Au milieu de la salle de l'Ancienne Maison des jeunes, Sid’Ahmed Ould Ahmed Aicha, qui s'était installé aux premières heures, écoute religieusement le discours d’annonce de candidature de Biram Dah Abeid (Bda). Avec quelques mauritaniens d’origine «bidhanes», non issus du parti Essawab qui soutient le candidat, sa présence tranche avec les clichés, présentant souvent Bda comme le candidat d’une couche. Echanges.
Ould Ahmed Aicha, la quarantaine, est d’origine d’une tribu guerrière. Mais aujourd’hui, il n’en a cure de la stratification sociale. Journaliste de profession, il y a longtemps qu’il a franchi le « rubicond» dans une société naguère classifiée et où les survivances et les séquelles issues d’un ordre social forcément injustes sont toujours présentes dans les principales composantes arabes et négro-africaines. Et comme dans ces schémas stéréotypés de l’époque, la couleur de peau trompe souvent, Sid’Ahmed Ould Ahmed Aicha, a mis des œillères pour ne voir que la qualité intrinsèque de ses compatriotes. Et pour jeter son dévolu sur l’un des candidats annoncés pour la présidentielle de 2019, Sid’Ahmed Ould Ahmed Aicha, ne se perd pas en conjectures. Pour lui, «Biram est le seul candidat à même de sortir le pays et la société de l’ornière». Biram Dah Abeid, 54 ans, est le candidat issu de la classe haratine ; celle des esclaves affranchis. Mais dont Biram est aujourd’hui l’un des symboles dans sa lutte contre les réminiscences de l’esclavage. Un militant devenu champion de cette cause et reconnu par le prix des droits de l’Homme des Nations-Unies. Pourtant, Sid’Ahmed Ould Ahmed Aicha, connait Biram depuis qu’il a lancé son association «Ira» en 2008. Les deux hommes se connaissent mais c’est sans doute la première fois que Sid’Ahmed Ould Ahmed Aicha s’est improvisé en soutien pour la mobilisation en faveur de BDA. Pour le premier, le combat vaut d’être mené. Sans doute parce qu’à travers son rôle de communicateur, devenu « contrôleur » au programme « Emel » la misère est la plus partagée entre les mauritaniens et notamment dans les couches historiquement défavorisées. Or, il croit dur comme fer que Biram issu de ce même milieu mesure encore plus l’ampleur d’un tel besoin. «C’est cette justice sociale » qui peut être salutaire martèle-t-il pour convaincre ses amis qu’il a traîné avec lui à l’ancienne Maison des Jeunes. Epinglé sur le discours « violent » de son candidat, Sid’Ahmed Ould Ahmed Aicha nie tout en bloc et estime que son candidat préféré tend la main à toutes les communautés. «Voyez dans son discours, il ne parle que de besoin de justice » rétorque-t-il pour exorciser « l’accusation». Et pour l’esquiver totalement, il sort un chapelet de qualité de son candidat. «Il n’a jamais rien détruit, ni volé des deniers publics. N’a jamais usurpé un droit à quelqu’un». Bda souligne son supporter est le seul candidat porteur d’un projet de programme politique et de projet de société égalitaire. C’est sur ces qualités en tout cas que Ould Ahmed Aicha pense le soutenir. Car, Bda est resté stoïque et persévérant dans un combat humanitaire. L’exclusion, les pressions et les emprisonnements répétés n’ont conforté que l’idée que c’est un homme digne de la confiance de ses compatriotes, lance enfin non sans un petit sourire d’autosatisfaction notre interlocuteur déjà aux anges avec la fin du discours de son candidat adulé. «Si notre pays à une chance de retrouver sa cohésion, ce sera avec cet homme » dit-il pointant le doigt à la tribune officielle où Bda levait les bras en grand V.
JD