La maison Mauritanie va-t-elle brûler ? Entre des FLAM qui réclament l’autonomie pour les régions du Sud, IRA qui en appelle à une refonte totale d’un système social bâti sur l’injustice, des maures « blancs » qui veulent, désormais, en découdre avec ceux qui rejettent l’ordre établi et un pouvoir qui laisse pourrir la situation, s’il ne souffle pas carrément sur la braise, il y a de quoi s’inquiéter pour la maison commune. La Mauritanie a certes connu beaucoup de secousses, par le passé, qui ont mis à mal sa cohésion et ont failli l’entraîner vers des lendemains plus qu’incertains. Mais elle a toujours fini par se rattraper, ce qui unit ses différentes composantes étant plus fort, et de loin, que ce qui les sépare. Les évènements de 66, les troubles scolaires qui faillirent dégénérer, en 1979 ; la déchirure de 1989, les plaies de 90/91 ont tous été, plus ou moins, dépassés. Non sans séquelles, il est vrai. Les multiples intrusions militaires et les manipulations électorales des civils ont été contenues et raisonnablement gérées, par la sagesse incommensurable d’un noyau de patriotes qui fait encore – mais pour combien de temps ? – prévaloir l’intérêt général sur les petits calculs personnels. Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse. Et la mère du voleur ne continue pas toujours à « youyouter » … c’est connu. Le peuple mauritanien n’est pas exceptionnel. Rien ne le prémunit contre les débordements. Rien. Surtout que mes mêmes causes produisent, jusqu’à preuve du contraire, toujours les mêmes effets.
Jusqu’à quand va-t-on continuer à tirer sur la corde, avant qu’elle ne se brise ? Un élan national est nécessaire, une sorte de maïeutique socratique, pour que tout un chacun dise ce qu’il a sur le cœur. Pour qu’enfin l’abcès soit crevé. La Mauritanie est une et indivisible et elle a besoin de tous ses fils. Mais elle ne les rassemblera qu’autour d’un projet vraiment commun, juste, équitable. La réalité pigmentaire de notre nation est majoritairement noire, mais, tandis que nos médias nationaux s’acharnent à la blanchir à outrance – ouvrez un peu votre télé et constatez – la quasi-totalité des pouvoirs sont entre les mains d’une oligarchie qu’il n’est pas outrancier de qualifier d’arabo-berbère. Non pas que tous ceux-ci soient également pourvus, loin s’en faut. Mais il faut se rendre à l’évidence des déséquilibres, probablement plus statutaires que raciaux, au demeurant. Les constater, les reconnaître, proposer des remèdes efficaces. Autour d’une même table. Chacun conscient de ses particularités, chacun défendant sa part de gâteau, mais tous convaincus de former une même nation. Un pari insoutenable ? Non, une nécessité vitale, tout simplement.
Ahmed Ould Cheikh (Le Calame)