La toute première réunion ministérielle de la Coalition pour le Sahel, réunissant les pays du G5 Sahel, l'Union européenne et des institutions internationales, a eu lieu par vidéoconférence ce vendredi 12 juin. Il n'y a pas eu d'annonce significative à l'issue de la réunion, mais un tour d'horizon des initiatives déjà lancées depuis le sommet de Pau en janvier dernier.
Le gouvernement français co-organisait, hier vendredi, la première réunion ministérielle de la Coalition pour le Sahel, avec une quarantaine de participants réunis en visioconférence autour du ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian. Une initiative annoncée à Pau en janvier et lancée officiellement fin avril à Bruxelles.
L’objectif est de rassembler, pour les rendre plus efficaces, toutes les initiatives internationales autour de quatre « piliers » : la lutte anti-terroriste, le renforcement des armées nationales, le soutien au redéploiement de l’État et l’aide au développement.
Les alertes de Ismaël Ould Cheikh Ahmed
Cette réunion a été l'occasion de faire un point sur l’état des promesses de financements du programme d’investissement pour lutter contre la pauvreté dans le Sahel. Or l'aide promise (près de deux millions d'euros) tarde à arriver. Une situation que déplore, au nom des pays du G5 Sahel, le ministre mauritanien des Affaires étrangéres, Ismaël Ould Cheikh Ahmed, président du conseil des ministres du G5-Sahel, au micro de notre correspondant à Nouakchott, Salem Mejbour.
« Au Sahel, la situation sécuritaire se dégrade à vue d’œil et avec une rare constance. La violence s’étend chaque jour sur des territoires nouveaux. Mais ne nous y trompons pas. La menace sécuritaire qui s’abat sur le Sahel n’est pas seulement une problématique locale, elle est de dimension et de portée globale. Elle mérite en conséquence une riposte mondiale. C’est pourquoi, votre présence aujourd’hui et votre engagement à nos côtés sont essentiels. Je vous signale cependant, que la mobilisation des fonds pour le financement du programme d’investissements prioritaires, si essentielle pour nos populations et pour la lutte contre le terrorisme, n’est pas encore au niveau des attentes.
Deuxième message : nous subissons tous, aujourd’hui, sans discrimination aucune, les assauts meurtriers du Covid-19. Pour nous, au Sahel, le Covid-19 s’ajoute à un tableau clinique déjà assombri. Nous faisons désormais face, aujourd’hui, à tous les chocs en même temps. Choc climatique avec le déficit pluviométrique, choc sécuritaire avec le terrorisme, choc économique avec la fonte des prix de nos produits d’exportation et la crise économique générée par le Covid-19.
Aujourd’hui, pour faire face à cette pandémie et ses conséquences incalculables, l’Afrique et le Sahel en particulier, ont besoin de liquidités nouvelles pour faire redémarrer une économie largement affectée ! Le Sahel a plus que jamais besoin d’une annulation pure et simple de sa dette ».
Dans un communiqué commun publié en amont de cette réunion, les agences humanitaires des Nations unies et plusieurs grandes organisations non gouvernementales avaient fait part de leur inquiétude quant à la situation sécuritaire et humanitaire dégradée dans les pays du Sahel. Elles appellent à une « action concertée et renforcée » pour venir en aide aux plus vulnérables, soulignant la nécessité du respect des droits humains et d’accès aux populations civiles pour les organisations humanitaires. Une coalition de la société civile avait appelé, de son côté, à mettre au centre des préoccupations la protection des civils et l'accès à la justice, en s’appuyant sur les sociétés civiles locales.
Pourquoi ça ne marche pas ?
Pourquoi ces initiatives internationales autour du Sahel ne fonctionnent-elles pas ? « Au fond ce qui manque, c’est une véritable réflexion, justement, sur cela. Pourquoi ça ne fonctionne pas, interroge Jean-Hervé Jezequel, directeur du projet Sahel à International crisis group à Dakar, joint par François Mazet. Je pense qu’une première chose, c’est de se rendre compte que la substance même de cette stratégie c’est de promouvoir le retour d’un Etat qui est à la base même de la crise. C’est-à-dire que la stratégie internationale, c’est de ramener dans les régions d’insurrection un Etat qui est bien souvent rejeté.
Or, à mon sens, le changement ne viendra pas de l’extérieur. Personne à l’extérieur ne peut changer la gouvernance du Sahel. Ce sont les forces sahéliennes. Ce sont les acteurs sahéliens qui peuvent promouvoir le changement de leur propre gouvernance, leur propre développement économique. Ce qu’il faut placer au centre, pour les acteurs internationaux, c’est le soutien aux forces du changement.
Sept ans après la crise, je pense qu’il y a un besoin d’interroger. Il ne faut peut-être pas s’interroger nécessairement sur les personnes, mais sur les manières de faire. C’est clair. Et une manière de changer effectivement les manières de faire, bien souvent ça passe aussi par un changement de générations ».
Le prochain sommet de la coalition est annoncé en présence des chefs d'Etat concernés à Nouakchott en juillet.
Rfi via cridem