Plus que jamais, et sans alarmisme aucun, les priorités doivent être redéfinies en Mauritanie, du sommet de l'état, jusqu'à la base populaire, en passant par société civile, leaders d'opinions et hommes d'affaires, pour définir les responsabilités de chacun dans le cycle de faim pernicieuse installée en Mauritanie depuis 5-6 ans, qui déroule tranquillement son cercle vicieux, dans le silence le plus absolu. Perspective.
Oui, la faim existe en Mauritanie, causant parfois morts d'enfants. On ne le dit, on ne le lit, on ne le crie que rarement par ici. Comme si ce pays avait dépassé la phase primaire et de survivance, de l'alimentaire; certains leaders au pouvoir, notamment le président de la République, osant même parler "d'autonomie alimentaire". On parle d'agrégats satisfaisants, sur la base des observations du FMI ou de la banque mondiale, quand à l'intérieur, et de plus en plus en périphérie urbaine, une grande partie des mauritaniens, connaissent une faim prolongée. "Cela fait 8 ans maintenant qu'on parle d'urgence pour la Mauritanie. Or l'urgence correspond à un cycle court dû à un ou plusieurs chocs exogènes. Quand ce cycle se prolonge de plusieurs années, et que les causes essentielles sont endogènes, on peut parler de crise alimentaire structurelle pour la Mauritanie" explique une cadre d'une ONG internationale oeuvrant dans plusieurs régions du pays.
Une situation perceptible au Guidimakha, et surtout dans le Hodh El Charghi. Bougadoum, en terme démographique la 2ème plus grande commune de la Mauritanie, avec "près de 50% de sa population qui mange mal" s'exclame un des cadres de sa mairie, dans une réunion inter-communes de la moughataa d'Amourj, au Hodh El Charghi. Un chiffre donné par le technicien de mémoire, qui n'est pas éloigné du taux d'insécurité alimentaire de l'enquête "food security monitoring system" (FSMS) de juillet 2015, et qui est de 44%, quand celui du pays est de 26,8% en moyenne. Présent pour cette réunion, en tant que responsable du centre de santé d'Amourj, le médecin-chef Towol Ould Amoul, corrobore l'affirmation du cadre :"772 cas de malnutrition aigue et sévère (MAS) ont été admis dans les seules CRENAS de la Moughataa d'Amourj au Hodh El Charghi, entre février et fin novembre 2016".
La situation est similaire à Ould M'Bonny, dans la commune d'Ould M'Bonny, où pour pallier la crise alimentaire qui persiste ces dernières années, 165 bénéficiaires ont reçu durant quatre mois des transferts d'argent d'une ONG internationale. Djeinaba Mamadou Bâ en fait partie, originaire de la localité de Tchéné Djoubaye. Installée depuis quelques semaines à Sélibabi, «pour reprendre la terminale et pouvoir faire une formation en santé publique, afin de devenir infirmière», la jeune femme de 25 ans est maman de deux petits garçons (1 an et demi, et 3 ans). «L'argent a essentiellement servi à nourrir mes deux enfants. Beaucoup de gens mangent de moins en moins à leur faim dans mon village» témoigne-t-elle.
Un témoignage multipliable dans une grande partie des localités du Guidimakha ou du Hodh El Charghi, où le corrolaire de cette situation est le déficit pluviométrique persistant depuis quelques années, et une politique agricole de l'état défaillante.
«Suite aux sécheresses de 2011 et 2012 notamment, nous avons constaté que la plupart des communautés du Guidimakha vivant de l'agriculture étaient affaiblies par ces chocs exogènes. Ce support monétaire s'avère être une béquille efficace à très court terme, pour pallier le déficit pluviométrique qui a impacté les récoltes, et une politique de subventions agricoles bénéficiant surtout aux gros exploitants, aux hommes d'affaires; mais ce ne peut être qu'une béquille. Nous ne pourrons jamais remplacer la mission, les prérogatives d'un état. C'est une des première responsabilités d'un état, que d'assurer la sécurité alimentaire de ses citoyens. De ce point de vue, l'état mauritanien est en faillite criante» affirme un ancien fonctionnaire de la direction de l'agriculture, originaire du Guidimakha.
Ces difficultés à s'alimenter à l'intérieur, rampent de plus en plus rapidement dans les périphéries urbaines, notamment à Nouakchott. Au CRENAS du centre de santé de Dar Naïm, à Tounsoueilin, la soudure difficile de 2016 a révélé que le moindre choc climatique peut renverser beaucoup de choses. Sa responsable, Aïssata Bâ, dresse un autre tableau sombre et sans concessions pour 2016. "La malnutrition a été extrême durant cette période de soudure à Dar Naïm. Vous voyez le registre : nous comptabilisons 512 cas de malnutrition aïgue sévère, de janvier à ce 14 décembre 2016. C'est beaucoup trop, d'autant plus que beaucoup d'enfants ont nécessairement manqué au dépistage" précise-t-elle en feuilletant le registre du CRENAS. Des structures qui font ce qu'elles peuvent, avec les moyens faibles qu'elles ont. A côté, Sidi Ould Moctar, 7 mois, finit sa consultation pour une diarrhée déclarée, accompagnée de sa mère, Minetou Mint Cheikh. "Il est entré le 11 octobre, un cas violent de MAS, et est sorti le 8 novembre passé; aujourd'hui il va bien mieux Hamdoulilahi grâce à son suivi rigoureux, même s'il a eu une diarrhée ces deux jours" dit Aïssata Bâ. "Grâce au CRENAS, il va vraiment beaucoup mieux" témoigne sa mère, visiblement soulagée.
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