Dénommé « Mère Houlèye Sall » et placé sous le thème : « Pour une meilleure décentralisation du combat », le troisième congrès d’IRA s’est ouvert, le samedi 27 Janvier, au domicile de Biram Dah Abeïd, au PK 10, dépassant très largement les attentes des organisateurs, par le nombre de participants, le niveau des échanges et la cohésion de l’ensemble. Les sympathisants du mouvement n’ont pas lésiné sur les moyens pour assurer l’ambiance et donner de la couleur, réaffirmant chaleureusement ancrage et soutien à leur leader.
Trente délégués venus de l’intérieur du pays, quarante de Nouakchott et un de Belgique prennent part à la rencontre qui dotera IRA d’un nouveau bureau exécutif et de nouveaux textes. Un toilettage de fond, en somme. Longuement ovationné par ses partisans, accompagné de son épouse, Biram Dah Abeïd a justifié le choix de la marraine, par sa « témérité » et son « refus d’accepter l’inacceptable », rendant ainsi hommage, au-delà de la personne, à toutes les veuves, orphelins, rescapés et ayants droit des tueries des années 80 et 90 qui ont endeuillé la communauté nationale. « Elle a pu résister », s’est ému Biram, « au silence de tous et à l’impunité. A 90 ans, elle continue de se battre pour l’éclosion de la vérité, suite à la disparition, dans d’obscures conditions, de son unique fils à Inal, lors des exactions extrajudiciaires contre les officiers peulhs, en raison de la couleur de leur peau. C’est très douloureux et inacceptable. C’est pourquoi IRA est à l’avant-garde du combat pour que la vérité sur cette période sombre puisse éclater ».
Jouant au rassembleur, Biram a tendu une main fraternelle aux « camarades qui nous ont quittés ou avec qui le lien organique s’est distendu, suite à malentendu. Ils restent des nôtres, s’ils sont toujours sincères et acquis aux principes de notre lutte. Je vous demande de renouer, avec eux, le fil de la discussion et de la collaboration sur le terrain, en prélude à leur retour ». Puis, retraçant le parcours d’IRA, depuis son dernier congrès : « Il y a six années, Mars 2012, au cours d’une même assemblée, vous me confiez la présidence et la conduite de notre organisation, en vertu du mandat que vous vous êtes tracé. La feuille de route comportait, en première ligne, une lutte sans atermoiement ni concession, par le droit et l’expression non-violente, contre toutes les violations des droits humains en Mauritanie ; les crimes et délits d'esclavage et de racisme coiffaient la liste de vos priorités ; sans avoir besoin de le préciser, vous me chargiez de porter l’indignation et l’espérance du peuplement noir dans notre pays et des déshérités issus de la communauté dominante, pour accélérer leur marche vers l’émancipation et l’accès aux leviers du pouvoir dont des siècles d’exploitation et de mépris les privaient ».
« Cette recommandation était doublée », ajoute-t-il, « d'une autre stipulant le recours à la subversion idéologique. Déconstruire la matrice de légitimation morale des inégalités de naissance requerrait, de nous, une attaque frontale et multiforme, contre la religiosité où se bricole le mensonge de l’esclavage, comme expression d’une volonté de Dieu. Nous avons mené et réussi l’offensive contre la version travestie du fiqh des hommes, à la fois source et foyer de reproduction des injustices de race et de caste, notamment, au sein de la société maure. Ce faisant, grâce à l’audace que porte toute conviction juste, nous réussissions, tous, à enraciner, dans le quotidien de nos compatriotes, l’image d’un mouvement de droits civiques et de dissidence intellectuelle ; sa visibilité et la prégnance de son action favorisent la dynamique globale vers la citoyenneté, certes non sans accrocs et sacrifices ».
Percée
« Le troisième axe, troisième mais guère des moindres », précise l’orateur, envisageait une patiente œuvre de vulgarisation, à l’échelle du Monde, par les voies de la diplomatie, de la communication de masse et de la présence sur les forums internationaux ; hors du pays, nous diffusions, avec succès, l’objection et la réfutation à la parole de l’Etat de Mauritanie qui associe, elle, occultation, déformation et mensonge, sur la réalité des pratiques de racisme et d’esclavage et leurs implications quotidienne, dans la conduite des politiques publiques. Nous démontrions, alors, combien le gouvernement et ses relais du bloc ethno-tribal mentent, fraudent et contrefont la réalité, à contresens des instruments du Droit international qu’ils s’empressent de signer et/ou ratifier, pour mieux en retarder l’application. C’est, sans doute, sur cet aspect de divulgation que notre effort produit les résultats les plus décisifs. La reconnaissance et la crédibilité du mouvement s’appuie sur une série de distinctions, dont le prix des Nations-Unies pour les droits de l'Homme, en 2013 ». Une salve nourrie d’applaudissements interrompt alors le discours.
Au cours du mandat qui expire, le mouvement a popularisé, estime son président, les sit-in, marches et grèves de la faim, afin d’accentuer la pression sur le centre de pouvoir et l’isoler dans une posture de la coercition. « Nos rassemblements et marches pacifiques ont souvent » fait-il remarquer, « contraint les autorités judiciaires, sécuritaires et administratives territoriales, à poursuivre les contrevenants aux lois et conventions qui pénalisent l'esclavage, le racisme et l’usage de la torture. Nos différentes sections, implantées sur l'étendue du territoire, ont assisté et libéré, directement ou par ricochet, des mineurs et majeurs des deux sexes, la plupart des femmes, filles et fillettes. Indirectement, l'activisme de l’IRA participe de la dynamique nationale d’éveil aux droits humains et de prise de conscience politique parmi les cadets sociaux ».
Hommage a été rendu à toutes les militantes et militants, compagnons de route et sympathisants de l’ombre qui ont commencé ce parcours à leurs côtés ou le rejoignent, à ceux décédés avant d'assister à la consécration, ni même voir se réaliser des victoires ponctuelles sur la société et l’Etat ; « à tous, je promets », lance Biram, « l’abnégation et la patience dans l’épreuve ». Notons ici que Ba Mamadou Alassane président du PLEJ ; Samba Thiam, président du FPC ; Mody Cissé, secrétaire général de l’AJD/MR ; Cheikh ould Hindi, le bâtonnier de l’Ordre national des avocats ; les représentants de Tawassoul, du MPR, de « Touche pas à ma Constitution », du Collectif des veuves et des orphelins ont assisté à l’ouverture du congrès dirigé par le docteur Ousmane Sy, chargé de communication de l’organisation.
Convocation et intimidation
« Vers la fin de la première journée du congrès », alerte soudain un communiqué d’IRA, « les autorités du département de Riyadh où se trouve le domicile du président Biram, ont convoqué ce dernier pour lui signifier que le ministre de l'Intérieur a envoyé des pelotons de forces de police, lourdement armés, munis d'un ordre d'attaquer l'assemblée, à l'intérieur de son domicile, et d'exercer un droit de poursuite dans les maisons environnantes. L’utilisation de la violence leur est autorisée, contre les personnes rassemblées, notamment l'usage de gourdins et de matraques, mais aussi les bombes assourdissantes ou à gaz lacrymogène. Le président d'IRA-Mauritanie questionne alors le préfet : « Avez-vous constaté une occupation de l’espace public, un tapage inapproprié, une contravention quelconque ? – Non », répond le préfet, « mais c’est une décision émanant d'en haut ». Dès la fin de cet entretien, le président Biram Dah Abeid réunit le bureau exécutif, pour évaluer la situation », relate le communiqué.
« IRA-Mauritanie n’en maintient pas moins son agenda de dénonciation, par le droit, les gestes et la parole pacifique, de la politique dictatoriale, gabegiste, raciste et esclavagiste du régime d’Ould Abdelaziz ». Les abolitionnistes refusent « de céder à la manœuvre, ignoble et exécrable, du régime qui entend inonder un quartier déshérité, par une armée d'occupation, à l'image de la police sous le régime d'Ould Abdel Aziz ; ce sont des enfants, des personnes âgées et des malades qui auraient à en souffrir le plus, peut-être même, perdre leur vie ». Plaise à Dieu qu’une telle issue ne soit jamais donnée à la menace proférée par le pouvoir !
Compte rendu THIAM Mamadou (Le Calame)