Zeïni ould El Khalifa ould Zeïni, 27 ans, universitaire très bien éduqué, vivait sans problèmes, de l’avis de tous ceux qui le connurent. Sa mort, dans un petit studio de l’ilot C, non loin de la Présidence, n’en fut que plus suspecte. Les lieux appartenant à la famille de sa fiancée, Mariem mint Bok, 24 ans, également étudiante à l’Université, les soupçons se portèrent immédiatement sur elle. Dernière personne à avoir vue Zeïni en vie, n’avait-elle pas alerté, à partir du téléphone du jeune homme, deux amis de ce dernier, Bambey et Tarek, en les priant de venir l’évacuer à l’hôpital ? Au constat de sa mort, méfiants, ils s’en étaient bien gardés et s’étaient empressés de prévenir la mère de leur ami, voisin d’à peine cent mètres…
La police plaça les trois suspects en garde à vue, au commissariat du Ksar 2. Durant l’enquête, Mariem n’aurait jamais été interrogée, affirme une source de la police, qu’en présence de sa mère. C’est celle-ci qui répondit, le plus souvent, aux questions posées à sa fille. Après une semaine, les suspects sont déférés au Parquet. Le jour même, le substitut du procureur en charge du dossier émet des réserves sur le procès-verbal de l’enquête. Jugeant insuffisantes les preuves de la culpabilité de la jeune fille, il conclut au suicide de Zeïni et Mariem est relâchée. Ses parents et amis la ramènent chez elle, en convoi, dans un concert de klaxons. Grande émotion parmi les proches du défunt, qui accusent d’éminentes personnalités du pouvoir d’avoir fourré leur nez dans l’affaire. Une série de réunions-marathons se tiennent au domicile de la victime. On y décide de mettre en place trois commissions. La première est chargée de prendre contact avec les hautes autorités, les élus et les influentes personnalités du pays, afin que le dossier ne passe pas aux oubliettes. La deuxième s’occupera de mener campagne médiatique pour sensibiliser l’opinion publique. Quant à la troisième, elle organisera des sit-in quotidiens devant le palais présidentiel.
Le sujet défraie la chronique durant les trois premières semaines de Mai. Tous les media en parlent et les réseaux sociaux s’enflamment, en solidarité avec les parents de feu Zeïni. Un collectif d’avocats se constitue pour suivre l’affaire. Son porte-porte, maître Sid’El Moctar ould Sidi, tient une conférence de presse pour mettre en doute, point par point, l’enquête de la police, ainsi que les compétences légistes du médecin Ould Cheikh Mélaïnine dont le rapport a été joint au procès-verbal. L’avocat fait également état de nouvelles informations, glanées sur la page Facebook du défunt, susceptibles d’incriminer la jeune suspecte qui aurait balancé, à son copain, des photographies très intimes et diverses images à caractère X. Maître Sid’El Moctar ould Sidi en ajoute même une couche, en affirmant avoir reçu des menaces de la part du père de Mariem.
Réouverture de l’enquête
Le Jeudi 16 Juin, enfin, alors qu’une centaine de personnes tient sit-in devant la Présidence, des ordres « d’en haut-en haut » sont donnés, pour réexaminer le dossier. Une nouvelle commission est fondée à cet effet. Présidée par le colonel Dey ould Yezid, elle est composée de trois autres officiers de gendarmerie et de trois commissaires de police. Les gendarmes se mettent aussitôt au travail, dans le secret le plus total, sans même informer la famille du défunt. Dès le premier jour, ils se présentent au lieu du décès, en quête d’indices. La principale suspecte et sa mère sont astreintes à se présenter, chaque jour, à la brigade mixte, pour être auditionnées, entre 9 et 20 heures. Le Parquet général est requis, pour obtenir, des services légistes de Nantes, en France, l’appui d’un expert et le docteur Laurent Martrille arrive, à Nouakchott, le Jeudi 23, vers 21 heures.
Les commissaires de police se disent, quant à eux, convaincus par la première enquête menée par leur collègue El Hassen ould Samba, malgré ses lacunes, insuffisances et contradictions. Ils ne font donc office que de figurants, en cette commission. Le commissaire El Hassen ould Samba veut récupérer le téléphone du défunt, rendu, par le Parquet, à son père El Khalifa. Ce dernier lui oppose un refus catégorique et ne consent à confier l’appareil qu’au président de la commission d’enquête qui le transmet, à son tour, au commandant de la brigade mixte. Selon El Khalifa, l’engin aurait été reformaté, lors de son passage entre les mains de la police.
Après avoir entendu El Khalifa, la gendarmerie convoque, le même jour, l’homme qui procéda au lavage funèbre du défunt. Une fois son témoignage recueilli, les enquêteurs contactent à nouveau El Khalifa par téléphone, pour lui fixer rendez-vous le lendemain, vers dix heures, au cimetière d’El Balatiya (au nord de Boutilimit) ou est enterré son fils.
On déterre le cadavre
L’exhumation du défunt à des fins d’examen minutieux avait été une des premières exigences de sa famille. Mais la demande en ce sens auprès du procureur de la République était restée sans suite. A l’annonce de la décision des gendarmes, El Khalifa ne se fait donc pas prier. Quittant Nouakchott vers 4 heures du matin, en compagnie de quelques familiers, ils arrivent au cimetière à l’aube et y attendent, patiemment, l’arrivée, vers 9 h 30, du convoi des officiels, substitut du Procureur général et procureur de la République au Trarza, en tête. Tous les membres de la commission, autorités administratives et sécuritaires de Boutilimit sont là. Le médecin légiste français arrive à son tour, en compagnie d’un médecin mauritanien.
Tandis qu’un homme de main déterre le cadavre, on prépare la housse qui recevra les chairs en décomposition et met des masques pour éviter la pestilence. Peine perdue car, lorsque dix heures, le corps est enfin extrait, il « ne dégage aucune odeur et n’est en rien ballonné », selon des témoins. Au lieu de l’envelopper dans la housse, on l’embarque donc, simplement, sur un brancard, à destination de l’hôpital Cheikh Hamed. Six heures durant, le docteur Laurent Martrille y procède à l’autopsie, en seules présences du père de Zeïni, du médecin mauritanien et du colonel Ould Yezid. Vers dix-sept heures, on remet le cadavre aux siens qui le rendent, sans tarder, à sa tombe. Le convoi reprend la route vers Nouakchott. Le docteur Laurent Martrille s’envole le soir vers la France d’où il adressera, dans quelques jours, ses conclusions à la commission, par courriel. Avec copie, a-t-il promis, à la famille du défunt. Notons qu’à son retour de Boutilimit, l’expert est passé au petit studio où le cadavre fut découvert, pour établir son constat, photos à l’appui. L’opinion publique attend, avec impatience, les résultats de ces nouvelles investigations.
Mosy (Le Calame)