La visite que le président de la République s’apprête à effectuer le 2 mai prochain à Néma suscite l’intérêt de nombreux mauritaniens. La République retient son souffle : quels seront les propos du Raïs, en ce qu’on appelle le réservoir électoral de l’autocratie mauritanienne ? Simple « visite de travail » assure-t-on en haut lieu. Il n’en empêche pas moins que le discours du Président à Néma est impatiemment attendu. Les Mauritaniens espèrent l’entendre mettre fin à toutes les supputions sur ses éventuelles velléités de troisième mandat. Ses ministres l’ont vertement prôné et même certains officiers supérieurs qui tiennent les rênes du pays auraient été informés de la question. Nous sommes, de fait, en « démocratie militaire »... C’est dire que les observateurs – l’opposition, surtout ; en particulier, le FNDU et le RFD – décrypteront, avec attention, les propos du Président. La majorité ne sera pas en reste, elle qui attend le feu vert pour s’engager dans la (longue) campagne électorale…
L’appel du pied des ministres de la Justice, de l’Economie et autre porte-parole du gouvernement trouveront-ils réponse positive à Néma ? A en croire la presse, le Président avait promis de répondre « sous peu » aux très nombreuses interrogations soulevées par les sorties de ses ministres qui n’ont été ni recadrés ni relevés de leurs fonctions. Pour certains observateurs, ce silence du Palais signait comme son accord tacite. Mais le formaliser publiquement exacerberait davantage les tensions politiques que vit le pays depuis 2008, recristallisant les oppositions en un seul bloc, et Ould Abdel Aziz peut fort bien choisir de ne pas dévoiler si vite ses intentions. Beaucoup pourraient ainsi penser qu’il respectera la Constitution, ainsi qu’il l’a déjà répété, à diverses reprises, sur les ondes de RFI, dans les colonnes de Jeune Afrique, à la TVM et à plusieurs de ses visiteurs, comme Messaoud ould Boulkheïr ou Boydiel Ould Houmeïd. Suscitera-t-il la surprise, en zappant le sujet, pour maintenir plutôt sa main tendue et accepter, devant le peuple, quelques concessions ? Voilà qui mettrait quelque peu l’opposition en mauvaise posture, elle qui n’a rien trouvé de mieux, jusqu’ici, que de rester cramponnée à une réponse écrite à sa plate-forme.
Annoncer, a contrario des deux premiers scénarios, une ferme et définitive décision de ne tripatouiller, en rien, la Constitution ni de recourir à aucune manœuvre populiste pour s’y voir « contraint » par la « vox populi, vox Dei » (1), détendrait-il les relations, à tout le moins crispées, entre le pouvoir, le FNDU et le RFD ? Cela relancerait-il l’initiative du président Messaoud qui a tenté, sans grand succès pour l’instant, de renouer les liens entre les deux blocs de l’opposition (FNDU-RFD) et le pouvoir ?
Quoiqu’il advienne, les préparatifs de la ruée vers l’Est vont bon train. Les cadres, élus et notables des trois régions rivalisent d’ardeur, pour ne dire de zèle. Tous tiennent à se montrer là-bas, bloquant notre administration, durant tout le séjour du Raïs, à l’heure même où le ministre de l’Intérieur court partout, pour demander plus de ponctualité, aux fonctionnaires et agents de l’Etat. De son côté, le FNDU continue à ratisser, large, pour rallier le maximum de gens à son front du refus de tout troisième mandat. On se demande, au demeurant, comment empêcher une telle issue, si telle est la volonté d’Ould Abdel Aziz. Comme on l’a suggéré tantôt et l’ont osé souhaiter certains, dont un général, le Président peut, à l’instar de certains de ses homologues du Continent, recourir au peuple, opportunément et temporairement rendu à sa souveraineté, pour déverrouiller la Constitution et se dédire, en foulant son serment sur le Saint Coran. On n’en est pas encore là. Attendons le discours de Néma pour nous faire une idée.
DL (Le Calame)