Un ami avait récemment affirmé que l’affaire du meurtre de Zeini a été surmédiatisée parce qu’il est issu d’un milieu social donné. Il a rajouté, mine de rien, que le défunt n’était pas la première victime de l’injustice ni n’en serait la dernière. Cette sortie de mon ami est d’autant plus malheureuse qu’inappropriée. Invoquer la fréquence de l’injustice pour justifier sa désolidarisation d’un cas isolé relève de l’insouciance. Elle dénote plus une prédisposition à l’amnésie morale qu’un attachement, sans faille, à des idéaux universels. On ne peut pas attendre que tout le monde soit traité équitablement pour décider de s’engager dans la voie de la défense des opprimés. Si notre degré de dévouement à l’idéal de justice se mesure à l’aune de notre engagement à l’égard des seuls marginalisés sociaux, notre conception de justice manque alors de rigueur. Autrement dit, la sélectivité dans l’expression des sentiments moraux est contraire au devoir universel de solidarité humaine. Elle dénote une volonté de se donner bonne conscience pour assouvir un ego bourgeois plus qu’elle ne signifie un humanisme au sens propre du terme.
Une mère a perdu un fils unique dans la fleur de l’âge. Et c’est déjà une douleur immense que d’en éprouver la perte. Mais sa souffrance ne s’arrête pas là. Elle se multiplie chaque jour à cause du dysfonctionnement de notre système judiciaire et de la corruption qui gangrène nos institutions.
On ne fait pas d’enquête criminelle sérieuse dans notre pays
A chaque fois qu’un fait divers criminel se produise, notre police judiciaire vient nous annoncer, après seulement quelques heures, voire quelques jours au maximum, que l’enquête est terminée et le dossier clos. La vélocité avec laquelle on bâcle les enquêtes criminelles en Mauritanie n’a qu’une seule explication : on ne fait pas vraiment d’enquête criminelle dans notre pays. Pourtant, les outils scientifiques d’investigation criminelle ont beaucoup évolué ces dernières années, et leur coût a aussi énormément baissé.
Les empreintes digitales, l’analyse de l’ADN, les tests de fluides corporels, le décryptage de messages téléphoniques, les techniques de récolte des indices, l'analyse médico-légale des cheveux, les techniques d'identification et de visualisation criminelles etc., tous ces moyens sont devenus désormais financièrement abordables et partant à portée de main pour les pays même les plus pauvres, encore faut-il avoir la volonté de les déployer et de former une véritable police scientifique capable d’en faire usage. Ce n’est plus vraiment une question d’argent mais bel et bien de volonté politique.
Je compatis sincèrement avec cette famille qui vient de perdre un jeune homme dans la fleur de l’âge et à l’avenir prometteur. Et je récuse complètement les explications données jusqu’ici par notre soi-disant police criminelle. On ne badine pas avec la vie des gens. Mieux, quand on avance une hypothèse dans le cadre d’une investigation criminelle de cette envergure, on devrait être capable de l’étayer avec des données empiriques. Sans quoi, on aggrave la souffrance des familles en deuil et on déshonore de surcroit la mémoire des victimes. Or, en l’absence d’une autopsie en bonne et due, il est impossible d’établir, avec rigueur, la cause exacte du décès. Et tout porte à croire, selon les indices disponibles, qu’il s’agit bel et bien d’un meurtre ; d’où la nécessité de rendre justice à la victime et à ses ayants droit.
Par Mohamed El Mokhtar