L'agence de police internationale Interpol examine des dizaines de milliers de notices pour personnes recherchées soumises par des états membres pour voir dans quelles mesures les motivations sont surtout politiques. Cet examen approfondi a été déclenché par l’UE qui s'efforce de prévenir l'utilisation abusive d'Interpol par des régimes peu regardant sur les standards internationaux d’Etat de Droit. L’année 2017 a été riche en controverses sur les notices rouges d'Interpol, qui ont déclenché plusieurs arrestations retentissantes d'activistes et d'écrivains vivant en exil dans l'UE ces derniers mois. Les notices rouges sont des alertes de personnes recherchées qui peuvent être utilisées par presque tous les pays du monde pour localiser et arrêter des individus en vue d'une extradition.
Il semble qu'après les arrestations du journaliste suédo-turc Hamza Yalcin et de l'écrivain germano-turc Dogan Akhanli en août, les Etats membres de l'UE soient plus conscients que les notices rouges peuvent être utilisées par certains gouvernements pour harceler les dissidents vivant à l'étranger.
À la suite du débat qui a eu lieu au Parlement européen au début du mois, il semble que l'UE et ses États membres prennent des mesures plus proactives pour aider Interpol à se protéger contre les abus qui sont de plus en plus fréquents. Interpol a des règles et des politiques qui visent à trouver le juste équilibre entre faciliter la coopération internationale tout en veillant à ce que les personnes vulnérables ne soient pas injustement ciblées d'une manière qui viole leurs droits humains. Par exemple, Interpol a des règles qui confirment son engagement à agir dans l'esprit des normes internationales relatives aux droits de l'homme et à veiller à ce que ses activités n'aient aucune motivation politique. Mais le principal défi est de savoir comment ces règles sont appliquées dans la pratique. Interpol a-t-il mis en place des systèmes qui empêchent les pays d'abuser des notices rouges à des fins politiques et de manière contraire aux droits de l'homme?
Existe-t-il un mécanisme efficace permettant aux individus de contester les notices rouges abusives? L'interprétation d'Interpol de ses propres règles fournit-elle des protections suffisantes aux individus?
Ces défis ont été soulignés par Fair Trials, une ONG basée au Royaume-Uni, depuis la publication de son rapport en 2013, qui identifie les faiblesses des mécanismes d'examen d'Interpol permettant aux États répressifs d'utiliser les notices rouges pour exporter des violations des droits humains.
Il est très encourageant de voir que, depuis la publication de ce rapport, Interpol a répondu à ces préoccupations en adoptant un certain nombre de mesures importantes pour protéger ses systèmes contre les abus. Il s'agit notamment de l'amélioration de son système d'examen des notices rouges avant leur diffusion, et des réformes de grande envergure de la Commission de contrôle des fichiers d'Interpol (CCF) - le mécanisme de traitement des plaintes d'Interpol. Il serait trop optimiste de supposer que la simple adoption de ces changements entraînera par elle-même une meilleure protection des individus, et qu'il faut travailler pour s'assurer que les réformes sont mises en œuvre efficacement. Les arrestations d'Akhanli et de Yalcin suggèrent fortement que, quelles que soient les améliorations apportées aux procédures d'examen d'Interpol, le système est loin d'être parfait et que les réfugiés reconnus, les journalistes et les activistes politiques vivant en exil sont toujours ciblés par des notices rouges. À certains égards, cela n'est pas surprenant, étant donné que l'examen des notices rouges est clairement une tâche très difficile pour Interpol. Interpol doit examiner plus de 11 000 nouvelles notices rouges par an, en plus de 20 000 «diffusions» (qui sont similaires aux notices rouges, mais moins formelles).
Selon un memo confidentiel mis sur la table au cours de la rencontre le 20 novembre dernier en France, entre Interpol et l’UE, plus de 40000 notices sont passées actuellement au peigne fin pour en déterminer la pertinence. Sans confirmer cette information un haut responsable d’Interpol a confirmé la mise en place de procédures nouvelles afin de prévenir l’utilisation des notices rouges à des fins politiques. Il y a aussi des questions sur la façon dont Interpol identifie les notices rouges abusives, et sur les informations sur lesquelles elle s'appuie pour faire ses évaluations.
Alors que les réformes du CCF semblent rapprocher leurs procédures des normes internationales en matière de procédure régulière, il est encore trop tôt pour dire si elles ont ou non fait du CCF un mécanisme de recours efficace, étant donné qu'elles ne sont entrées en vigueur qu'au printemps cette année. Plutôt que de considérer cela comme une ingérence politique, l'offre d'aide de l'UE à Interpol est ressentie par certains comme une tentative pour en faire un mécanisme de coopération internationale plus efficace tout en le protégeant des abus politiques.