2023 est une année de recul en matière de droits humains, selon le bilan publié ce mercredi par Amnesty International. L'organisation alarme sur une année lors de laquelle les conflits, le réchauffement climatique et le bafouement des droits des civils n'ont fait que s'aggraver. Dans ce rapport annuel, l’ONG dresse un constat sombre sur fond d'émergence d'outils numériques dont personne n'a vraiment le contrôle.
Partout dans le monde, les droits ont subi des coups de boutoir, selon le rapport d’Amnesty International publié ce mardi. Entre les « restrictions excessives » au droit de manifester ou l'introduction de surveillance algorithmique, la situation des droits humains en France a continué en 2023 son « érosion », dénonce mercredi Amnesty International dans son rapport annuel mondial.
L'ordre mondial bâti après 1945 est « au bord de la rupture », alerte la secrétaire générale d'Amnesty International, critiquant en particulier Israël et les États-Unis d'un côté, la Russie et la Chine de l'autre. « Tout ce à quoi nous avons assisté au cours des 12 derniers mois montre que le système international est au bord de la rupture », estime Agnès Callamard auprès de l'AFP. « Ces six derniers mois en particulier, les États-Unis ont protégé les autorités israéliennes de tout examen minutieux des multiples violations commises à Gaza », déclare-t-elle.
Ce bilan se résume en un seul mot pour Jean-Claude Samouiller, le directeur France d'Amnesty : « Accablant ». « Il est accablant dans le fait que les états, des personnes qui avaient le pouvoir de faire cesser les atrocités ne remplissent pas leurs missions. Et il est accablant parce qu’il révèle du mépris pour la vie et la dignité humaine, notamment dans les cas de conflits », dénonce-t-il. Le directeur France de l'organisation accuse notamment le Conseil de sécurité de l'ONU, où les blocages ont été nombreux cette année, d'accentuer en partie cette dégradation fulgurante du droit international.
Danger des technologies
Gaza, Ukraine, Soudan... Les exemples ne manquent pas et à chaque fois, les civils sont en première ligne. Et à cette époque, ils font aussi face à une nouvelle menace : celle de l'intelligence artificielle et de ces technologies non réglementées. Parmi elles, Amnesty pointe par exemple l'eye border control, un détecteur de mensonge testé dans plusieurs pays européens. « Ce système, au moment de l’interrogatoire des personnes qui veulent passer la frontière, va analyser la moindre expression faciale. Et donc si le système estime que les personnes ont répondu honnêtement, elles vont recevoir un code qui leur permettra de franchir la frontière, dans le cas contraire, elles vont être redirigées vers des personnes chargées de poursuivre les interrogatoires », tance Katia Roux, chargée de plaidoyer.
L'ONG s'inquiète aussi de l'impact du manque de réglementation des plateformes numériques, et les conséquences que cela peut avoir sur le vote des électeurs, notamment pour les élections américaines.
En France, « l'État de droit est en danger »
Si Amnesty évoque largement les zones de conflits, d’autres pays, comme la France, sont aussi pointés du doigt. Amnesty International parle d'une érosion constante des droits humains lors des 12 derniers mois en France. Une situation globale qui menace sérieusement l'État de droit : « On parle d'un point de bascule auquel on considère qu'on n'est pas encore, mais dont on se rapproche, et on considère qu'aujourd'hui l'État de droit, il est en danger, il est affaibli par cet ensemble d'atteintes aux droits et aux libertés, et par la remise en cause du droit international », selon Nathalie Godard, directrice de l'action d’Amnesty International France.
Plus précisément, Amnesty International pointe du doigt des atteintes aux libertés fondamentales, notamment celles de manifester et de s'exprimer mais dénoncent aussi des pratiques et des discours discriminatoires envers les minorités.
Un exemple parmi tant d'autres : le port du voile pour les sportives. « La déclaration de la ministre des Sports qui l'année dernière avait annoncé que des athlètes qui portent le voile n'auraient pas leur place dans la délégation française, ça, c'est effectivement stigmatisant pour les personnes musulmanes », ajoute Mme Godard. Une position contraire à celle de l'ONU et du Comité international olympique.
Source : RFI