Une enquête menée par Le Quotidien de Nouakchott révèle des irrégularités dans l’attribution d’un marché public par le ministère des Mines et de l’Industrie en Mauritanie. Ce marché, destiné à réaliser une étude sur « l’encadrement juridique et fiscal du secteur minier », a été attribué au cabinet de géologie sénégalais Geomin, malgré l’opposition initiale de la Commission nationale de contrôle des marchés publics (CNCMP), qui avait rejeté une première tentative d’attribution en septembre 2024.
L’attribution récente du marché N°83476501, soulève de graves interrogations. Alors qu’un appel d’offres restreint a permis au cabinet sénégalais Geomin de remporter ce contrat, des documents et témoignages révèlent un processus opaque, des irrégularités et des contournements des réglementations nationales.
Un marché déjà rejeté en 2024 par la CNCMP
En septembre 2024, le ministère des Mines avait tenté d’attribuer ce marché au même cabinet sénégalais, Geomin, par voie de gré à gré. Cependant, la Commission Nationale de Contrôle des Marchés Publics (CNCMP) avait annulé cette attribution, invoquant plusieurs manquements :
- Violation de la loi sur les marchés publics : La procédure ne respectait pas les exigences de transparence, notamment l’absence de garantie bancaire et la présentation d’un contrat déjà signé au lieu d’un projet soumis à approbation.
- Absence de justification technique : Geomin, spécialisé en géologie, ne possédait pas les compétences juridiques requises pour élaborer un cadre légal et fiscal sur les mines.
Plutôt que de rectifier les irrégularités soulevées par la CNCMP, le ministère aurait contourné ces critiques en impliquant la GIZ, la coopération allemande, pour financer un nouvel appel d’offres restreint.
Un appel d’offres restreint controversé
L’appel d’offres organisé sous l’égide de la GIZ a shortlisté quatre cabinets :
- Consult’Sen (Sénégal) : Spécialisé en services juridiques, mais s’est retiré en ne soumettant pas d’offre financière.
- Geomin (Sénégal) : Cabinet de géosciences, sans expertise juridique.
- Kanaga Consulting (Mali) : Cabinet d’expertise comptable, sans expérience en droit minier.
- MauriJuris-SARL (Mauritanie) : Seul cabinet national, spécialisé dans le droit.
Le retrait de Consult’Sen, unique cabinet qualifié en droit minier, a laissé la voie libre à Geomin, malgré son manque de compétences juridiques. Cette situation renforce les soupçons d’un processus biaisé visant à attribuer le marché à un candidat prédéterminé.
Un marché aux allures de favoritisme
Des zones d’ombre persistent quant à la conformité de la procédure aux normes de transparence exigées par la législation mauritanienne. Parmi les points critiques figurent :
- Absence de publication ouverte : La sélection des candidats n’a pas été précédée d’un appel d’offres public, violant ainsi les principes de concurrence équitable.
- Manque de transparence dans l’évaluation des dossiers : Les noms des membres du comité d’évaluation ainsi que les critères de notation des offres n’ont pas été divulgués dans les documents consultés.
Le choix des cabinets étrangers au détriment des structures nationales, telles qu’ENCO-SNIM (filiale de la SNIM), suscite l’indignation. ENCO-SNIM, qui emploie 80 experts spécialisés dans le secteur minier, dispose de solides références pour mener ce type de prestation. Ce mépris apparent pour les ressources locales interroge sur les motivations réelles derrière cette procédure.
La légitimité de cette étude soulève également des questions. En 2017, un consortium regroupant des bureaux mauritanien, sénégalais et canadien avait déjà réalisé une étude similaire sur le cadre juridique et fiscal du secteur minier. Ce travail, remis officiellement au ministère en février 2019, avait pour but de moderniser le code minier. Aucun document officiel ne justifie pourquoi une nouvelle étude, apparemment redondante, était nécessaire.
Déclarations controversées du ministre
Lors d’une conférence de presse tenue après le Conseil des ministres, le ministre des Mines, Tijani Thiam, a tenté de justifier l’attribution du marché à Geomin. Selon lui, cette étude était financée par des fonds externes et n’avait coûté que 50 000 dollars, contrairement à une étude précédente de 2019 qu’il estimait à 400 000 dollars. Toutefois, des vérifications montrent que le montant réel de l’étude de 2019 était de 149 780 euros, bien en deçà des chiffres avancés par le ministre.
Dans une correspondance adressée aux autorités, l’avocat Ahmed Baba Ould S’Baai dénonce un contournement manifeste des lois mauritaniennes sur les marchés publics. Il affirme que cette procédure reflète une volonté de « contrôler le résultat du processus » et d’entériner un marché déjà rejeté en septembre 2024.
Ce dossier met en lumière des pratiques qui, si elles ne sont pas corrigées, risquent de compromettre les efforts de la Mauritanie en matière de transparence et de gouvernance. L’attribution de marchés publics dans des conditions discutables fragilise non seulement l’image du pays, mais également la confiance des citoyens et des partenaires internationaux.
La République Islamique de Mauritanie, qui aspire à devenir un modèle de bonne gouvernance, doit garantir que ses responsables rendent compte de leurs décisions. Une enquête indépendante est nécessaire pour faire la lumière sur cette affaire et éviter la répétition de telles dérives. De son côté la GIZ jusqu’ici était celle dont l’appui poussait à la bonne gouvernance alors que ce cas d’espèce n’est-elle pas comme le livre dont l’adage mauritanien dit qu’il ordonner de se « laver à l’eau » alors que lui ne peut le faire !