Journées de concertation sur la réforme de la presse: Recommandations initiales pour la presse électronique | Mauriweb

Journées de concertation sur la réforme de la presse: Recommandations initiales pour la presse électronique

lun, 18/07/2016 - 15:24

Du 11 au 14 juillet se sont tenus à Nouakchott les premières  «Journées de Concertation sur la Réforme de la presse » mauritanienne.

A l’issue de quatre jours dé débats focalisés sur la professionnalisation de la presse (audiovisuelle, écrite et électronique) des recommandations ont été faites par les participants à ces journées. 

Notons que ces assises financées par l’Etat à concurrence de 30 millions d’ouguiyas ont été boycottées par l’association des correspondants de presse étrangère qui avait demandé de les ajourner à une date ultérieure.

En attendant, la version finale de ces recommandations lues à la clôture des travaux, nous vous proposons, l’état des lieux et les recommandations initiales faites pour le compte de la presse écrite.

 

LA PRESSE ELECTRONIQUE EN MAURITANIE

Dans toutes les sociétés, la presse électronique constitue un moyen d’information nouveau très présent et très influent. En Mauritanie en particulier, elle  a réussi à limiter le fossé qui existait entre la presse nationale et la presse internationale du fait de l’ampleur de propagation et de la célérité des nouveaux outils de diffusion.

La presse électronique a donné l’occasion aux Mauritaniens, en général, et aux jeunes en particulier l’opportunité de communiquer à travers les réseaux sociaux, de trouver des informations et des données, de diffuser la culture ; elle est aussi utilisée à des fins professionnelles, à des opérations commerciales et de marketing.

La presse électronique a connu durant cette dernière décennie une certaine prolifération en Mauritanie au point que les sites électroniques ont atteint près du nombre de 300 loin devant les titres de la presse traditionnelle, aidée en cela par la reconversion des journalistes de cette presse qui ont apporté à la presse électronique leur expérience, leurs moyens financiers et logistiques renforçant ainsi ses capacités à accompagner le dynamisme politique et social de la société mauritanienne qui connaît des mutations profondes dues à une sédentarisation rapide, à l’élargissement notable de la classe moyenne et à l’augmentation du taux des lecteurs jeunes qui représentent les deux tiers de la population.

D’autre part, la presse électronique en tant que quatrième pouvoir a contribué au renforcement de la démocratie, à la protection des libertés individuelles et collectives et à montrer du doigt les déviations de la gestion des affaires publiques. Cependant, cette expérience n’est pas sans défauts : des erreurs ont été commises et parfois même des dépassements sont survenus. D’où la méfiance aux plans professionnel et moral de beaucoup de gens surtout en l’absence de règles strictes régissant cette profession.

A l’instar de la presse électronique sous-régionale, celle de la Mauritanie fait face à plusieurs défis. Elle est caractérisée par un certain désordre du fait de sa jeunesse : pas de lois ni de règles encore, pas d’objectifs clairs, pas d’éthique, pas de véritable maîtrise de la technique et encore moins management quant aux sources de financement et à la gestion. Comme les autres moyens d’information, elle souffre de problèmes chroniques : difficulté d’accès à l’information et aux données, rareté des sources de financement et des compétences, absence de textes spécifiques régissant la presse électronique.

Le journaliste de la presse électronique a  lui aussi des problèmes : pas de carte professionnelle, trop de travail, pas de ligne éditoriale claire, difficulté de la protection de la propriété intellectuelle privée, en plus des problèmes liés au peu d’importance accordée à la presse électronique par l’administration publique et à l’incompréhension sociale. Et malgré tout, les journalistes continuent leur petit bonhomme de chemin dans l’espoir que des décisions efficaces soient prises pour résoudre ces défis.

Nous aborderons dans ce qui suit, en cinq points, les principaux défis auxquels fait face cette presse électronique ainsi que les recommandations susceptibles de l’améliorer, de notre point de vue.

Contenu

Financement

Formation

Textes régissant la presse électronique

Ethique de la profession.

 

 

Le contenu

La presse électronique ne respecte pas la propriété intellectuelle privée et privilégie l’information rapide et saborde très souvent l’analyse.

Recommandations :

Protection de la propriété intellectuelle privée par la mise en place d’un cadre organisationnel de la publication électronique.

Mise en place d’une stratégie nationale garantissant la qualité du contenu et de sa rédaction.

Mise en place  de mécanismes garantissant le respect par les sites électroniques des genres journalistiques et de la diversité des sujets.

Le recours par les rédactions à des linguistes pour veiller à la bonne rédaction et à la correction des textes.

 

Le financement et l’entreprenariat des médias

Le terrain économique n’est pas encore propice à la presse électronique en Mauritanie. En effet, les hommes d’affaires et les investisseurs sont encore sceptiques quant à sa rentabilité. Et l’aide publique est inexistante. Malgré l’étroitesse et le désordre du marché de l’information, la presse électronique continue à se fonder sur les efforts colossaux fournis par des amateurs et des journalistes professionnels que seul l’amour du métier pousse à se lancer dans cette aventure qui est loin de générer des profits financiers. L’absence de sources de financements a beaucoup influé sur la qualité,la pérennité de ces initiatives et parfois même sur le respect de l’éthique de la profession. Ce qui a eu pour conséquences de porter atteinte à la réputation de la profession, de montrer l’inconsistance des programmes d’appui timides et le retard du développement de la presse électronique

L’esprit d’entreprenariat dans ces médias se révèleindispensable si on veut créer des entreprises de presse solides capables de protéger les droits du journaliste professionnel et de moderniser les produits journalistiques. Une entreprise de presse ne se réduit pas à une autorisation et à un site sinon il n’y aurait aucune différence avec les autres canaux de publication notamment les réseaux sociaux.

Il faut que l’entreprenariat des médias électroniques tende vers la mise en place de réelles entreprises. Il faut que des critères soient fixés pour l’attribution de l’aide publique afin que celle-ci s’oriente vers de véritables entreprises et ne soit pas dévoyée comme c’est le cas actuellement.

 

Recommandations

1ère recommandation :

La déclaration de création d’une entreprise de média électronique devrait comprendre les indications suivantes :

Le nom du site électronique et de son ou ses initiateurs, l’état-civil du responsable de la publication et des rédacteurs, leur nationalité éventuellement , leur domicile et leur niveau scolaire avec des justificatifs officiels, les numéros de leurs cartes nationales d’identité ou de leurs cartes de séjour ainsi que leurs bulletins de casier judiciaire s’ils sont étrangers , nom et adresse du serveur , nom et adresse de l’entreprise de presse à laquelle appartient le site électronique, qui le loue ou le gère, indication de la langue ou des langues utilisées, le montant du capital de l’entreprise de presse (six millions au moins de nos ouguiyas), un siège et trois employés comprenant au moins un journaliste professionnel et un technicien. La partie officielle (un organe public) censée délivrer l’autorisation de travail à l’entreprise devrait s’assurer auparavant de visu de l’existence de tous ces éléments.

2ème recommandation :

Pour pouvoir bénéficier de l’aide publique, un site électronique devrait justifier d’un siège, de deux journalistes et d’un technicien titulaires de contrats de travail, d’un compte bancaire courant au nom de l’entreprise ouvert pour trois ans, de trois années d’existence, d’un registre de commerce, d’une assurance de la caisse socialeet d’un nom de domaine.

3ème recommandation :

La reconsidération des programmes d’appui actuels à travers l’accès aux fonds et programmes d’appui à l’instar de la pratique dans d’autres pays comparables au nôtre.

4ème recommandation :

L’adoption de politiques d’exemption des charges fiscales à l’instar des modèles européens qui exemptent la presse du service public de la taxe à la valeur ajoutée.

5ème recommandation :

La création d’un fonds spécifique pour l’appui aux sites électroniques afin de les faire évoluer aux plans rédactionnel et technique en fixant un timing pour cette opération.

6ème recommandation :

Assurer l’égalité des chances surtout en matière d’accès à la publicité dans les médias publics suivant des critères clairs et des mécanismes transparents comme la mise en place d’une régie publicitaire.

7ème recommandation :

Le financement de programmes de formation pour l’entreprenariat au profit des gestionnaires des institutions de presse travaillant dans le domaine de la presse électronique.

 

La formation et la mise à jour technologique

Malgré la présence visible de la presse électronique dans notre pays, la formation dans le domaine de la presse électronique est restée presque inexistante dans les programmes de formation. Ce qui explique la faible des capacité et probablement les défaillances des journalistes exerçant dans ce secteur.

La presse électronique se distingue par sa relation et son lien étroit avec les techniques de l’information et de la communication ainsi que les technologies de diffusion satellitaires et techniques de l’internet.

A ce titre, elle est condamnée sur le plan technique et de formation à accompagner les évolutions accélérées dans ces domaines.

Par ailleurs, il faut noter que les institutions de presse existant ne disposent que de capacités plus que modestes, incomparables avec l’état actuel des évolutions technologiques. Cela exige l’adoption d’une nouvelle approche capable de renouer les relations entre toutes les institutions concernées par les technologies de l’information tant au niveau des universités, des centres de recherche que des départements ministériels et des sociétés de diffusion et de communication afin d’assurer la coordination des efforts pour la réalisation d’un accompagnement des transformations en cours et faciliter l’accès de la presse électronique aux meilleures techniques les plus modernes et la mise en place de mécanismes de formation continue au profit des journalistes de la presse électronique surtout dans les spécialités concernant leurs domaines de compétences.

 

Recommandations 

1ère recommandation :

La création d’un conseil d’appui technique à la presse électronique où la presse électronique et les départements concernés par la technologie de l’information et de la communication sont représentés. Le Conseil est chargé de faciliter l’accès de la presse aux solutions de nouvelles techniques et à la formation continue des journalistes dans ces domaines.

 

2ème recommandation :

Réserver un pourcentage des charges fiscales sur les sociétés de télécommunications au profit de l’appui au renforcement des capacités techniques de la presse électronique.

 

3ème recommandation :

Reconsidération de la conception des programmes de formation continue dans les institutions de formation en journalisme dans le but d’intégrer des métiers, des matières et des programmes de formationbien conçus sur la presse électronique.

 

Textes organisationnels

L’absence de textes organisationnelsdu secteur constitue un handicap majeur pour son évolution de façon cohérente. Cette absence des textes conduit au désordre, au blocage institutionnel et à l’extraversion du secteur au profit des intrus à la profession. Il conviendrait doncde tenter d’adapter la règlementation au contexte mauritanien en évitantd’exiger des conditions non réalistes dupliquées des autres contextes extérieurs et de les faire appliquer dans un secteur naissant et dans un pays où les Ntic sont aussi récentes. En effet, plus les textes sont réalistes plus facile sera leur application et leur acceptation par tous.

Recommandations

1ère recommandation :

La rédaction des textes organisant le secteur en coordination et en concertation avec les acteurs du secteur, en tenant compte des exigences du milieu et de ses spécificités.

2ème recommandation :

3-La modification et l’abrogation des lois incompatibles avec la loi sur l’édition tant au niveau du code pénal qu’au niveau de la loi sur la société de l’information.

4-L’assurance que la loi de l’édition couvre la presse électronique.

 

 

Charte de l’éthique

Tout le monde est unanime aujourd’hui sur la détérioration de l’éthique de la profession et plusieurs cas de figure se sont produits tout récemment qui confirment cette hypothèse. Cette détérioration constitue un indicateur d’un état de mauvaise santé du secteur. Ce qui demande la misesur pied de mécanismes et de normes pour mettre fin à cette situation qui risquerait d’empirer si des mesures efficaces d’identification des normes endogènes et exogènesne sont pas prises.

Recommandations

1ère recommandation :

Les travailleurs exerçant dans le secteur devraient être soumis à des mécanismes d’autocritique adoptés par les associations et syndicats de la presse par le biais de textes juridiques qui engagent tout le monde et dont l’application sera du ressortde l’Etat à travers ce qui suit :

-L’application de mesures de transparence à tous les niveaux de l’exercice de la fonction de journaliste.

-Le respect de la propriété intellectuelle dans les questions de l’édition.

-Le respect des fondements et des questions nationales sacrées (unité nationale, intégrité territoriale et lslam).

-Le refus de publication de toute information qui porte atteinte à n’importe quel élément de nos composantes nationales, aux valeurs morales, etc.

-L’interdiction de tromper le lecteur par des informations délibérément erronées.

-Faire la distinction entre la mission rédactionnelle et la promotion commerciale.

 

2ème recommandation :

Faire en sorte que la candidature à la représentation du journalisme dans les conseils et commissions nationales (droits de l’homme, conseil économique et social, HAPA, etc.) soit conditionnée par la validation de l’instance en charge de l’éthique et du Conseil supérieur de la presse.

 

Recommandations générales

Afin d’asseoir une presse électronique engagée et professionnelle, il faut nécessairement identifier des objectifs clairs et fournir les moyens nécessaires pour assainir le champ de l’information et son criblage et cela ne peut se faire sans au préalable assurer :

Le droit à l’accès à l’information à caractère public suivant les normes internationales en règlementant le droit de poursuite contre ceux qui entravent cet accès.

2. L’adoption d’un mécanisme qui permet la continuité des concertations avec les acteurs de ce secteur autour de toutes les questions pouvant développer la profession du journalisme.

3-La création des mécanismes de protection des journalistes et la suppression de la détention sur les questions de l’édition.

4-La recherche des moyens d’autorégulation propres à la presse (le tribunal des pairs).

5-Elargir la HAPA afin de couvrir tous les types de l’information et de la presse et l’augmentation de ses membres en privilégiant la représentativité des journalistes (une émanation de la profession).