La FC G5S “entre l’écorse et le bois” (Suite et fin)- Colonel ( R ) Mohamed Lemine Ould Taleb Jeddou | Mauriweb

La FC G5S “entre l’écorse et le bois” (Suite et fin)- Colonel ( R ) Mohamed Lemine Ould Taleb Jeddou

dim, 24/12/2017 - 11:19

En plus de l’apparition sur scène de ces nouveaux acteurs, la question du financement est une question également préoccupante pour les pays du G5S. Depuis sa création, en février 2017, la Force G5 Sahel, ne semble pas encore avoir trouvé d’echo au niveau des instances de décision internationales. Tout en “se félicitant du déploiement” de la Force Conjointe G5 Sahel et tout en encourageant les aides bilatérales, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a estimé que l’action des pays de la FC G5S, intervenant dans leurs propres territoires, sort du cadre des opérations du maintien de la paix et qu’en conséquence, il revient aux pays du G5 eux-mêmes de pourvoir au financement de leurs activités. L’absence de mention au Chapitre VII de la Charte des Nations Unis est un refus manifeste de la reconnaissance de la jeune organisation. Ni la France, ni la premiere opération de la FC G5S ne semblent avoir convaincu les USA, principal bailleur de fonds des opérations du maintien de la paix de l’ONU, de l’utilité de cette force.Washington persiste et signe: pas question d’apporter un soutien financier onusien à cette force dont les orientations ne sont toujours pas claires. Sur les 423 millions d’euro nécessaires au financement des opérations de la FC G5S, seules les contributions des pays du G5 (50 millions), de la france (8 millions en équipements) et de l’UE (50 millions) sont déjà dans la cagnote. Les Etats-unis promettent une aide de 60 millions de dollars (en équipements) dans un cadre spécifiquement bilateral, l’Arabie Séoudite 100 millions de dollars et le Emirats Arabes Unis 30 millions de dollars. Le compte n’y est toujours pas. La question du soutien financier menace la Force G5 dans son existence même avec un son de Cloche différent de part et d’autre. Certains chefs d’Etat du G5S ne montrent pas beaucoup d’engouement pour un engagement sans les ressources nécessaires, d’autres, par contre, n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère pour attirer l’attention sur l’importance vitale d’un financement raisonnable pour le démarrage effectif des opérations de la force G5 Sahel. Alors que le président tchadien Idriss Deby Itno a menacé de revenir sur son engagement de fournir des troupes à la force G5 si ses troupes ne recoivent pas un soutien financier conséquent, le président malien Ibrahim Boubacar Keita ne décolère quant au soutien “ derisoire et ridicule “ déjà obtenu et au “mégotage” du financement en cours. Par contre, du côté de la métropole on affiche la satisfaction.C’est ainsi que la Ministre de la défense française estimequ’en plus d’une centaine de millions d’euros à glaner rapidement, les montants déjà obtenus constituent “des contributions très importantes ” et sont suffisants pour que “la force conjointe remplisse pleinement la mission qui lui a été impartie”. Un language autoritaire qui ne peut souffir d’aucune contradiction.

A part le malaise créé par la question délicate du financement, la FC G5S ne doit pas être trés “à l’aise dans le harnais”, elle se sentirait même de plus en plus à l’étroit avec la présence encombrante de certains partenaires. L’incapacité des pays du G5 à réagir à la détérioration de la situation sécuritaire au Mali a eu pour conséquence l’intervention des forces françaises, de la Munisma et l’arrivée à la rescousse des USA. La présence sur le terrain de partenaires aussi encombrants que la France et les Etats-Unis en rajoute au bourbier sahelien et fait sentir la FC G5S toute petite dans ses souliers et n’est certainement pas de nature à mettre en confiance les pays du G5S sur une éventuelle prise en compte effective à leur niveau de la lutte contre le terrorisme.

Avec la force barkhane, engagée depuis 2013, au Mali les francais qui ne semblent pas encore avoir pu pris en main la situation au sahel sont plutôt pressés de “rendre à M’hamed sa place”. Avec 3000 hommes, 200 blindés, 20 hélicoptères, 10 avions de transport, 6 avions de chasse, 5 drones américains de type Reaper et un coût de  2 500 000 d’euros/jour, la Force Barkhane, en opération depuis 3 ans,  n’a pu venir à bout des 300 jihadistes lui faisant face. A ces moyens, il faut ajouter les centres d’opérations tactiques survolant en permanence la zone dans les Breguets Atlantic, une armada de satellites qui balaient en permanence la zone et l’inestimable aide américaine en matière de renseignements et en soutien logistique avec le ravitaillement en vol des aéronefs francais. Une situation devenue intenable qui explique grandement l’empressement français de s’extirper des fanges de leur infernal “Vietnam”. De quoi donner un avant-goût à la FC G5S de ce qui l’attend au détour. Dans une interview accordée à Jeune Afrique, la Ministre de la Défense française a exprimé sa préoccupation quant au retard accusé pour que “la Force Conjointe du G5 Sahel tourne à plein régime”, une manifestation d’impatience des français presses de se débarrasser de leur “boule de gomme d’outarde”, mais aussi une allusion à l’impréparation de la FC G5S pour relever les défis sécuritaires au sahel dont la conséquence logique serait le maintien de “ La force Barkhane … le temps qu’il faudra” et qui  “dépendra entre autres de la montée en puissance de la force conjointe du G5 Sahel”. Une allusion à peine voilée de Mme la Ministre, qui tout en excluant toute réduction des troupes françaises au sahel et en soulignant la nécessité du maintien de la Force Barkhane pour une durée indeterminée, montre le désir ardent de voir les pays du G5S mettre la main à la pâte. En somme, les français sont pressés de remettre officiellement aux pays du G5 la clé de la lutte contre le terrorisme au sahel, tout en la conservant officieusement dans la main: l’éternel goût pour l’ambiguité dont raffolent les français. Au cours du meeting G5 +2 à La Celle-Saint-Cloud, le président français a exhorté les chefs d’états des pays du G5S “à prendre leurs responsabilités pour gagner la guerre contre le terrorisme dans la zone sahélo-saharienne” avec une contrainte majeure: remporter “des victoires au premier semestre 2018”. Des instructions bien plus que de la concertation.La force G5S, une réponse adéquate pour la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale est-elle en phase de devenir  ”un pendant de l’opération Barkhane”?

Après la france, les americains, qui, jusque-là, discrêts dans leur présence au sahel avec une base de drones à Niamey, une autre en construction à Agadès et un total de 800 soldats au Niger, ne cachent plus leur intention de renforcer leur présence dans la région.  Avec la mort de 4 soldats américains dans une embuscade dans la région de Tillabéri au Niger, le 04/10/2017, les forces américaines, en armant les drones jusque-là employés uniquement pour la surveillance de la zone et la collecte du renseignement, semblent désormais s’orienter vers la logique de l’engagement d’actions militaires: visiblement, “la guerre se deplace’.Une situation qui n’est pas sans rappeler Pearl Harbor en 1941.

La lutte contre le terrorisme au sahel est une entreprise globale de tous les pays de cette région dont la solidarite dans l’action, mise à rude épreuve par une multi-appartenance à des structures économiques et sécuritaires hétérogènes, est un préalable fondamental à toute réussite de l’entreprise commune.Compte tenu des impératifs du moment, il s’avère indispensable de mettre en veilleuse certains projets et initiatives en cours et de se focaliser sur l’opérationnalisation de la FC G5S pour préserver sa cohésion et optimiser la concentration de ses efforts en vue de réunir les conditions favorables à une reconnaissance internationale qui tarde à venir, sans laquelle la Force G5 ne peut ni faire légalement usage de la force, ni prétendre à un financement du départment des Opérations du Maintien de la Paix. Fragilisée dés le départ, par les divergences internes, confrontée au casse-tête de la Question Toureg et visiblement releguée au second plan par la France qui n’entend pas se départir de la gestion du dossier sahel et la sortie de l’ombre des forces américaines, la Force Conjointe G5S, mal préparée pour une lutte contre le terrorisme et manquant cruellement de moyens adéquats, semble inéxorablement s’acheminer vers l’unique alternative qui s’offre: devenir un pendant de la Force Barkhane. La multiplication et l’accélération des rencontres au sommet (La Celle-Saint-Cloud, Arabie Séoudite, Bruxelles) semblent précipiter les événements.Une précipitation dans l’action qui pourrait bien se revéler mauvaise conseillère pour la Force G5S. D’ailleurs la réticence de certains pays à s’engager en dit long sur la complexité de la situation sécuritaire de la région.En tout état de cause, la présence de la France et des Etats-unis au sahel est susceptible d’engendrer une déflagration sans précédent, qui pourrait mettre en danger la stabilité de toute la région.

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