"Le dialogue ou débat social recouvre tout ce qui favorise la compréhension entre les différentes composantes de la société. Les politiciens, les universitaires, les élus, les représentants d’association, les partenaires sociaux et le commun des citoyens sont interpellés pour veiller à sa tenue en permanence et redéfinir collectivement ce qu’est pour tous la cohésion sociale et la solidarité".
Entre l’écriture moribonde et sans âme d’une histoire moins fastueuse qu’on le prétend pour laMauritanie et les stigmates déformateurs de celle-ci, s’étend et perdure le malheur d’un peuple trahi par son manque d’enthousiasme au travail et sa main tendue – comportements hérités de son assistance au cours de la sécheresse qui a sévi des années 70 à la fin du siècle dernier- entre un fleuve rendu inculte et abandonné par ses riverains à son cours immuable et une cote océanique torturée dans l’âme par son pillage qui balisent tous deux un territoire recelant de minerais nobles et regorgeant de richesses naturelles diverse. Constat amer sans appel pour qui aurait le courage de regarder en face la réalité d’une nation que lie dans sa pluralité d’innombrables liens réels et que laminent et dissèquent en parallèle des griefs médiévaux profonds au beau milieu d’une époque sans précédant dans toute l’histoire de l’humanité. Epoque singulière par son scientisme qui a vite fait de bouleverser tous les entendements archaïques teintés aux couleurs des mythologies et des interprétations fallacieuses par les théologiens des textes sacrés des religions et croyances. Epoque enfin unique par son universalisme humain qui a cassé toutes les barrières incongrues des couleurs et des langues et relégué les prétentions de la supériorité des races et de la stratification injuste des sociétés aux incinérateurs de l’histoire.
C’est à cet état des lieux que la Mauritanie échappe encore inexorablement et inexplicablement. Indépendante depuis 1961, et bien en face du monde en mouvance à travers sa cote atlantique longue de plus de sept cents kilomètres et se situant aussi à quelques encablures de la méditerranée dont elle fait partie de l’ensemble des ses voisins, cette Mauritanie peine à trouver sa place de pays stratégique entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. Pourtant tous les ingrédients de l’histoire n’ont cessé de militer en faveur d’une telle position confortable. Longtemps terre de brassage, la Mauritanie n’a jamais cessé d’être riche en ressources naturelles et d’attirer les convoitises des autres. Les colons français ont attesté eux-mêmes ces faits et joué un rôle prépondérant dans sa constitution moderne et ses frontières actuelles.
Alors où réside donc l’échec patent de ce pays à se constituer en Etat solide et pourquoi ne profite t-il pas au mieux de ses richesses incommensurables? Sans doute que la structure entière médiévale de sa société en générale, mais de ses composantes en particulier reste une raison dominante qui en profondeur continue d’empêcher toute éclosion de sa force interne motivant l’arrimage aux pays et nations de sa sous-région à priori. Sociétés injustices où les dominants minoritaires et oisifs se fondant sur des déterminants obsolètes vivent de la dilapidation des deniers publics sans le moindre effort, et les dominés sous le seuil de la pauvreté sont écrasés et humiliés par le poids insoutenable de l’inégalité. Ceci est autant valable pour la société Maure que pour celles Halpular, Soninké, Ouolof, et en appelle au plus vite à l’engagement d’une profonde restructuration des mentalités et d’un rapide changement des comportements, par tous les moyens usuels dans le combat pour la dignité, du bas écrasé vers le haut qui ne doit plus servir de passerelle aux usurpateurs en direction des sphères du pouvoir dans l’Etat de droit.
En Inde les « intouchables » ont recouvert une dignité qui s’est traduite par l’excellence du niveau de ses fils dans tous les domaines scientifiques d’excellence. En Amérique Latine, les indiens autochtones ont recouvré leur dignité et affirment de plus en plus fortement leur présence dans la construction de leurs Etats.
En Afrique du Sud et au terme du combat historique de Nelson Mandela, l’égalité entre noirs, indiens et blancs ne cessent de gagner du terrain changeant en profondeur ce pays où la ségrégation raciale avait atteint des entendements inhumains.
En Chine, les 56 composantes ethniques et culturelles du pays et malgré la très spectaculaire prédominance des « Hans » qui représentent 92% de la population totale, cohabitent dans un Etat qui privilégie l’égalité et l’action pour le développement aux divergences désuètes et leurs règlements antiques d’un temps lui aussi bien révolu.
En Mauritanie aucune plate forme n’est encore établie pour asseoir un dialogue social national indispensable - que paradoxalement tout le monde rejette d’une manière ou d’une autre sans en vouloir ni pouvoir ni savoir, hélas, établir les raisons.
Aussi la classe de la « prépondérance » par le niveau supérieur d’enseignement et de la haute formation de ses intellectuels et universitaires, s’en traduit pourtant mal par l’absence d’un quelconque engagement au changement des mentalités et encore moins à la construction de l’Etat de droit pour tous. C’est par cette passivité négative qu’elle ne cesse de mettre inexorablement le pays dans une situation particulièrement dangereuse et pénible.
Ces présumés apôtres de ladite classe sont, dans cette incompétence établie, doublés de politiciens sans discours saillants ni convictions foncièrement nationales, et d’une société civile gangrenée par le mercantilisme et les arrangements politiques onéreux. Eux aussi ne semblent pas pouvoir relever un aussi important défi duquel dépend par ailleurs le bon établissement de l’Etat de droit et de la citoyenneté dont ils veulent au terme de leurs actions politiques s’octroyer la gouvernance.
Peut-on considérer ainsi, que le pays est soumis à la menace de l’épée de "Damoclès" suspendue par un crin du cheval de "Denys" le tyran de Syracuse par cet état qu’explique une situation socio politique prévalant depuis l’indépendance et fatalement marquée par l’imbrication de l’incompétence à relever les défis et du fatalisme en découlant?
Pourtant tous les chemins que vont inévitablement emprunter politiciens, intellectuels et acteurs de la société civile se rencontreront inéluctablement au centre de ce dialogue social civilisé incontournable pour une Mauritanie qui ne peut et ne doit que s’y mettre avec détermination pour assurer son devenir stable. L’ensemble des questions en suspens doit y être abordé sans tabous ni restrictions. De la diversité ethnique et culturelle, aux cas flagrants des castes humiliées, à la répartition des biens et la bonne gouvernance, tout doit être passé au peigne fin pour laver les suspicions et remettre les pendules du pays à l’heure du vingt et unième siècle et réguler sa marche vers la stabilité et le progrès à son rythme et sa cadence.
El Weli Cheikh Bouye