Mohameden Icheddou - Le Bâtonnier a abordé lors d’une conférence de presse, la question de la commission d’enquête parlementaire en ces termes :
« Il a été question également de la commission d’enquête parlementaire, et de son illégalité. J’aimerais dire à titre préalable qu’en ce qui concerne la commission parlementaire, il y a un texte constitutionnel ayant rang de loi organique qui en prévoit la création, conformément au règlement intérieur de l’assemblée nationale ; même si le sujet en ce qui la concerne n’est plus d’actualité, car l’ordonnance de renvoi ne se fonde pas sur le rapport de la commission d’enquête parlementaire mais sur un ensemble de faits au vu desquels, le pôle chargé de l’instruction a procédé à l’audition des prévenus, à leurs confrontations, entendu les témoins, les a confronté avec les prévenus, a délivré plusieurs commissions rogatoires ; et c’est au vu de tous ces éléments qu’il a rendu sa décision, sans nullement se fonder sur le rapport de la commission parlementaire ».
On peut affirmer que cette assertion s’articule autour de deux moyens, tous deux fallacieux :
A) Des arguments anciens, qui soutiennent la constitutionnalité et la légalité de la commission parlementaire dont la nullité est de caractère absolu.
B) Une argumentation nouvelle , à savoir que le problème de l’illégalité de la commission d’enquête parlementaire n’est plus posé , et n’est « plus un sujet de débat du fait de la décision de renvoi, qui n’est en rien fondée sur les travaux de la commission parlementaire ».
Ce à quoi, nous répondrons de la manière suivante :
a) Sur le caractère prétendument légal de la commission parlementaire. Il n’y a rien de nouveau dans cette allégation qui n’est ni plus ni moins que la répétition de ce qui a été dit, et ce à quoi nous avons répondu, et répondons à nouveau en ces termes :
Primo) La constitution de la république islamique de Mauritanie promulgué le 20 juin 1991 ne prévoit en aucune de ses dispositions, la création d’une commission d’enquête parlementaire qui serait chargée de contrôler l’action du gouvernement en place, à fortiori , celle d’un gouvernement qui n’est plus en exercice, et pas un seul de ses articles 45 à 77 relatifs au pouvoir législatif, ne prévoit la création d’une telle commission.
Quant aux modalités du contrôle parlementaire de l’action du gouvernement, elles sont définies de manière limitative dans les articles 72 à 77 de la constitution, et se réduisent à :
-L’obligation pour le gouvernement de fournir à l’assemblée nationale dans les formes prévues par la loi, toute explication qui lui aurait été demandée sur sa gestion est ses activités (art 72), la responsabilité du gouvernement ne pouvant par ailleurs être mise en cause qu’à travers une motion de censure, signée par son auteur, et pour être recevable, signée de surcroît par un tiers au moins des membres de l’assemblée nationale.
Il s’agit bien du contrôle de l’action du gouvernement par le parlement, qui ne dispose nullement d’un tel droit de regard sur l’institution présidentielle, ni d’ailleurs sur un gouvernement qui n’est pas en exercice, comme il n’exerce aucun droit de regard, sur le contrôle des deniers publics qui relève de la compétence exclusive de la cour des comptes, par application de l’article 68 de la constitution en son avant dernier alinéa, ainsi libellé : « La cour des comptes est l’organe suprême indépendant chargé du contrôle des finances publiques ».
-L’adoption de la motion de censure, entraîne la démission du gouvernement, sans plus attendre.
C’est tout ce qu’il y a dans la constitution ! Quant à la qualification du règlement intérieur de loi organique, il s’agit d’une qualification dénuée de tout fondement comme nous n’avons cessé de le prouver avec force détails ; le recours à un tel argument n’est que pure plaisanterie, et n’y font appel que ceux qui sont à court d’arguments juridiques. Est-il surprenant que dans un pays dominé par l’analphabétisme juridique, l’ignorance qui s’ignore, l’appât du gain, la corruption ; que dans un tel pays, la constitution soit foulée aux pieds, que les citoyens y soient terrorisés et soumis au chantage ; des députés qui ignorent leurs droits et obligations au point d’exiger publiquement un troisième mandat, véritable conspiration contre la constitution, au moment où le plus avisé d’entre eux fait observer dans une déclaration qui a fait date « ……..Tout ce que recherchent les députés, c’est que le parlement s’acquitte de son devoir dans le contrôle de du gouvernement, qu’il s’agisse du gouvernement actuel ou ceux qui l’ont précédé » , ce à quoi j’ajouterai « surtout si derrière une telle démarche, se cachent des intérêts privés non négligeables, et une vendetta politique et sociale de grande envergure ».
Deuxio) L’argument massue sur lequel se fonde nos doyens et confrères, reste et demeure le recours à des textes étrangers, en vue d’asseoir la responsabilité de l’ancien président de la république , soulevant pour la circonstance et de manière opportuniste, l’existence de commissions d’enquête parlementaire en France.
C’est vrai qu’il en est ainsi en France, mais pour une raison qu’il faut avoir l’honnêteté de divulguer, liée à la réforme de la constitution française intervenue en 2007, prévoyant la création de commissions d’enquête parlementaire sur la base de l’article 51 alinéa 2 nouveau ainsi libellé « Pour l’exercice de la mission de contrôle et d’évaluation, définies à l’alinéa 1 de l’article 24, il est possible de créer des commissions parlementaires au niveau de chaque chambre pour recueillir des renseignements conformément à la loi. La loi détermine les règles de fonctionnement de ces commissions ». Les conditions de leur création sont déterminées par le règlement intérieur de chaque chambre. Il est donc possible de déduire des développements ci-dessus:
-Que cette réforme constitutionnelle qui a débouché sur la création de commissions d’enquête parlementaire, et en a déterminé les conditions de fonctionnement, est une réforme née en France, et pas en Mauritanie, dont l’indépendance remonte à plus d’un demi-siècle. Aucune réforme du même type n’est intervenue en Mauritanie.
-Que les commissions parlementaires en France ont été créées suite à une modification constitutionnelle , et non sur la base d’une loi organique, ni par décret, encore moins sur celle d’un règlement intérieur.
-Que l’article 51-2 nouveau qui a créé les commissions d’enquête parlementaire en France, ne leur a pas donné libre cours pour qu’elles agissent à leur guise, mais en a limité les compétences dans « le recueil des informations conformément aux prescriptions de la loi », avant de préciser que « c’est la loi qui en détermine les règles d’organisation et de fonctionnement », limitant de la sorte les effets du règlement intérieur à leur seule création.
b) Selon les partisans de cette hérésie constitutionnelle, les griefs soulevés contre la commission d’enquête parlementaire ne seraient plus d’actualité, car l’ordonnance de renvoi a été rendue, et elle n’est pas fondée sur les travaux de la commission d’enquête parlementaire.
Cette assertion a des allures, fictives du reste, de théorie aux assises solides soutenue par le Bâtonnier qui coordonne le collectif chargé de la défense de l’Etat. Ceci étant précisé, sur quoi s’articule l’accusation gratuite portée contre les dirigeants de la décennie d’or qu’a connue la Mauritanie ? Comment est née cette accusation ? Il y a à cela plusieurs raisons:
-La lutte morbide pour le leadership du parti de la majorité.
-La commission d’enquête parlementaire nulle de nullité absolue.
-La transmission en toute illégalité du rapport de la commission parlementaire au gouvernement.
-L’acte ainsi libellé émanant du ministère public : « A l’adresse de l’officier de police judiciaire/ directeur de la lutte contre les crimes économiques et financiers au niveau de la direction générale de la sûreté nationale : objet : enquête préliminaire et enquête financière parallèle. « Nous, coordinateur du pôle chargé au niveau du parquet, de la lutte contre la corruption ;
Conformément aux instructions qui nous sont parvenues du parquet général, objet du soit- transmis n°1288/2020 en date du 5/8/2020 portant sur les rapports de la commission d’enquête parlementaire, en vue de la mise en mouvement de l’action publique, et après avoir pris connaissance des rapports de ladite commission, et connu des études juridiques et financières émanant de bureaux d’étude mandatés à cet effet, ainsi que du rapport juridique et financier de la cour des comptes.
Vous désignons à l’effet de procéder à l’enquête préliminaire sur les faits objet des rapports en question, rechercher toute personne incriminée, et toute autre contre laquelle les preuves à la participation de tels faits seraient établies, et nous faire parvenir les conclusions de votre enquête.
Vous trouverez en pièces jointes, les rapports de la commission d’enquête parlementaire, le rapport juridique et financier des bureaux d’étude mandatés à cet effet, le rapport juridique et financier de la cour des comptes. » (Fin de citation).
Il apparaît d’emblée que tout l’édifice de l’action publique est branlant, car fondé sur les rapports de la commission parlementaire.
Aujourd’hui que la nullité de la commission parlementaire est apparue au grand jour, ainsi que sa violation de la constitution, que ceux qui en sont les partisans sont dans l’impuissance de trouver un remède à leurs arguties juridiques de nature à justifier la poursuite de l’ancien président de la république, principale cible de cette procédure à caractère purement politique, les voilà qui se lavent les mains des rapports de la commission parlementaire, s’en défendent au point d’en nier l’existence, y compris en les soustrayant à la connaissance de leurs juges qui sont sous leurs ordres, ainsi qu’à celle des prévenus contre lesquels, ces rapports ont pourtant été utilisés comme moyen d’accusation bien que dénués de tout fondement, du fait même qu’il n’existe pas trace dans le dossier n°001/2021 desdits rapports sur lequel se fonde l’accusation, et voilà que les porteurs de l’argument « validité de travaux de la commission parlementaire » sortent de leur chapeau comme le feraient les illusionnistes du cirque, un nouveau tour, en déclarant : « Ce point n’est plus à l’ordre du jour, car l’ordonnance de renvoi a été rendue, et l’ordonnance de renvoi n’est pas fondée sur les travaux de la commission parlementaire, mais plutôt sur le travail sélectif du pôle d’instruction qui a procédé à l’audition des prévenus, à leur confrontation, à l’audition des témoins et leur confrontation avec les prévenus, a ordonné plusieurs commissions rogatoires, avant de rendre sa décision au vu de tous ces éléments », oubliant ou faisant semblant d’oublier que toute la procédure est fondée sur les travaux de la commission parlementaire dont la nullité ne fait aucun doute, ce qui affecte de nullité toute la procédure subséquente.
De quelle comédie sommes- nous les témoins ? De quelle escroquerie organisée, au nom et par les moyens de l’Etat, de ceux de la justice et du droit, sommes-nous témoins ?
*Coordinateur du collectif chargé de la défense de l’ancien président Mohamed ould Abdel Aziz
*Traduit par maître Taleb Khyar o/Md Mouloud, membre du collectif chargé de la défense de l'ancien président Mohamed ould Abdel Aziz.
Source : Cridem