Le Groupe de Travail sur la détention arbitraire des Nations Unies a considéré que la détention dans les geôles mauritaniennes de M. Abderrahmane Weddady et de M. Cheikh Mohamed Jiddou du 22 mars au 3 juin 2019 violait le droit international des droits de l’Homme, ont déclaré aujourd’hui leurs avocats Me Brahim Ould Ebety du Barreau de Nouakchott et Me Henri Thulliez du Barreau de Paris.
Communiqué : Même si les deux blogueurs ne sont aujourd’hui plus en détention, le Groupe de travail, dans son avis rendu public le 17 octobre 2019, a décidé que « compte tenu des circonstances, dans la mesure où cette mise en liberté ne met pas fin à la procédure », il restait « opportun d’apprécier leur situation ».
Le Groupe estime que c’est en raison de l’exercice de leur liberté d’expression et de leurs opinions politiques que les deux blogueurs ont été arrêtés et détenus et que « dans ces conditions, tout procès contre MM. Weddady et Jiddou est injustifié ».
Par ailleurs, selon eux, les deux blogueurs « ont été arrêtés sans mandat d’arrêt et sans avoir été informés des motifs de leur arrestation » et qu’ils ont été maintenus en garde-à-vue cinq jours sans être présentés à un juge, en violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Dans son dispositif, le Groupe de travail demande à ce que les deux blogueurs soient rétablis dans leurs droits, notamment sous la forme d’une indemnisation et qu’il soit mis fin à la sanction pénale.
Les experts des Nations Unies demandent aux autorités mauritaniennes de diligenter « une enquête approfondie et indépendante » sur les circonstances de la privation arbitraire des deux blogueurs et « de prendre les mesures qui s’imposent contre les responsables de la violation de leurs droits ».
« Cette décision du Groupe de travail doit mettre fin aux procédures diligentées abusivement contre nos clients par les autorités mauritaniennes », ont déclaré Me Brahim Ebety et Me Henri Thulliez.
« La Mauritanie de l’ancien président Aziz était abonnée aux avis négatifs des agences des Nations Unies de protection des droits de l’Homme, en particulier sur les questions de détention arbitraire. Il est temps pour la nouvelle administration de rompre avec ces pratiques et de poursuivre celles et ceux qui sont responsables de ces privations illégales de liberté », ont-ils ajouté.
Affaire Abderrahmane Weddady et Cheikh Mohamed Jeddou, deux blogueurs mauritaniens.
Le 22 mars, MM. Weddady et Jeddou avaient été arrêtés par la brigade des crimes financiers de la police judiciaire et placés en détention, sans qu’aucun motif ne soit mis en avant. Ils avaient plus tard été inculpés de calomnie et placés sous mandat de dépôt par un juge d’instruction. Ils n’ont été libérés que le 3 juin 2019 et placés en « liberté provisoire ».
Weddady, ancien journaliste, et M. Jeddou, ancien conseiller juridique, reprenaient depuis plusieurs mois des informations tirées d’organes de presse étrangers relatives au potentiel gel d’un compte bancaire par les autorités de Dubaï qui appartiendrait au chef de l’Etat mauritanien. Surtout, les deux blogueurs enquêtaient depuis plusieurs années sur une escroquerie immobilière basée sur le système de Ponzi, touchant plusieurs milliers de familles et qui aurait bénéficié à des proches du président sans que l’auteur principal présumé ne soit jamais inquiété par la justice.
Le Groupe de travail sur la détention arbitraire est un organisme mandaté par l’ONU regroupant des experts indépendants des droits humains qui enquêtent sur des cas d’arrestation et de détention arbitraire qui peuvent être en violation du droit international des droits de l’homme. Entre 2017 et 2018, le Groupe de travail avait déjà dénoncé à trois reprises les arrestations arbitraires en Mauritanie d’un blogueur, de militants anti-esclavagistes et d’un sénateur de l’opposition.