L’avocat Guinéen (De Conakry), Me Pépé Antoine LAMA, a obtenu le premier prix du 6eme concours international de plaidoiries pour les droits de l’Homme organisé au palais de justice de Nouakchott, mercredi 06 décembre.
Le Jury de ce concours, présidé par l’avocat Mauritanien, MeMohameden Ould Ichidou a été « sensible » à la cause des habitants de Zowota, une localité Guinéenne, sévèrement réprimés par les forces armées. Raison de cette répression : « le mardi 31 juillet 2012, les habitants de Zowota ont manifesté pacifiquement pour réclamer une meilleure répartition des redevances dues par BSGR/VALE, ce géant minier brésilien qui opère dans leur zone… » Le sort de Nazouo, jeune garçon de 17 ans, est le fil conducteur de la plaidoirie de Me Pepe Antoine.
Blessé par une balle qui a traversé son épaule droite, pendant la manifestation, Nazouo « a été brutalement enlevé et séquestré pendant seize jours au camp militaire de Nzérékoré, quatrième région militaire du pays. »
«Nazouo Pascal Kolie, un ignoré de la justice humaine» est le titre de la plaidoirie de Me Pepé Antoine. Le jeune garçon, lui-même, n’attendait rien de cette « justice humaine qui l’ignore. » Voilà ce qu’il a dit à son avocat venu s’enquérir de son état de santé le 22 aout 2013 : «Maître ! J’ai pratiquement perdu l’usage de mon épaule droite, j’ai abandonné les études et je ne peux plus effectuer des travaux durs.
Quand je tousse un peu, je ressens une douleur excessive au niveau de mon épaule. L’État ne s’occupe pas de moi. Je vis grâce aux ONG humanitaires. Je n’attends plus rien de l’État car je ne crois pas que la Justice soit faite pour nous les faibles. J’aurais même appris que l’ordre d’attaquer Zowota serait venu d’en haut. Je ne crois donc pas que ces bourreaux seront inquiétés un jour.
De toute façon, même si un procès devait se tenir, je ne pourrais pas y assister compte tenu de mon état de santé. Tel est peut être mon destin et, si c’est le cas, je m’en remets à mon sort. Je n’ai donc pas le choix que de laisser pour moi à Dieu. Lui au moins n’oublie pas ses créatures et son jugement, le dernier jugement, est inévitable».
L’avocat Guinéen, après lecture de ce témoignage, enchaine : « C’est avec un regard hagard que j’ai écouté Nazouo. Avait-il raison d’être fataliste en se remettant au bon Dieu ? En tout cas, comme une prémonition, Nazouo n’a pas survécu aux séquelles de ses blessures. Il s’est éteint. J’ai appris l’information de son décès le 22 juillet 2017.»
Des Nazouo, qui, faute de justice humaine, s’en remettent au jugement dernier, il en existe hélas des millions sur cette terre…
Le deuxième prix de ce concours a été remporté par Me Amirouche Bakouri de l’Algérie pour sa plaidoirie « le procès de la robe, avocat levez-vous. (Voir Extrait). Le troisième prix est revenu au Mauritanien, Me Mohamed Salem Ely Mouamar pour « le cas de Hawa Sira. » (Voir Extrait)
Ce concours est organisé par l’Ordre National des Avocats mauritaniens et l’institut international des droits de l’Homme et de la Paix, en partenariat avec l’Ambassade de France en Mauritanie, l’Agence française de développement et de l’opérateur justice coopération internationale du conseil national des barreaux.
Sur les 20 dossiers envoyés pour ce 6eme concours, le comité de sélection en a retenu 08. Et parmi ces 08, 04 mauritaniens, un algérien, une française, un canadien, un guinéen.
« Et pourtant, ils naissent libres », « le cas de Hawa Sira », « Esclaves des glaces », sont, entre autres, les titres des plaidoiries que suivront au palais de justice de Nouakchott, des étudiants, lycéens et représentants de la société civile.
Le jury de ce 6eme concours (neuf membres) sera présidé par Me Mohameden Ould Ichidou.
Le premier prix de l’Edition 2017 de ce concours international de plaidoiries organisé a Nouakchott avait été remporté par Me Julien Martin, du Barreau de Strasbourg, «pour sa plaidoirie consacrée à Abd Al Rahim Al Nashiri, un Yéménite enfermé et torturé dans plusieurs prisons clandestines de la CIA à travers le monde. »
Extrait « Le procès de la robe, avocat levez-vous ! »
Me Amirouche BAKOURI, Barreau d’Algérie
Palais de justice de Ghardaïa, un dispositif sécuritaire immense garde avec méfiance les alentours de l’immense bâtisse qui surplombe la vallée du M’zab pour veiller au bon déroulement d’un procès à haut risque !
Oui, un procès à haut risque, car ce n’est pas le procès d’un baron de la drogue, ou d’un dangereux terroriste, non pire que ça Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les membres du jury, c’est le procès de la « défense », c’est le procès de Me Ahmine Norredine, avocat à la cour, agrée près la cour suprême et le conseil d’état, poursuivi pour outrage à corps constitué et présentation de fausses preuves.
Mais qui est donc ce dangereux avocat ?
Me Ahmine est un imminent défenseur des droits de l’Homme, il a fait partie de la défense des chômeurs de Laghouat, injustement arrêtés pour attroupement en 2015 et qui ont fait l’objet d’une résolution d’urgence du parlement européen la même année. Il a aussi participé avec la société civile algérienne à la préparation du rapport périodique universel de l’Algérie pour l’année 2017. Il est aussi membre fondateur de la ligue algérienne des droits de l’Homme créée en 1989, et du réseau des avocats algériens pour la défense des droits de l’Homme.
En somme, Me Ahmine est un avocat qui n’hésite pas un seul instant à défendre les principes fondamentaux de l’État de droit, à défendre avec courage l’indépendance de la justice, il se bat avec détermination pour le respect de la liberté de culte, de la liberté d’expression, du droit au rassemblement pacifique. Tous ces droits finalement garantis par la constitution algérienne, Me Ahmine plaide avec cette « passion de défendre » la liberté d’être citoyen !
Mais aujourd’hui c’est lui que l’on poursuit, c’est lui qui est appelé à la barre après 25 années d’exercice, il doit répondre de ses actes perpétrés en tant qu’avocat des causes justes !
Extrait « Le cas Hawa Cira » de Me Mouammar Mohamed Salem, Barreau de Mauritanie
Monsieur le Président, Messieurs les membres de la Cour,
Le nom de notre cliente est, à lui seul, un condensé des souffrances et des violations dont elle est victime. La mémoire du temps n’a réservé aucune colonne pour sa filiation, hormis ce que nous renseigne le petit collier qu’elle porte au cou et sur lequel est gravé un nom : « Hawa Cira ». Cette petite pièce du passé est tout ce qui lui reste comme souvenir de son enfance enfouie dans les séquences des jours.
Ces souvenirs remontent au jour où elle fût trouvée, désemparée et en larmes au creux d’une vallée près du village de El Oueid par une femme dénommée Hajar. Elle était en errance, à la recherche de son être enseveli sous les décombres du passé.
Incontestablement, son nom et ses traits sont africains, mais son teint et sa locution sont arabes. En somme, une redoutable dualité d’appartenance, en apparence, équilibrée. Il n’existe aucune autre piste pour imaginer une troisième hypothèse. Donc, rien ne permet d’ignorer le non-dit et ses détails troublants pour arriver à la vérité sur le début des premiers pas d’existence de Hawa Cira.
Le QDN