Comme prévu, le 15 Juillet dernier, le Front du refus, qui rassemble toute une coalition de partis politiques, syndicats et personnalités indépendantes (FNDU, RFD, UNAD, FPC, SAWAB, IRA, etc.), a organisé une marche imposante le samedi 15 juillet, pour marquer leur opposition au referendum du 5 Août dont le but affiché est de modifier la Constitution, avec un objectif sous-tendu de quasi-plébiscite à un troisième mandat anticonstitutionnel.
Ce fut donc une grande marche. Des milliers de Mauritaniens ont répondu à l’appel de l’opposition, en battant le macadam.
Ce fut l’occasion, pour les organisateurs de brocarder le pouvoir et son agenda politique qui vise à faire disparaître le Sénat, la Haute cour de justice, le Médiateur mais, aussi et surtout, à modifier les couleurs du drapeau et l’hymne national… des décisions qui heurtent l’opposition et, même, il faut le reconnaître, certains membres de la majorité présidentielle, notamment nombre de sénateurs qui ont rejeté les amendements en question.
Que fera ce front fera de son franc succès ? C’est la question du jour. Des milliers, voire centaines de milliers de Nouakchottois, probablement autant de l’intérieur, ont exprimé ou vont exprimer leur opposition aux amendements constitutionnels.
Mais le pouvoir, engagé, depuis plus d’un mois, dans une campagne de sensibilisation pour les faire adopter, n’entend évidemment pas reculer. Mieux, il intensifie son prêche. Le président de la République entame des tournées à l’intérieur du pays pour ses « chantiers ; ses proches, comme le Premier ministre et le président de l’UPR, principal parti de la majorité présidentielle, ont déjà beaucoup plaidé, plaident encore, pour un troisième mandat de leur mentor qui doit quitter, conformément à la Constitution, le pouvoir en 2019.
Tous deux en ont clairement annoncé l’option, en associant étroitement, à la campagne pré-référendaire, cette brûlante question qui avait, on s’en souvient, si fortement pollué les travaux de plusieurs ateliers du dialogue national de Septembre et Octobre dernier.
Des moyens seront certainement mis en place pour défendre le projet de troisième mandat sur lequel le Président garde un silence royal, après avoir réaffirmé, lors de la clôture du dialogue, son opposition à toute modification des articles relatifs à la limitation du mandat présidentiel.
En visite auprès des agriculteurs du Trarza, il ne parle que de ses projets, laissant, à ses servants, la charge de demander plus de temps pour les mener à bout. Une astuce tactique qui ne trompe évidemment pas l’opposition, fermement appliquée à ne perdre aucune occasion de fustiger le pouvoir.
La campagne référendaire risque donc fort d’être essentiellement ré-orientée vers le troisième mandat que le Front du refus n’entend pas laisser passer. Faire triompher le oui, c’est, pour le gouvernement, dévaluer indirectement les articles relatifs à la limitation des mandats. Pour faire échec à ce projet, l’opposition a balancé entre deux attitudes.
S’impliquer dans la bataille, afin d’obtenir un score, sinon décisif, du moins honorable de non – c’est la position du CDN d’Ould Bettah – ou la refuser carrément, en visant le plus faible pourcentage possible de votants, ridiculisant celui alors probablement soviétique de oui.
Le gouvernement ne ménagera aucun effort pour contrer ces deux stratégies peut-être contradictoires. Les gros moyens déployés, par le ministre des Finances, Ould Diay, à l’occasion du passage du Premier ministre à Magta Lahjar, il y a plus d’une semaine, illustre bien ce que pourrait être la campagne qui démarre vendredi prochain.
D’ici là, l’opposition continue à affuter ses armes. Car, en laissant le champ libre au seul pouvoir, elle risque surtout de n’avoir qu’à en constater, une fois de plus, les dégâts. Le Président a claironné, haut et fort, qu’il ne perdrait pas le referendum, tout en précisant que, même en cas contraire, il ne quitterait pas le pouvoir.
D’où la crainte du Front du refus de voir les sbires de celui-ci user de tous les subterfuges pour faire pencher la balance de son côté. L’absence de représentants des partis de l’opposition leur en ouvre largement le couloir. De toute évidence, un combat à la David contre Goliath. Il faudra donc bien choisir la pierre à lancer, le moment le plus propice et… être très précis, dans l’exécution du geste décisif.
DL (Le Calame)