Le conseil d'administration de la SNIM se réunira à Paris le jeudi 8 novembre 2018, avec des rapports et des dossiers présentant la situation la plus difficile que la société ait connue depuis quarante ans.
Les rapports et les dossiers qui relèguent à un autre stade la nomination du nouveau directeur en raison de la situation du géant de l’acier mauritanien. Ce qui prouve que la Snim fait face au plus grand défi de son histoire plaçant ainsi les membres du Conseil face à un choix douloureux moyen afin d’éviter le pire pour l’entreprise.
La Snim, legs de novembre 1974 de la société française Miferma, doit aujourd’hui faire face à des défis de plus en plus nombreux dus aux dysfonctionnements administratifs et à des décisions prises ces dernières années, ce qui oblige son conseil d'administration et le gouvernement à prendre des décisions difficiles pour en éviter la faillite.
Déséquilibres administratifs
Les rapports confirment la réalité administrative de la société, à savoir que les six personnes nommées par l'État au poste de directeur général au cours des 15 dernières années n'ont pas les compétences et les exigences scientifiques requises pour le poste, "faute de compétences scientifiques élevées dans la gestion d'institutions privées et d'expérience internationale, ainsi que par manque d'indépendance. "
Selon les documents, le conseil d'administration - la plus haute autorité de la société- n'est pas en mesure de procéder à une évaluation ou à appréciation de performance ou de gestion du directeur général.
Un rapport fait état de la prévalence du népotisme, du favoritisme et du tribalisme dans la sélection des dirigeants de l'entreprise.
Selon certains documents, 15 directeurs de l'entreprise appartenaient à une même tribu, y compris le responsable de la production.
Un rapport indexe aussi le monopole de représentation au sein du conseil d'administration de la société par certains hommes d’une catégorie spécifique. Aucune femme n'a été nommée au cours des 15 dernières années, pas plus qu'un membre des groupes mauritaniens marginalisés n'a été nommé, malgré une amélioration dans ce domaine au cours de la période considérée.
Bien qu'un document ait attribué une partie de ces déséquilibres à de "mauvaises habitudes sociales telles que le népotisme", d'autres déséquilibres structurels ont été enregistrés comme un manque de représentation des 6 500 travailleurs permanents du conseil.
Ces pratiques ont eu des effets néfastes à divers niveaux de l'entreprise, notamment des démissions de hauts dirigeants comme le directeur commercial du bureau de Paris, et ont contribué au développement de pratiques déloyales dans la gestion de l'entreprise.
Les documents révèlent aussi un chamboulement dans la hiérarchie entre le président du conseil d’administration et le Directeur Général et ce depuis 2009 avec la perte par le présidence du conseil d’Administration de sa préséance en matière de supervision devenant par la même un instrument de l’administrateur directeur général. Graduellement, le Conseil a perdu son rôle ce qui a nui à son rendement et l’a entravé.
Hiérarchie et transparence
Pour témoigner de la politisation du poste de président du conseil, le député Kabeh Ould Elyahou est nommé président de ce conseil depuis 2013. Le président - qui a deux fois renoncé au statut de député en raison de la loi d'incompatibilité – a mené campagne politique depuis sa nomination à ce poste en remplacement de Mohammed Chérif, un ancien directeur du trésorerie.
L'un des rapports compare le rôle du président du conseil d'administration évoquant son rôle plus indépendant sous le règne de l'ancien président Maaouya Ould Taya à celui d’après 2009. Le poste de président était alors confié à l'adjoint du gouverneur de la Banque centrale ce qui lui garantissait plus d’indépendance face à l’autorité dont disposait l’Administrateur directeur général.
Parmi les déséquilibres dans le domaine de la transparence, un rapport mentionne l'annulation du contrat conclu en 2007 entre la SNIM et la société chinoise MINIMETAL, 5 ans avant l’expiration du délai contractuel. Cette mesure a coïncidé avec la hausse des prix du fer.
Le contrat a été annulé au profit d’intermédiaires dont les noms sont tus dans le document afin de leur assurer un bénéfice supplémentaire, et un rapport estime le pourcentage transféré à des intermédiaires pour vendre 80% de l’offre de la société.
L'un des rapports parle d’un revers dans les procédures de transparence des transactions de la société depuis 2016, où les contrats de marketing ont été conclus par le biais de négociations et d'annonces effectuées par le bureau de la société à Paris au profit cette fois de clients de l’entreprise.
Le document de diagnostic décrit le système de marketing de la société comme un "point sensible ... utilisé comme moyen de capturer le rendement en métal", le qualifiant de "sujet vague" et soulevant des questions sur la nature des intermédiaires, leurs relations suspectes et les facilitéss dont ils ont bénéficiées.
L’un des domaines signalé par les rapports de la société est la violation des normes dans la promotion au cours des dernières années et le rejet de prendre en compte l’efficacité ou la performance des cadres.
L'un des rapports épingle le directeur général qui est intervenu secrètement et illégalement de choisir parmi les candidats à la souscription, sans tenir compte des dispositions régulières régissant le domaine ".
Le document conclut que la réalité de l'entreprise au cours des dernières années confirme l'existence "de lacunes importantes dans les domaines de la gouvernance, des ressources humaines" et souligne "la nécessité d'une plus grande nécessité dans la rigueur de gestion".
L'un des documents administratifs décrit le directeur général comme "agissant presque exclusivement seul, car le contrôle externe est complètement absent de la société, le contrôle interne est sous sa tutelle, il en nomme les membres » qui ne peuvent prendre « Une initiative de contrôle ou une décision sans son approbation ».
La société n’a été soumise à aucune sorte de contrôle de la part de l’Inspection générale de l’État, de la Cour des comptes alors que le Parlement ne s’en est pas préoccupé.
Pérénité suspecte des auditeurs
Il est à noter dans les documents de la société que le consultant étranger qui vérifie ses données et ses indicateurs de performance y exerce depuis 15 ans. Ses émoluments sont payés sur ordre du directeur général de la société.
L’audit est réalisé sous la supervision du bureau d’études CONEX, qui n’a pas changé au cours de cette période. Outre la présence de l’expert étranger et du bureau d’études, les consultants et les auditeurs qui contribuent à ce processus sont pratiquement les mêmes.
Ambiguïté croissante
La société a connu une tendance à l'ambiguïté, augmentant d'année en année, symbolisée par le manque de diffusion de données et de rapports publics sur son site Web. L’organigramme de l’entreprise a aussi disparu de son site Web.
L'un des anciens employés de l'entreprise n'hésite pas à souligner que les données fournies par la direction de l'entreprise ne peuvent être comparées à celles fournies par la Miferma, qui révélait tous les détails de la production, des dépenses, des coûts et des fournisseurs. - selon un rapport.
Des dettes de 39% du budget du pays
La dette totale accumulée par la Snim, l’année dernière, s'élevait à 1 257 milliards ouguiyas (soit 149 milliards (selon le taux de change de la banque centrale) et une dette interne de 108 milliards de dollars.
Ce chiffre représente 39% du budget 2018 de la Mauritanie initialement de 663 milliards Ouguiyas.
Cette dette extérieure de la société représente plus du double du total des prêts et des dons extérieurs reçus par la Mauritanie au cours de l'année en cours soit 16 accords conclus dans la limite de 189,06 millions de dollars.
Le rapport d'analyse financière de la société révèle que le nombre de prêts portant intérêt de la société est passé de 26 milliards d'Ouguiyas en 2015 à 162 milliards en 2016.
Dans l'ensemble, le document indique que la dette de la société entre 2001-2009 n'était que de 59,4 milliards d'Ouguiyas, avant de grimper à 229 milliards d'Ouguiyas en 2009-2013, soulignant une grande ironie car cette période était une période d’or pour les prix du fer.
Par ailleurs alors que le prix du fer connaissait une hausse, l’endettement auprès du Koweït a connu une évolution négative car sa dette a quadruplé, sans incidence sur la production ni sur le développement de la société, avec seulement une légère et éphémère amélioration dans le chiffre d’affaires atteignant avec la vente de 13 millions de tonnes de fer en 2013.
Travailleurs mécontents et fournisseurs prioritaires
L'un des rapports sur le climat social de l'entreprise et la nature des relations tendues avec les travailleurs. Il pointe son apogée lors de la grève des travailleurs en 2015, qui a duré plus de deux mois avant le succès des médiateurs de haut niveau pour mettre fin à la grève.
En raison de cette grève, la société a enregistré le plus bas niveau de production en 15 ans, avec des revenus inférieurs à 58 milliards d'ouguiyas.
L'une des principales raisons du ressentiment des travailleurs est que l'entreprise ne lie pas leurs primes financières annuelles à leur production annuelle ni aux bénéfices éventuels. La direction générale argue des réserves du conseil d’administration afin de ne pas influencer les bénéfices de l’entrrprise.
Contrairement à ses 6 500 travailleurs, l'entreprise a privilégié le traitement des fournisseurs au cours de la dernière année. Ses dirigeants ont contracté des emprunts extérieurs inéquitables pour obtenir un remboursement plus aisé. Leur dette est passée de 276 milliards d'ouguiyas en janvier 2016 à 108 milliards en décembre 2016. Mais les dettes auprès d’autres créanciers sont en hausse constante.
Dans le prochain déroule, nous livrerons les réponses apportées par des rapports et des documents confidentiels. Nous essayerons de cerner la lancinante question "où sont passés des milliards obtenus de la vente du fer à son prix d’or » ?
Nous remonterons la piste des dizaines de milliards dépensés ces dernières années, les partenariats noués par l’entreprise...Des choix qui l’ont affaiblie face aux chocs liés à la chute des prix du fer. Nous évoquerons aussi dans une prochaine livraison les raisons de la récession dans la production de fer, en dépit des sommes énormes dépensées pour des projets censés avoir un impact sur la productivité et enfonçant encore l’entreprise dans le cercle vicieux de la dette.
https://www.alakhbar.info/?q=node/14152
Dossier Alakhbar.info
(traduction mauriweb.info)