Initiatives News - La Mauritanie n’a jamais pu tirer pleinement profit de ses ressources pélagiques, constituant pourtant l’essentiel de ses richesses ichtyologiques, au demeurant migrantes et partagées, avec les pays de la sous-région.
En raison de contraintes majeures, liées à l’absence d’infrastructures portuaires adaptées, et à l’insuffisance des capacités d’accueil à terre (traitement et stockage), en plus des déficits sévères de l’offre et des coûts prohibitifs des principaux facteurs de production (eau, énergie, terrains…)
Ces facteurs bloquants structurels, faisant obstacle à l’émergence d’une filière pélagique, tant soit peu intégrée à l’économie nationale, ne laissent guère de choix au gouvernement que le « placement », pour ainsi dire, du potentiel de prélèvement auprès d’armements étrangers, sous formes de licences libres ou d’affrètements, avec ou sans sociétés mixtes.
Ce système pratiqué durant des décennies, avec les contreperformances que l’on sait, en l’occurrence les faillites en cascade des sociétés mixtes, a consacré une « gestion de rente », maintenant le sous-secteur dans une situation « d’économie d’enclave » totalement extravertie, par rapport à la structure interne de l’économie nationale.
Si bien que la chute du mur de Berlin en 1989, la dissolution de l’URSS en 1990 et la désarticulation subséquente des armements d’Europe de l’Est, entraîneront un brutal effondrement de la « grande pêche pélagique », impactant durement, on s’en souvient, l’économie nationale.
Les opérateurs privés, en véritables pionniers et précurseurs, déployèrent, dès lors, des trésors de motivation, de dynamisme, de perspicacité, d’ingéniosité et de prospection pour rechercher des partenaires techniques fiables, et mobiliser des outils de production performants, à l’effet de combler le vide ainsi créé.
Après des expériences, sans grand succès, avec des senneurs norvégiens, danois, espagnols…et des équipages chiliens notamment, l’introduction des senneurs côtiers RSW et des équipages turcs, se révéla une bénie providence.
En quelques années à peine,, la physionomie de la filière pélagique en Mauritanie s’est complètement transformée, du tout au tout, pourrait-on ajouter !
Des centaines de milliers de tonnes de petits pélagiques côtiers sont débarquées chaque année, sous les yeux des services de contrôle, et commercialisés à travers la SMCP. A partir de 2018, les espèces pélagiques comestibles étaient interdites à la farine (Mulet, Sardinelle ronde, maquereau, chinchard…)
Des centaines de millions de dollars sont rapatriés, au profit de la Balance des Paiements. Des dizaines de milliards d’ouguiyas sont versés au Trésor, sous forme de droits et taxes.
Des milliers d’emplois rétribués sont créés. Des centaines de prestataires de services (transporteurs, consignataires, manutentionnaires, mareyeurs, fournisseurs) sont employés, à plein temps.
Les ports, la SOMELEC, la SNDE, les dockers, la main d’œuvre occasionnelle, les banques, la Zone Franche, les communes… bénéficient largement des retombées de cette activité.
Le tissu industriel local s’est enrichi alors de dizaines d’unités aux standards internationaux, notamment pour la consommation humaine, augmentant sensiblement les capacités d’accueil à terre.
De telle sorte que la Mauritanie est aujourd’hui en mesure de domestiquer totalement la filière pélagique et de maîtriser, chemin faisant, l’exploitation optimale de ses ressources, pour la toute première fois de son histoire, grâce, il importe de le souligner, à l’efficacité de ses opérateurs privés et de leurs partenaires techniques, singulièrement les senneurs turcs.
Paradoxalement, au lieu d’encourager cette filière émergente et accompagner son évolution vers plus de valeur ajoutée, aucune mesure n’est épargnée pour l’étouffer dans l’œuf et la ruiner.
Depuis l’allocation de l’effort, au moyen du contingentement des quotas, puis le zonage défavorable et les immobilisations prolongées des navires, jusqu’à la pression fiscale excessive, sans cesse aggravée par les Lois de Finance et les décrets successifs.
Le développement organisé de l’industrie pélagique vers une industrie inclusive créatrice de valeur ajoutée et d’emplois passe par une domestication pérenne de la ressource aujourd’hui permise par les bateaux turcs. Un emploi en mer pour une ressource débarquée et traitée à terre engendre 10 emplois à terre.
De telle sorte que nous sommes conduits à penser à une sourde volonté de pousser les opérateurs à la faillite, de geler le futur du secteur et de chasser les armements turcs, avant lesquels, faut-il le rappeler, jamais les petits pélagiques n’avaient touchés le sol mauritanien.
On est légitimement tenté de se demander, au profit de qui veut-on renvoyer la flottille turque et surtout quelle autre solution serait-elle envisagée pour les remplacer ?
Quelle intérêt, la campagne forcenée de dénigrement des opérateurs concernés, de dénis des apports considérables générés par la filière en faveur de l’économie nationale et de déformations grossières de la vérité, orchestrée par des officines de propagande malveillantes, ô combien peut-elle servir ?
Nouakchott le 12 Mai 2022