Traditionnellement, le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, invite à la rupture du jeûne toute la crème de la République, dont les élus de la Nation, pour la première journée du ramadan. L’édition 2017, correspondant à l’année musulmane 1438, n’a pas dérogé à la règle.
Cependant, cet événement, organisé dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 mai, a été marqué par un fait inédit. Une trentaine de sénateurs, issus de la majorité présidentielle, et tous membres d’un comité de crise mis sur pied en vue de gérer les relations de plus en plus tendues avec le pouvoir exécutif, ont boycotté cette cérémonie.
«Je n’ai pas voulu répondre à l’invitation présidentielle pour la rupture du jeûne. Une trentaine de mes collègues ont aussi refusé de se rendre au Palais de la République.
C’est une décision collective qui répond au contexte politique actuel, et à travers laquelle nous protestons contre le manque d’ouverture du pouvoir et son refus obstiné du dialogue pour trouver une issue à la crise politique», explique Maalouma Mint El Meidah, sénatrice et grande diva de la musique mauritanienne.
Ce récit témoigne de la haute portée politique du geste des sages qui se sont inscrits au registre des abonnés absents lors de ce rendez-vous informel, mais qui a pris progressivement une allure républicaine au cours des dernières années.
La démarche des sénateurs s'inscrit dans dans un contexte de pré campagne référendaire. Une consultation populaire officiellement prévue le 15 juillet prochain (sauf éventuel report) et dont le principal objectif est la suppression de la Chambre haute du Parlement, en plus de la création des conseils régionaux et la modification des symboles nationaux (drapeau et hymne national).
Ce projet de révision constitutionnelle a été approuvé à une écrasante majorité par les députés le 9 mars, et rejeté par le Sénat.
Ce vote négatif des sages a obligé le président Mohamed Ould Abdel Aziz à abandonner la voie tracée par le chapitre XI de la Constitution du 20 juillet 1991, à travers ses articles 99,100 et 101, pour jeter son dévolu sur l’article 38, que plusieurs spécialistes du droit constitutionnel qualifient «de clandestin» rappelant qu’il est de portée générale et ne pourrait servir que dans les cas de référendum parlementaire.
Ce bras de fer sous forme de conflit politique, centré sur la Constitution entre le président de la République et une partie de sa majorité, est une nouveauté pour la Mauritanie, un pays dont l’histoire est hantée par une présence constante des militaires dans l’exercice du pouvoir depuis 1978.
Par notre correspondant à Nouakchott Cheikh Sidya (Le360.ma)