A la Snim, il y eut certainement la conséquence des dérives de gestion de ses prédécesseurs, mais l’arrivée de Mohamed Salem Béchir, n’arrange pas les choses. La société continue de naviguer à vue. Au lieu d’en soigner l’image, Ould Béchir s’occupe bien plus aujourd’hui de la sienne.
La Snim vit de mal en pis. Sa situation et son bilan (éventuel) restent préoccupants malgré la petite brise qui y a soufflé en avril 2016 après un malaise social profond. Il faut reconnaitre que sa situation d’alors ne pouvait être plus calamiteuse. Gangrenée par la mauvaise gouvernance, une diversification douteuse (prêt de 15 milliards à Najah Major Work, achats d’avions pour la MAI…) à laquelle se sont ajouté la chute des prix et une grève sans précédent de deux mois de ses ouvriers, la Snim agonise depuis. Les fluctuations actuelles des prix du minerai entre 50 et 70 Usd/tonne n’augurent pas, au meilleur des cas, d’une reprise à court terme.
Un faux espoir
Avril 2016, celui par qui le scandale est arrivé, Mohamed Abdellahi Ould Oudaa est débarqué après moult déconvenues. Il est promu Ministre de l’hydraulique à l’aune du baromètre du président Mohamed Ould Abdelaziz. Les «voies» de la présidence sont impénétrables! Mais si chacun pensait que se tournait pour de bon la page la plus douloureuse de l’histoire moderne de l’entreprise, l’espoir était de courte durée. Août 2016, le nouvel ADG Ould M’Bareck est remercié vraisemblablement en relation avec le scandale qui a secoué la Sonimex du temps où il était ministre de l’agriculture.
Mais aux dires de sources du personnel de l’entreprise, même s’il n’a pas eu le temps de mettre son emprunte personnelle pour sauver ce qui pouvait encore l’être, l’homme avait tout de même commencé à rassurer le personnel et à frayer un chemin ne serait-ce que pour sortir la société de la bulle dans laquelle l’avait enfouie son prédécesseur.
C’est sous son ère que reprend la construction de l’immeuble de l’entreprise depuis trois ans en standby pour des raisons financières. Mais il fut «rattrapé» par l’affaire de la Sonimex. Il avait, rappelle-t-on, dans un entretien avec Africa24 prononcé le mot de « trop ». Le mot qui épinglait son prédécesseur. Toujours est-il que dans l’affaire de la Sonimex, l’actuel premier Ministre, Yahya Ould Hademine, son ennemi juré, se réjouissait de l’y enfoncer. La rivalité politique entre les deux hommes n’était plus qu’un secret de polichinelle. Seul l’inspecteur de l’IGE d’ailleurs payera dans cette affaire les pots cassés. Il sera limogé manu militari. C’est aussi cela l’administration mauritanienne bien plus occupée à une lutte d’influence qu’à résorber les défis d’intérêt général.
Ce climat délétère qui achevait de donner le coup de grâce à l’entreprise ne pouvait certainement que préoccuper aussi les gouvernants utilisant l’entreprise comme la poule aux œufs d’or. L’instinct de survie. Et en cas d’urgence dans le naufrage, on s’agrippe à tout même s’il peut s’avérer un grand leurre par la suite. C’est donc dans les circonstances de l’ouverture de la boite à pandore de la mauvaise gestion des deniers publics de la Sonimex par l’IGE que le gouvernement se retrouve ainsi pris à son propre piège. Dans le sillage de l’affaire du trésor intervient aussi celle du projet « Vaincre» où Jemila Mint Mohamed est épinglée pour un trou de 700 millions d’ouguiyas environ, intervient aussi l’affaire de la Sonimex : 4 millions Usd d’engrais partis en fumée!
De quoi irriter les prétentions de lutte contre la prévarication des deniers publics, slogan du Chef de l’Etat. Et comme les plus grands malheurs viennent de ceux qui sont les plus proches, Ould Abdelaziz redécouvre que son sérail est fait de gabégistes qui veulent aussi se servir. L’emprisonnement-libération de ces budgétivores tourne au ridicule la Justice dans le pays où des enfants son jetés des années durant en prison pour de petits larcins comme le vol d’un téléphone alors que les responsables administratifs et politiques retrouvent facilement la liberté en quelques mois après avoir grugé l’Etat de centaines de millions. Une justice à deux vitesses! Mais revenons à nos moutons!
Le scénario catastrophe
Aujourd’hui, quatre mois que l’un des proches parmi les proches du président, ancien DG de la Somelec, acteur de l’affaire Wartsila, ancien ministre du pétrole, des mines et de l’énergie, Mohamed Salem Ould Béchir, a pris les commandes de l’entreprise. On aurait pu y voir une volonté d’une mission avec obligations de résultats pour l’homme. Il est même censé comme ancienne tutelle appréhender tous les défis et aléas de sa situation. Mais c’est sans doute bien plus pour perpétuer un écran de fumée qu’il remplace l’autre confident (Ould Oudaa). Objectif garder au placard toutes les casseroles.
La Gouvernance ne s’est donc pas améliorée depuis d’un iota. La même chape d’inquiétudes et d’interrogations sur l’avenir immédiat de l’entreprise couve encore dans l’esprit des travailleurs qui font encore montre de stoïcisme pourvu de voir le bout du tunnel un jour. L’environnement de production non plus n’enchante pas. Pire, la Snim continue de se débattre dans les mêmes inextricables puzzles économico-financiers. La solution dégagée avant l’arrivée de Ould Béchir était basée sur un premier diagnostic qui faisait de la réduction des dépenses, du maintien du niveau de la production et du personnel existant un sacerdoce. Mais les dernières mesures de nominations au sein des ressources humaines prises par le nouvel ADG, Ould Béchir, tranchent bien avec cette équité. Des grincements de dents se font sentir déjà sur les raisons de ces réaménagements qui n’ont aucune incidence sur l’amélioration des résultats. Ces mesures ont surtout profité au personnel qui n’avait pas pris part à la grève qui avait paralysé l’entreprise janvier et février 2015. Beaucoup y voient un népotisme après avoir reçu l’assurance de Ould M’Bareck d’une gestion de proximité de la ressource humaine. Et comme un malheur ne vient jamais seul, se dévoile chaque jour des sinistres (Centrale Ghelb de Zouérate en feu) du fait d’un laisser-aller qui commence à s’installer à un tournant difficile pour l’entreprise.
Pendant ce sale temps, le nouvel ADG s’offre des «selfies» dans les colonnes de la presse internationale dans une nouvelle politique de communication qui n’est plus tournée sur l’entreprise mais sur son «boss». Se sent-il en sursis par rapport à son mentor?
Rien n’est moins sûr d’autant que le président traverse une période de rendez-vous politiquement importants comme le futur référendum sur les modifications constitutionnelles mais aussi et surtout sur son propre avenir politique.
Le scepticisme reste donc de mise dans une entreprise qui pendant 5 ans d’affilée (2010-2014) a vendu le minerai parfois à plus 190 Usd/tonne mais qui depuis 2015 exorcise sa mise à mort. Il est donc peu probablement que l’actuel ADG infléchisse cette tendance à la catastrophe. Mais quoiqu’il en soit, on se doute qu’on lui en tiendra pas rigueur et qu’il pourra aussi revenir à un autre strapontin ministériel…C’est comme la corrida : terrasser le taureau (Snim) peut valoir les honneurs. Cela vaut bien un « selfie» sur mesure.
J.D