Kassataya-11 juillet 2016. L’ambassade de Mauritanie à Paris, située rue Montevideo dans le très chic XVI arrondissement, a fait l’objet, la semaine dernière, d’une énième mise à sac. Immédiatement, les regards se sont tournés vers le très controversé enrôlement des populations mauritaniennes que d’aucuns jugent discriminatoire envers les populations noires de Mauritanie. KASSATAYA.COM est allé a mené l’enquête et vous en dit davantage.
Mardi 5 juillet 2016. Comme souvent depuis l’ouverture d’un bureau d’enrôlement des populations mauritaniennes de France (et d’Europe), les locaux de l’ambassade sont pris d’assaut par des dizaines de Mauritaniens à la recherche de sésames de plus en plus précieux : visas, récépissé d’enrôlement, actes de naissance, déclaration de naissance et autres documents d’état-civil. Il est un peu plus de 10 h ce mardi matin quand Souleymane S., la trentaine, pousse la porte de l’ambassade. Il manque de renverser un employé et se dirige vers l’arrière-cour où se trouve l’aile réservée à l’enrôlement. Souleymane S. est un habitué des lieux. Depuis un peu plus d’un mois, il court après un document attestant que son enrôlement a bien été validé. D’après un témoin joint par KASSATAYA.COM, Souleymane S. avait commencé à montrer des signes d’énervement déjà jeudi 7 juillet. « J’étais assis juste à ses côtés et il n’arrêtait pas de protester. Il se plaignait de devoir effectuer des déplacements qui lui coutaient cher en temps et en argent et ne comprenait surtout pas qu’on retarde le traitement de son dossier alors qu’il remplit toutes les conditions. Un agent de l’ambassade lui proposa alors de lui laisser ses coordonnées afin qu’il puisse l’informer de l’évolution de son dossier et lui éviter de se déplacer » poursuit notre source.
IMPATIENCE
Mais, Souleymane S. trouve le temps long. Mardi donc, sans attendre, il se présente devant le responsable des opérations d’enrôlement pour s’enquérir, comme un rituel, de l’état d’avancement de son dossier. Voyant qu’il n’y a eu aucune évolution depuis jeudi, Souleymane S. se saisit d’une chaise et renverse tout ce qui se trouve à sa portée, y compris un ordinateur. Le responsable de l’enrôlement et quelques agents présents dans la pièce sortent précipitamment. D’autres interviennent pour Souleymane S.; celui-ci sort de la pièce mais s’énerve tout de suite après et renverse une benne à poubelle. C’est alors que l’ambassade décide de faire intervenir la police française qui embarque Souleymane S. immédiatement placé en garde-à-vue.
DES PRECEDENTS
Ce n’est pas la première fois que l’ambassade de Mauritanie en France est sujette à ce genre de mésaventure. Rien que ces trois dernières années, deux cas similaires sont à relever comme le rapportaitKASSATAYA.COM.
En mai, près de quinze étudiants avaient occupé l’ambassade de Mauritanie pour protester contre les discriminations envers les communautés dont ils sont issus. Les autorités mauritaniennes avaient porté plainte et le procès s’était soldé par la condamnation des étudiants à des peines légères.
Un an plus tard, en mai 2015, un individu répondant au nom de Ould Sidi, muni d’armes blanches s’introduisait dans le bureau de l’ambassadeur M. Wagne Abdoulaye Idrissa avant d’être maitrisé sans faire de victime. Contrairement à la précédente affaire, cette agression n’avait pas l’objet de plainte.
UN ENROLEMENT A PROBLEMES
Le fossé entre l’ambassade de Mauritanie en France et ses administrés ne fait que se creuser davantage depuis le lancement de l’opération d’enrôlement. Les raisons de ce désamour tiennent aux conditions d’accueil qui ne satisfont pas les usagers mais aussi à un problème de communication. Selon les confidences recueillies par KASSATAYA.COM, « il y a une confusion entre les services consulaires, l’état-civil et les activités de l’ambassade à proprement parler. Le fait que les opérations d’enrôlement se déroulent dans les locaux de l’ambassade laisse penser que c’est la chancellerie qui en est responsable. Ce qui est erronée. En vérité, l’ambassade n’a aucun droit de regard sur ce qui se passe en matière d’enrôlement, d’établissement de passeport ou de visa. Tout dépend de Nouakchott et tout y est validé». C’est donc au niveau du tout puissant administrateur directeur général de l’Agence Nationale du Registre des Populations et des Titres Sécurités M. M’Rabih Rabou Ould El Wely que se situe le nœud du problème. La décision de ne plus exiger un titre de séjour français pour l’enrôlement des Mauritaniens de France, la disponibilité de l’ex ambassadeur M. Wagne Abdoulaye Idrissa puis de son successeur Mme Aichetou Mint M'Haiham envers des administrés en désarroi ne sont pas suffisantes pour apaiser les rancœurs ni améliorer les relations avec les Mauritaniens de France.
QUE VONT FAIRE LES AUTORITES MAURITANIENNES A PRESENT ?
Cette nouvelle affaire met les autorités mauritaniennes dans l’embarras et le président Ould Abdel Aziz dans une grosse colère. Mais les options qui restent sur la table ne sont pas légion. Les autorités mauritaniennes peuvent poursuivre la fuite en avant en se barricadant davantage comme elles l’avaient fait il y a quelques années. Elles avaient engagé un procès contre les étudiants qui avaient occupé les locaux de l’ambassade. La sécurité de l’ambassade avait été renforcée par l’affectation d’une demi-douzaine de policiers directement venus de Mauritanie. Trois d’entre eux avaient déserté leurs postes et demandé l’asile politique en France, rejoignant, dans une certaine mesure, les foules qui dénoncent les abus en Mauritanie. Aujourd’hui, les autorités envisageraient de s’attacher les services d’une agence de sécurité en France pour filtrer les entrées à l’ambassade. Ce qui fait dire à une source interne que « ce n’est pas comme cela que les problèmes vont être réglés. Il faut nécessairement dissocier les activités consulaires de tout ce qui relève de l’état-civil. On peut établir des documents provisoires aux Mauritaniens qui ont besoin de régulariser leur situation auprès de l’administration française en attendant de pouvoir se faire enrôler en bonne et due forme. Mais on dirait qu’il y a une main invisible qui fait tout pour que certaines catégories de population ne puissent pas se faire enrôler même si toutes les conditions sont réunies ».
En attendant, toutes les activités telles que l’enrôlement, l’établissement des passeports et des visas sont suspendues jusqu’à nouvel ordre et l’accès aux locaux de l’ambassade strictement contrôlé.
POST SCRIPTUM
Au moment où ces lignes sont écrites, lundi 11 juillet, M. Souleymane S. est revenu à l’ambassade mais n’a pu y accéder et aucun nouvel incident n’a été signalé. Les autorités ont fait intervenir la police française et ont port plainte contre M. Souleymane S.
Nous avons essayé de joindre l’ambassade de Mauritanie en France en vain.
Par Abdoulaye DIAGANA pour KASSATAYA.COM