MFWA - La presse privée mauritanienne est en proie à de nombreuses difficultés depuis plusieurs années du fait de l’étroitesse du marché publicitaire (réduit à sa plus simple expression), de la rareté des annonceurs et l’ostracisme des pouvoirs publics durant la décennie du règne de l’ancien président, Mohamed Ould Abdel Aziz.
La presse privée est d’ailleurs durement impactée par le Covid-19. La pandémie qui sévit depuis près d’une année a davantage plombé la presse privée déjà confrontée à une précarité générale, suite à la perte progressive de nombreux avantages.
Malgré ce contretemps que connait la presse indépendante elle vient d’être exclue de la répartition de l’aide de l’Etat destiné à alléger les ravages de la Covid-19 sur le secteur des médias.
Cependant, les différentes récriminations des professionnels de la presse privée pour alerter l’opinion publique sur leur situation économique particulièrement critique, n’a pas bénéficié d’une oreille attentive du gouvernement.
Les professionnels de la communication qui avaient nourri l’espoir d’un appui exceptionnel dans le cadre avec la covid-19, viennent encore de déchanter. Ils sont dans tous leurs états. Et pour cause, les autorités mauritaniennes ont décidé d’exclure la presse privée mauritanienne du fonds d’aide spécial alloué aux médias pour faire face à la pandémie du coronavirus”.
Aucune explication n’a été fournie par le gouvernement qui n’a pas daigné communiquer officiellement sur le montant global, (plusieurs dizaines de millions de nouvelles ouguiyas (MRU) accordé aux médias du service public. Aucune consultation préalable n’avait été menée avec les organisations de la presse privée.
Dans un communiqué, le Syndicat des Journalistes Mauritaniens (SJM) a exprimé sa désapprobation et s’est étonné de “l’exclusion de la presse privée du soutien alloué aux médias dans le fonds spécial pour faire face à la pandémie”, tout en appréciant le soutien apporté aux institutions médiatiques publiques.
Le syndicat ne manque pas de rappeler le rôle de pionnier joué par les médias des secteurs public et privé pendant la période exceptionnelle où la Mauritanie a fait face à la pandémie du Covid-19, et appelle à la poursuite de la mobilisation et de la sensibilisation contre la pandémie’’.
Le syndicat a appelé les parties en charge de la gestion du fonds à “revoir cette exclusion et comprendre le rôle central que jouent les institutions médiatiques privées, comme c’est le cas dans tous les aspects vitaux des pays démocratiques, et ceux qui évoluent vers la croissance”.
Les professionnels de la presse privée estiment que le Fonds public destiné à la lutte contre la Covid-19 ne doit pas être réservé uniquement aux organes de la presse publique, qui monopolisent déjà tous les avantages, notamment le marché publicitaire, alors qu’ils sont financés par l’argent du contribuable.
En effet, la circulaire gouvernementale de 2016 continue d’engendrer des conséquences néfastes pour la presse privée mauritanienne. Dans ladite circulaire, toujours en vigueur, le gouvernement interdit aux administrations publiques de diffuser de publicité dans les journaux privés. Ce qui voudrait dire ne plus financer en partie la presse.
Le gouvernement mauritanien avait pris cette décision ‘’pour mieux contrôler la répartition de ces revenus publicitaires entre les journaux et garantir la pluralité de la presse’’.
En outre, il rappelle pour sa défense qu’il a mis en place ces dernières années un « Fonds d’appui à la presse » de 200 millions d’ouguiyas (500 000 euros), dont près du tiers va à l’imprimerie nationale au titre d’ « assistance à l’impression des journaux de la presse nationale ». Cette circulaire avait été suivie de l’adoption par le parlement mauritanien d’une loi sur la publicité et la mise sur pied d’une Autorité nationale de Régulation de la publicité.
Secteur sinistré économiquement
Les journaux privés dénoncent une mesure qui étouffe encore un peu plus un secteur sinistré économiquement. Une dizaine de journaux en arabe et en français paraissent encore avec des tirages très minimes.
Pour Ahmed Ould Cheikh, directeur de l’hebdomadaire ‘’Le Calame’’ : ‘’Le manque à gagner pour la presse écrite privée est énorme. D’un coup de plume, le premier ministre a annulé toutes les annonces et abonnements des institutions étatiques. Ce qui a impacté de manière négative sur les titres’’.
En janvier 2021, le ministre de la Culture et des Relations avec le parlement (qui fait office de ministère de la Communication depuis la suppression de ce département ministériel) Lemrabott Ould Bennahi avait promis, lors d’une audience qu’il avait accordée aux dirigeants du Regroupement de la Presse Mauritanienne(RPM) et ceux de l’Association des Sites Electroniques une annulation par le gouvernement de cette circulaire.
Jusqu’à présent, c’est le statu quo. Les directeurs des établissements publics et les différents départements ministériels s’en tiennent à cette circulaire.
Lors de la même audience, Lemrabott Ould Bennahi s’était engagé à donner à la presse privée sa part du Fonds spécial de soutien à la presse pour faire face à la pandémie du Covid-19.Un engagement resté lettre morte .Les éditeurs attendent toujours le décaissement.
La seule embellie notée est l’effectivité de l’annonce faite en mai 2020 par le ministère de la Culture de la prise en charge de 85% des coûts d’impression des journaux privés auprès de l’Imprimerie Nationale pour tous les journaux qui’’ répondent aux critères professionnelles et techniques et qui observent la déontologie de la profession de presse’’.
Pour le ministère de tutelle, il s’agit de traduire concrètement l’engagement du Président de la République, M. Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, ‘’d’œuvrer à la professionnalisation et au développement du paysage médiatique et à l’appui à l’exercice libre de la profession de presse’’.
Ces grandes orientations nationales énoncées (…) ont été exprimées à maintes occasions, notamment, le 3 mars 2020, au cours de la journée internationale de la presse au cours de laquelle le Président de la République avait adressé ses félicitations au monde de la presse et s’était engagé à œuvrer à la professionnalisation et au développement du paysage médiatique et à appuyer l’exercice libre de la profession de presse.
Cette décision permet le tirage de journaux à des prix symboliques (400 MRU soit 10 $ Us). Cette décision fait suite aux concertations avec les institutions de presse concernées. Et en réponse aux sollicitations des institutions de presse relatives à l’allègement des coûts de la presse écrite.
Pour rappel, une grève en Janvier 2018 des employés de l’Imprimerie nationale confrontée à des arriérés de salaires, ajoutée à une crise de papier avait occasionné de sérieuses perturbations dans la parution des journaux.
Les deux quotidiens publics, Chaab et Horizons avaient cessé de paraître privilégiant de nombreux mois les versions électroniques. Après quelques mois d’arrêts, les deux quotidiens ont réapparu dans les kiosques.
En outre, pour alerter sur leurs difficultés en Mauritanie huit quotidiens et sept hebdomadaires privés avaient décidé en septembre 2016 de se mettre en grève. Et pour cause, « la presse écrite se meurt à petit feu », affirme l’Initiative des Éditeurs de la presse écrite, formée des syndicats des journaux en grève. L’’Initiative cite également parmi les difficultés de la presse écrite la diminution des abonnements, la mévente et les charges des journaux.
Fronde des exclus
Un autre front s’est ouvert contre les autorités et avec la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA), en ligne de mire. Dénonçant leur exclusion de la liste des bénéficiaires du Fonds d’aide publique à la presse privée mauritanienne et de la mauvaise répartition de l’enveloppe financière (600.000 $ US), des responsables de titres ont vivement protesté, lors de rassemblements et sit-in devant la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel contre les délibérations de la Commission chargée de la répartition du Fonds d’Aide publique à la presse privée mauritanienne.
Pour l’année 2020, 312 organes de la presse privée mauritanienne ont bénéficié des 213 millions MRO (plus de 500.000 Euros) du Fonds d’Aide publique à la presse privée’’. Une goutte d’eau dans un océan de problèmes’’, en raison de la modicité de l’enveloppe.
385 Organes avaient postulé à cette aide (245 sites électroniques, 105 journaux papiers, 8 établissements audiovisuels (chaines de télévisions et Radios) et 27 associations de presse. 73 dossiers ont été rejetés pour non-conformité aux critères d’éligibilité. Ce qui a suscité le courroux des exclus.
La MFWA se joint aux organes de presse exclus du Fonds d’Aide à la presse public pour demander que tous les médias détenteurs du récépissé requis soient prises en compte dans la répartition, et ce, en raison de la situation d’urgence créée la covid-19 qui n’épargne aucun secteur.
La MFWA salue l’engagement du ministère de la Culture de prendre en charge 85% des coûts d’impression des journaux privés auprès de l’Imprimerie Nationale pour les journaux, un geste qui a permis aux journaux papier de reprendre la parution.
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