Il y a quelques mois, le gouvernement de la République Islamique de Mauritanie ferme, contre toute attente, la Société Nationale d’Import-Export (SONIMEX) qui faisait travailler plusieurs centaines de Mauritaniens, depuis sa fondation en 1966.
La société d’économie mixte avait démarré ses activités avec un capital social équivalent à 914.472.000 UM, détenu à 60% par l’État. Elle détenait le monopole d’importation des produits alimentaires de base, comme le riz, le sucre, le blé, l’huile végétale, le lait, le thé et celui d’une éventuelle exportation des surplus de productions agricoles ou naturelles engendrés par les activités des opérateurs nationaux.
Mais avec la décision de libéraliser le commerce extérieur et d’ouvrir les marchés, ces monopoles ont disparu. La SONIMEX s’est alors orientée vers la régulation du marché, via la maîtrise des flux et des prix.
Ces dernières années, c’est dans le cadre des stratégies et politiques du gouvernement qu’elle a été chargée de mettre en œuvre divers programmes sociaux, comme EMEL, visant à permettre, selon les termes de référence de leurs cahiers de charges, aux citoyens de la classe moyenne et autres populations vulnérables, d’accéder aux denrées de première nécessité, à des prix abordables.
Les opérations Ramadan, les boutiques EMEL et autres campagnes de distribution d’aliments de bétail participent de ces stratégies gouvernementales.
Depuis sa fondation, plusieurs directeurs généraux se sont succédé à la barre de la SONIMEX. Citons, à titre d’exemples depuis 2003, Diop Abdoul Hamet (23/12/2003), Ndiaga Dieng (19/05/2005), Moulaye El Arby Ould Moulaye Mohamed (21/09/2005), Mahfoud Ould Agatt (26/10/2008), El Merteïji Ould El Wavi (23/08/2009), Sid’Ahmed Ould Ahmed Chouaïb (18/05/2010)…
De 2010 à sa mise à mort, trois nouveaux DG se succèdent : Debbe Ould Zeïne, Mohamed Lemine Ould Khattry et Cheikh Ould Zeïdane. Comme beaucoup d’établissements publics ou semi-publics, la gestion de la SONIMEX n’a pas été toujours exemplaire (c’est un euphémisme).
Les scandales répétitifs qui l’ont secouée en constituent une preuve éloquente. Sa liquidation en constitue une autre, beaucoup plus évidente. Si l’on ne change pas une équipe qui gagne, en affaires, on ne liquide pas une entreprise qui fait profit.
Le Calame se propose de revenir, en une série d’articles, sur divers aspects de la vie de cette prestigieuse société nationale, notamment sur la rocambolesque affaire des engrais, les dessous et les modalités de la liquidation de l’entreprise, la fameuse convention de financement avec la BCM, encore une (grosse) pomme de discorde entre les deux institutions.
La SONIMEX vient de mettre la clé sous le paillasson, après les défuntes Air Mauritanie, ENER et autres, sur la faillite desquelles aucune communication officielle n’a été faite, pour éclairer l’opinion nationale quant auxréelles conditions de leur liquidation. Vous avez dit transparence ? Alors, allons-y!
Le fameux plan de redressement
Entre 2004 et 2006, les pertes de la SONIMEX cumulent 2.569.206.993 UM, obligeant le gouvernement à prendre l’initiative d’un plan de redressement augmentant le capital, en numéraire, de 2.448.180.000 UM, réparti, selon le procès-verbal du conseil d’administration du 20/02/2007, comme suit : État mauritanien, 62%, soit 113.059 actions, contre 10, 63% au groupe AON, avec 19.865 actions ; 9,79%,au groupe MAOA,avec 18.289 actions ; 8,84% à la GBM, avec 16.510 actions ; 5, 84% à la BNM, avec 10.916 actions, 1,08% à la CNSS, avec 2.023 actions.
Le 22 Avril 2008, la SONIMEX bénéficie, sur la base d’une convention avec la BCM, d’une ligne de crédit sur douze mois, pour financer ses importations de denrées de première nécessité, avec l’engagement de domicilier, sur son compte ouvert à la BCM, les recettes découlant de la vente de ces produits.
Les financements atteignent 48.882.542 USD soit 11.598.220.362 UM, comme il ressort des bilans 2008 et 2009, dûment certifiés par les commissaires aux comptes, mais ne sont pas apurés par le conseil d’administration de la société.
Où est passé l’argent ?
Plusieurs milliards semblent s’être volatilisés, sans qu’aucun des trois rapports de l’audit, entamé début-Septembre 2010 et achevé fin-Janvier 2011, ne permette de faire ressortir une compréhension satisfaisante de la gestion des affaires de la SONIMEX.
Les conclusions de celui produit le 8 Novembre 2009, par le directeur général Merteiji Ould El Wavi, de celui réalisé par un inspecteur de la BCM, le 25 Mars 2009, et du dernier, chèrement payé à un cabinet d’expertise comptable malien, en Mars 2010, sur les exercices 2008 et 2009, n’auraient servi à rien.
Sauf à établir la chronologie des opérations, afin de mieux appréhender les aspects sur lesquels les études ont porté, comme l’ensemble des éléments financiers de la SONIMEX et de sa filiale la SMCTT, exercices 2008 et 2009, objet de l’audit, la collecte des documents, pour déterminer les coûts réels de revient de toutes les importations réglées et livrées à partir de 2008, la création d’une commission, présidée par le responsable de l’audit, et dont les chefs de services concernés (achats, stocks, ventes) sont membres, pour constater, sur la base des procès-verbaux, la régularité ou non des conditions dans lesquelles les opérations d’importation et d’achats des produits, locaux et autres, pour le compte de l’État, ont été faites... (A suivre)
Sneibe Elkory (Le Calame)