L’affaire du sénateur Mohamed Ould Ghadda qui défraie la chronique depuis quelques semaines en raison de la divulgation par le pouvoir de ses enregistrements whatsapp audio, vient de connaitre une nouvelle tournure avec l’annonce du parquet de l’ouverture d’une enquête contre lui pour «crime transfrontalier» visant à déstabiliser le régime en place.
Opposant farouche au pouvoir du président, Mohamed Ould Abdelaziz, le sénateur Ould Ghadda avait été l’objet d’un accident de la circulation en mai 2017 au cours duquel la gendarmerie de Rosso l’a délesté de ses téléphones. Malgré une décision de justice du tribunal de Nouakchott, lui intimant de lui rendre ses téléphones, la gendarmerie ne s’est jamais exécuté et a gardé les téléphones pour participer avec le gouvernement à ébruiter les conversations personnelles du sénateur.
Le sénateur Mohamed Ould Ghadda avait été également arrêté le 11 août 2017 et emmené en l’absence de toute procédure judiciaire par des éléments de la police habillés en civil vers une destination inconnue ; sa carte d’identité et son passeport saisis. Huit jours durant sa famille et sa défense sont interdits de contact avec lui. Il est réapparu il y a deux jours à la brigade mixte de la gendarmerie de Nouakchott.
Mais ce n’est que ce vendredi, dans un communiqué laconique, que le parquet annonce l’ouverture d’une enquête pour « crime transfrontalier » et le maintien en prison de l’un des principaux opposants au régime en place aujourd’hui. L'homme a été au-devant de la fronde des sénateurs contre les amendements proposés par le président Mohamed Ould Abdelaziz. Ce dernier avait du recourir à l'article 38 de la Constitution pour contourner le Parlement, Une procédure vivement critiquée par des constitutionnalistes.
Dans une conférence de presse, l’avocat du sénateur Mohamed Ould Ghadda, Me Bouhoubeini avait accusé les autorités politiques de bafouer les garanties judiciaires d’assistance à son client.
Par ailleurs, en plus de la détention du sénateur, le parquet reconnait l’arrestation d’un jeune élève-officier qui avait témoigné sur les circonstances de l’accident dit de la «balle amie » de Tweila dont le président Aziz avait été la victime, le 13 octobre 2014. Il avait disparu des radars après son témoignage. Il est poursuivi, selon le parquet, suite à une plainte de l’officier El Hadj Ould Ahmedou dont la version officielle des faits est seule reconnue par les autorités politiques.
L’ouverture de cette enquête sera sans doute l’occasion pour les mauritaniens de revisiter encore l’histoire récente de leur pays.
Cette affaire intervient encore au lendemain du référendum constitutionnel contesté dans le pays et dont les résultats portant sur la dissolution du Sénat, le changement du drapeau et de l’hymne nationaux ont été validés par le conseil constitutionnel.
Notons qu’en 2011 déjà, les autorités mauritaniennes avaient lancé un mandat d’arrêt international contre l’opposant en exil Moustapha Limam Chaafi l’accusant de «terrorisme ».