RFI Afrique - C’était en février 2017… Voilà bientôt cinq ans que la « Force conjointe du G5 Sahel » a été mise sur pied pour lutter contre le terrorisme. Mais les résultats, il faut bien le dire, ne sont pas à la hauteur des attentes.
Témoin les dernières attaques jihadistes au Niger et au Burkina Faso. Que va devenir cette force après le retrait de la moitié des effectifs de la force française Barkhane ? Est-il possible de la rendre plus efficace ? À Nouakchott, le général mauritanien Mohamed Znagui est le chef du Bureau Défense Sécurité du G5 Sahel.
Il répond aux questions de notre envoyée spéciale Mounia Daoudi.
RFI : La situation ne cesse de se dégrader dans certains pays du Sahel. Pourtant, vous tenez à rappeler que, sur le plan de la sécurité et de la défense, le G5 Sahel n’est pas resté inactif.
Mohamed Znagui : Notre grande réalisation, c’est la mise en place de la Force conjointe qui est sur le terrain au quotidien. Les attaques et les mauvaises choses sont malheureusement plus médiatisées que les réalisations et les bonnes choses. Il faut savoir que la force conjointe mène quotidiennement des opérations et obtient des résultats tous les jours depuis trois ans maintenant.
Au niveau opérationnel, nous avons également créé des Groupes d’Action rapides de gendarmerie que l’on appelle les GARSI. Chaque pays, aujourd’hui, est doté d’au moins deux à trois Groupes d’Action Rapides de gendarmerie qui sont équipés, formés pour la lutte antiterroriste.
Sur le plan partage des renseignements, nous avons, par exemple, créé la Plateforme de coopération en matière de sécurité, le Centre d’Analyse de Menaces et d’Alertes Précoces, qui se trouve à Ouagadougou, et tout récemment, le Centre de fusion des renseignements de Niamey.
Sur le plan formation des hommes – ce qui est extrêmement important –nous avons créé le Collège de Défense, qui est une école de guerre, basée à Nouakchott et qui donne de très bons résultats. Nous avons le Collège Sahélien de Sécurité qui se trouve à Bamako. Et nous aurons très prochainement l’Académie Régionale de Police qui sera ouverte à Ndjamena.
Voilà un peu les grandes réalisations que nous avons faites jusqu’à présent. Cela demande à être consolidé. Nous consolidons, nous améliorons, nous développons. Et nous faisons appel à tous nos partenaires pour venir nous aider à consolider ce que nous avons fait, et surtout à le développer, à l’améliorer et à en faire toujours plus.
Comment est-ce que vous qualifieriez la coopération entre les États au niveau du G5 Sahel ?
Mais elle est parfaite ! Dans la mesure où nos forces de défense travaillent en commun sur nos frontières et que nous échangeons des renseignements à travers nos plateformes de coopération, en matière de sécurité… Mais je vois que notre coopération est parfaite ! Je ne vois que l’adjectif parfait qui peut la caractériser.
Pourtant, la situation sécuritaire n’est pas en voie d’amélioration, quand on voit ce qui se passe au Burkina, quand on voit ce qui se passe au Mali…
Je ne vous contrarierai pas. Pas du tout… La situation sécuritaire n’est pas bonne et elle est de jour en jour moins bonne. Mais ceci n’est pas le résultat d’un manque de coopération entre nos pays. C’est le résultat d’une situation, d’abord internationale. Regardez ce qui se passe dans le monde et vous en viendrez à la conclusion que les pays du Sahel, sous-équipés, pauvres, n’ayant pas beaucoup de moyens, résistent quand même fort bien face à la situation !
Des nébuleuses terroristes ont été démantelées au Moyen-Orient, en Asie du Sud-est, plus près de nous en Libye ! Car il faut bien comprendre aussi que la situation que nous avons est le résultat de ce qui se passe actuellement en Libye. La situation est en train de s’apaiser sur le terrain, résultat toutes les milices sont en train de quitter le pays. Je crois qu’il y a énormément de facteurs qui font qu’il y a aujourd’hui une forte pression sur le Sahel. La région semble être la destination de tous ceux qui sont exclus d’ailleurs. Le problème c’est que le Sahel n’a plus de moyens pour y faire face ! Si la Communauté internationale et si nos partenaires ne renforcent pas leur présence, ne renforcent pas leur aide sécuritaire au Sahel, il est absolument certain que c’est la règle des vases communicants qui va s’appliquer. Quand on fait pression ailleurs, on va là où c’est plus mou, là où on peut aller ! Je crois que la région du Sahel, vaste comme elle est, pauvre qu’elle est, sous-peuplée qu’elle est, représente un réceptacle important pour ces nébuleuses terroristes où qu’elles soient dans le monde.
Dans ce contexte, le redimensionnement de la force Barkhane qui est en train de se retirer de certaines bases du nord du Mali, est plutôt une mauvaise nouvelle, en termes sécuritaires ?
Non, non… Il ne faut pas aller trop vite et dire que c’est une mauvaise nouvelle. Le redimensionnement a été pensé par des gens qui ont tous les éléments entre les mains et beaucoup plus d’éléments que vous et moi. Personnellement, je pense que c’est un redimensionnement en terme d’effectifs humains et un renforcement en terme de capacités techniques et de combat. Ce qui est fondamental dans les espaces que nous avons, ce sont les capacités d’appui aérien, de transport et de renseignement. Et je crois que dans ce domaine les choses se renforcent plutôt que ne se détériorent. Maintenant, sur le plan humain, ce ne sont pas les hommes qui manquent au Sahel. Ce sont les moyens. Et il est beaucoup trop tôt pour juger des conséquences du redéploiement de la force Barkhane. Il faut attendre de voir les résultats, au fur et à mesure… Je ne vous dirai donc pas que c’est un sujet d’inquiétude ou un sujet de satisfaction, pour le moment.