Conséquence du scandale des engrais, les agriculteurs de la vallée, notamment au Gorgol et au Trarza voient jusqu'à 2/3 de leurs terres arables non-cultivées, ou avec une productivité complètement amoindrie, nivelant l'autonomie rizicole nationale 25% à peine.
En cette période de l'année, parcourir la route Rosso-Boghé, et voir des centaines d'hectares à perte de vue, quasiment vierges de touffes de riz est invraisemblable. Rare et inédit, ce paysage est le résultat du scandale des engrais détournés de Rosso, qui a privé les agriculteurs du Trarza notamment, de possibilité de culture.
«Il y a les petits agriculteurs (au sens financier du terme-ndlr), qui vivent littéralement de leur riz, et qui pour beaucoup, tous comptes faits, n'ont pas cultivé de riz pour cette seconde et dernière campagne annuelle. Et puis il y a les structures agricoles plus nanties, qui ont elles cultivé, mais avec le déficit d'engrais, ont vu à peine fleurir 1 à 2/3 de leurs terres. Dans l'ensemble c'est près des 2/3 des terres arables qui n'ont pas produit de riz cette année ! » explique un agriculteur du Trarza.
Une situation incongrue, résultant d'une gouvernance au niveau de la politique agricole de l'état, qui subventionne l'engrais, et en interdit toute importation. Du coup, après le vol de près de 20.000 tonnes d'engrais mauritanien dans les magasins de la Sonimex de Rosso, soit l'équivalent de 2 millions d'ouguiyas. «1.200.000 ont été récupérés, mais le mal est déjà fait : les agriculteurs n'ont pas pu accéder à cet intrant essentiel à la culture céréalière » argue un autre agriculteur.
Un mal qui aurait pourtant pu être évité sans la volonté maladive de l'actuel état de protéger les intérêts d'hommes d'affaires qui fournissent exclusivement l'engrais à la SONIMEX. « Nous aurions bien voulu nous fournir au Sénégal ou ailleurs, mais nous ne pouvions pas. Les autorités auraient pu faire une exception pour cette campagne, d'autant plus que le tort est de leur fait, pour protéger au moins les intérêts alimentaires du pays, mais non, les intérêts particuliers ont pris le dessus encore une fois » développe un ancien cadre du ministère de l'agriculture, aujourd'hui reconverti en consultant.
Dans sa politique stratégique officielle, le ministère de l'agriculture prévoyait 150 milles tonnes de riz en production, pour 2016 (voir Graphique), couvrant ainsi 70% des besoins nationaux en riz. « Nous atteindrons à peine 25% cette année, avec une prévision raisonnable de 65.000 tonnes, avec cette seconde campagne de riz qui est d'ores et déjà désastreuse » prévient le consultant. «La Mauritanie est en train de réussir le pari de l’autosuffisance en matière de production céréalière» se gargarisait il y a quelques mois, la ministre de l'agriculture, Lemina Mint El Kotob Ould Momma. Un pari en réalité, loin, très loin d'être tenu.
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