Khaled Bouyahmed Abass, né en 1962, vient d’annoncer sa candidature à la présidentielle 2019. Dans un entretien qu’il nous a accordé, il revient sur les raisons de sa candidature mais aussi sur les grandes lignes de son ambition politique. Débat.
Vous venez de jeter un pavé dans la mare en annonçant votre candidature â la présidentielle de 2019. Qu'est-ce qui peut justifier cette ambition?
Khaled Bouyahmed Abass : A vrai dire vu qu’il n’y avait pas de candidat déclaré avant mon initiative, je n'ai pas pensé devoir justifier ma candidature. Maintenant que vous me posez la question, je dois dire que le souci que je me fais pour mon pays depuis plus de trente ans, mon militantisme qui a nourri ma réflexion, mes différentes interventions publiques dans divers domaines, du religieux au politique en passant par la culture et le sport sans compter mon expérience très diversifiée de la vie de mes concitoyens, auxquels je me sens plus proche que n'importe quel général d'armée, justifient largement mes prétentions.
Par ailleurs tout le monde ne sort pas de l'ENA de Paris. Gerhart shroder, qui fut chancelier d'Allemagne, ou Lech Walesa étaient syndicalistes et n'avaient pas leur bac. René Monory ou Pierre Bérégovoy n'étaient détenteurs que du certificat d'études Primaires.
Quoiqu'on dise votre candidature est un peu hors du commun...N'est-ce pas un projet un peu “fou” ?
KBA : Fou me rend fier et même optimiste. On l'avait dit de notre cher Prophète
De quels atouts pensez-vous disposer pour concurrencer d'éventuels grands ténors politiques?
KBA : De mes convictions et de ma sincérité.
Ne craignez vous pas étant donné que vous êtes de l'Est que votre candidature, même si elle est antérieure à la déclaration de Aziz de ne pas violer la Constitution, ne soit perçue aujourd'hui perçue comme une candidature fomentée contre le candidat du “système” et soupçonné lui d'être du même sérail ?
KBA : Je commence par la fin de votre question. Personnellement, je ne suis jamais dans les complots. Ma famille étant tout aussi bien de l’Est que de l'Ouest, du centre, du Nord comme du sud, et c'est vérifiable. Je suis bizarrement l’un des rares mauritaniens à l'être de partout à la fois. Et selon moi le candidat pressenti auquel vous faites allusion ne l'est pas parce que de l'est mais parce que militaire. Les civils du système s'étant justement tant investis dans cette régionalisation de la Mauritanie ne parviennent plus à s’entendre sur une base idéologique ou tout simplement sur un programme. Ils sont obligés de recourir à la seule institution qui soit restée nationale. Et espérons qu'elle le reste pour longtemps encore.
Sur l'échiquier politique aujourd'hui bipolarisé, où pourrait-on vous situer?
KBA : Je serai tenté de répondre comme Michel Jobert en son temps :" ailleurs".
Quels sont, selon vous, les défis et les enjeux actuels pour le pays et que proposez-vous d'original aux électeurs pour les convaincre de vous soutenir ?
KBA : Pour la première partie de la question à propos des défis et enjeux je dirais ceci: je pense que notre pays est confronté aux mêmes défis que la plupart des pays en développement. C'est-à-dire recapitaliser les ressources humaines. Créer un sentiment d’appartenance nationale qui gommerait toutes les autres appartenances afin de dynamiser la cohésion nationale pour que chacun prenne conscience de l’importance de son rôle dans la consolidation de la construction du pays. Et ainsi donner plus de sa personne et accepter tous les sacrifices que cela implique. Cette nouvelle mentalité, si elle était créée à travers divers mécanismes de valorisations, serait une base solide pour combattre la corruption et la paresse qui gangrènent nos pays. Dans mon entendement, la première ressource d’un pays est sa ressource humaine. Dans les sociétés totalitaires ou militaires, une élite auto désignée, décide de tout et l'impose de manière verticale sans jamais se soucier de l'adhésion des récipiendaires étant sûre du bien-fondé de ses décisions. Sauf que dans ce cas de figure, des ressource énormes et nécessaires ailleurs, sont investies pour le contrôle des populations concernées auxquelles on ne demande ni l'avis, ni l'adhésion mais desquelles on exige l'obéissance. Je ne crois pas à la viabilité de tels systèmes.
Par contre, dans des sociétés démocratiques et libres comme par exemple, l'Allemagne, la grande Bretagne, la Suède ou la Suisse, l'adhésion des populations aux desseins de leurs gouvernements est considérée comme primordiale. C’est ainsi que l'accent est mis sur une éducation des plus solides possibles à la base et la plus grande transparence au sommet en passant par les plus excellentes formations et la plus grande équité possible entre tous.
Ce que je propose à mes compatriotes, c'est de nouveaux horizons pour notre jeunesse qui représente la moitié de notre population et émigrée en masse partout pour une vie de misère. Plus de libertés pour un meilleur épanouissement de chacun. Des libertés qui feraient par exemple qu'un opposant ne soit plus considéré comme un ennemi, qu'il puisse exprimer ses talents et s'épanouir comme tout le monde dans le plus grand confort intellectuel possible car je considère ce confort comme essentiel à la plus grande participation de chacun dans l'effort collectif.
Il va sans dire, que vu l’environnement régional et la situation internationale , la tâche risque d'être rude et pas de tout repos. Ce qui fait dire qu’il faudrait penser aussi à des actions concertées avec nos différents voisins et même nos partenaires internationaux.
Propos recueillis par JD