Alors que l’année 2015 avait été proclamée «année de l’Education Nationale» – sans qu’on ne sache d’ailleurs vraiment pourquoi - le Premier Ministre a pratiquement«oublié» ce thème lors de son discours de Déclaration de Politique Générale !
Une anomalie quand on sait que le pouvoir a toujours voulu faire croire que le secteur de l’éducation nationale était la priorité des priorités. M. Yahya Ould Hademine s’est juste contenté d’évoquer l’enseignement supérieur avant de passer directement à l’enseignement originel ! Pourtant, les défis ne manquent pas dans ce secteur qui est en train de sombrer dans la déchéance.
«Le système éducatif en Mauritanie a été incapable de répondre aux simples exigences de développement, mais aussi aux espoirs et aspirations de la nation. De nombreuses stratégies ont été élaborées dans le but de développer ce secteur et d’élever son niveau.
Malgré toutes les tentatives, notre enseignement demeure dépourvu de crédibilité, enregistrant un recul des niveaux et une inadéquation avec les besoins du marché de l’emploi, en plus de la faiblesse de l’encadrement pédagogique, de la mauvaise planification et du manque de recyclage et de formation.» ! C’est par ces termes que l’ancien Premier Ministre Moulaye Ould Mohamed Laghdafouvrait les Etats Généraux de l’Education en Mauritanie le 03 février 2013, àNouakchott.
C’est un euphémisme de dire que notre système éducatif n’est pas performant. Malgré un programme scolaire relativement acceptable à la base, les conditions dans lesquelles se trouvent les élèves, du primaire au lycée, sans parler de l'université, sont loin d'être encourageantes : manque de matériel de base (tables, chaises…) et même ce qui en existe est dans un état déplorable ; insuffisance en quantité et en qualité d’instituteurs et de professeurs. Et ceux dont on dispose soit s'absentent, car ils préfèrent gagner leur vie par d'autres moyens, soit assurent des cours strictement académiques sans qualité et interaction pédagogiques.
Dans les deux cas, ce sont le niveau très bas des salaires et le manque d'inspection qui sont en cause. Cependant, il faut bien nuancer et dire qu'ils existent, même s’ils sont minoritaires, des enseignants dignes de ce nom, mais malheureusement leur bonne volonté et leur dévouement ne suffisent pas.
Les réformes se suivent sans succès
Devant une telle situation, les spécialistes sont convaincus que sans la dépolitisation de la question de l’éducation, on ne sortira pas de l’auberge. La question devrait être traitée par des techniciens loin de toute considération idéologique ou partisane pour éviter de reproduire les innombrables erreurs commises par le passé.
Le premier défi à affronter est l’aspect linguistique. Tous sont unanimes à dire que le problème principal, l’unique problème diront certains, c’est le problème de la langue ou des langues d’enseignement. Depuis 1960, le pays aura ainsi connu cinq réformes du système éducatif qui sont des actes de politique linguistique. La place accordée au français, à l’arabe et aux langues négro-africaines a été l’objet de toutes ces réformes.
Entre tentative d’arabisation et mesures d’apaisement, la question linguistique a donc été omniprésente. De 1979 à 1999, la Mauritanie s’est finalement divisée en créant deux filières scolaires : les enfants pouvaient s’inscrire soit dans la filière arabe, soit dans la filière bilingue (qui correspondait à un enseignement en français). La scission culturelle du pays se retrouvant ainsi sur les bancs de l’école dans des classes séparées. La dernière réforme, en 1999, par sa réintroduction du français langue d’enseignement, marque le retour au bilinguisme et l’échec relatif de 40 ans de réformes du système éducatif.
Le changement majeur est le retour à un enseignement unifié, mettant fin aux anciennes filières arabes et bilingues qui divisaient le pays. Aujourd’hui, les disciplines littéraires (histoire-géographie, éducation civique, philosophie…) sont enseignées en arabe et les disciplines scientifiques (mathématiques, sciences naturelles, physique…) en français. En attendant la prochaine reforme.
Cultiver la tolérance et le respect de l’autre
Il est grand temps de reconnaître que sans le règlement de cet épineux problème, rien de sérieux ne peut être entrepris. La Mauritanie est riche de sa diversité culturelle tout comme elle est ancrée dans sa tradition arabo-islamique riche et largement partagée par toutes les composantes nationales. Elle ne peut aussi rester à l’écart du monde et de la mondialisation. Cette diversité culturelle devrait être une force et permettre à notre pays de se hisser au rang des nations les plus développées du fait des ses potentialités culturelles, humaines et économique. Hélas !
Les intérêts mesquins, le chauvinisme exacerbé, les luttes intestines entre nationalistes étroits des deux bords, ont de tout temps empêché l’éclosion d’uneMauritanie plurielle dans les écoles de laquelle chaque enfant se retrouve, s’épanouit et se développe harmonieusement. Cultiver la tolérance et le respect de l’autre au sein de notre école ne peut se faire que lorsque l’Arabe et les langues nationales (Poular, Soninké, Wolof) seront enseignés aux enfants mauritaniens qui dés le bas âge découvriront leur appartenance à une entité«variée» mais soudée. Il importe également de s’ouvrir au reste du monde avec le maintien du français comme langue d’ouverture et le renforcement des autres langues internationales (Anglais, Chinois, Espagnol etc.).
Une fois le problème de langue résolu, il serait judicieux de s’attaquer au récurent problème du pilotage de notre système éducatif qui pèche actuellement par le tâtonnement et l’improvisation si ce n’est pas l’immobilisme total. L’administration centrale sensée piloter l’ensemble du dispositif de notre système éducatif est impotente du fait de l’absence des ressources et d’un personnel qualifié.
Sikhousso (L'Eveil-Hebdo)