu sur le bien-fondé de ses réformes notamment en ce qui concerne les changements sur le drapeau et l’hymne national ; sur la dissolution de la Haute Cour de Justice. Un autre revers soit par le non ou un large taux d’abstention pourrait aussi se profiler si le président insistait encore sur ce référendum. Mais la rhétorique et l’attitude déployées lors de sa dernière conférence de presse par le président Mohamed Ould Abdelaziz trahissent un unilatéralisme manu militari. Mais à sa décharge que pourra l’opposition contre ses initiatives personnelles? Le Fndu, le Rfd et Tawassoul ont toujours réagi négativement à la proposition du référendum et même à sa régularité. L’ancien président démocratiquement élu, Sidioca, qui avait jusqu’ici gardé le silence sur les affaires politiques a, lui aussi, parlé d’un «coup d’Etat contre la Constitution». Pour l’un de ses opposants les plus téméraires, l’ancien président Ely Ould Mohamed Vall, interviéwé Mercredi soir par la chaine «Al Mourabitoune», «chaque mauritanien où qu’il se trouve a le devoir de faire barrage au référendum proposé en violation de la Constitution par l’actuel régime». Une invite qui dépasse le cercle de l’opposition traditionnelle aux autres segments du Pouvoir pour «sauver le pays » de dérives qu’il estime dangereuses pour son avenir. Quoiqu’il en soit, le pays sortira encore plus divisé qu’au lendemain du putsch de Aziz en 2008 si d’aventure un tel référendum était organisé. Un référendum qui devrait coûter plus de 6 milliards d’ouguiyas à un moment où la reprise économique est des plus incertaines. A moins que l’appel du «Manifeste» à consulter le conseil constitutionnel sur ce différend juridico-politique ne prévale. Mais on peut toujours rêver!
J.D