La nouvelle est tombée, vendredi dernier, comme un couperet. L’ancien chef de l’Etat, Ely ould Mohamed Vall, venait de succomber à une crise cardiaque, en début d’après-midi, dans le lointain Tiris qu’il aimait tant. Celui qui fut, pendant près de vingt ans, directeur général de la Sûreté nationale (sous Maaouya), puis chef de l’Etat, de 2005 à 2007, après un putsch contre son mentor (d’où le surnom de « Sauveur » que ses admirateurs n’ont pas hésité pas à lui coller), laisse un vide immense. Farouche opposant à la « Rectification » opérée, par son cousin en 2008, Ely se sera investi, corps et âme au cours de ses dernières années, pour que la Mauritanie retrouve la chemin de la démocratie sur lequel il l’avait placée, en Avril 2007 lorsqu’il remit, de son plein gré et en strict respect de ses engagements, le pouvoir à un président civil.
Grand chef de guerre, Ely ould Mohamed Vall fut, surtout, un grand homme d'Etat, de première envergure et culture. Fin connaisseur de la Mauritanie et des Mauritaniens, il avait cette capacité de discernement et d'écoute sans commune mesure qui permet, aux décideurs, de prendre les bonnes décisions, au bon moment. A cet égard, on n’oubliera pas qu’en dépit de vingt années à la Direction générale de la Sûreté, son nom n’a jamais été cité dans le dossier du passif humanitaire ni dans aucune affaire « sale ».
Grand commis de l’Etat, sans donc jamais s’abaisser à l’exécution aveugle des basses œuvres, c’est, incontestablement, avec la Transition qu’il conduisit, de main de maître, entre 2005 et 2007, qu’Ely a révélé sa pleine dimension de chef d’Etat. Le respect de ses engagements publics lui a valu une aura internationale que beaucoup lui ont enviée, sans jamais parvenir, à l’instar de bien d’autres, à seulement en atteindre les fondements. Car, au-delà de l’assainissement de la situation économique – dettes intérieure et extérieure épongées – c’est bel et bien le président du Comité Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD) qui rendit le pouvoir aux civils.
Soupçonné d’avoir manipulé le processus de transition, en proposant d’abord Sidi ould Cheikh Abdallahi, avant de se rétracter, Ely ould Mohamed Vall aura cette réponse, sans fard, de s’opposer, dix-huit mois plus tard, au coup d’Etat de son cousin. S’engageant, sans équivoque, contre la « Rectification », c’est en défenseur de la démocratie que l’ex-président du CMJD, devint, ainsi, un des plus farouches opposants au putschisme maladif de ses pairs.
Naturellement discret et plus porté au filigrane qu’au-devant la scène, Ely ould Mohamed Vall aurait-il pu constituer une alternative, pour le règlement de la crise que subit le pays ? Il était assez grand, vivant, pour assumer cette responsabilité. Mort, il l’est plus encore, en ce que son décès inattendu cristallise une position sans concession contre l’abus de pouvoir. Ould Abdel Aziz ne s’y est pas trompé, en réservant, aux funérailles de son cousin, trois jours de deuil national. Mais cette tentative désespérée de récupération post-mortem réussira-t-elle à faire entrer l’encombrant cadavre dans le petit placard de la Rectification ? Vivant, il était grand ; mort, il l’est plus encore…
Ahmed ould Cheikh (Le Calame)