L’or et le discours de Néma : Les prémisses d’un changement ou la révolution contre Aziz et Taziaset | Mauriweb

L’or et le discours de Néma : Les prémisses d’un changement ou la révolution contre Aziz et Taziaset

mer, 11/05/2016 - 16:06

Deux événements saillants de l’actualité nationale ont marqué le début du mois d’Avril dernier et se sont conjugués, ruinant le peuple mauritanien au cours de cette année de l’impôt (2016) qui n’a pas été proclamée comme telle, à l’image de celles de l’agriculture et de l’éducation de mauvaise renommée. La première, avec la prospection de l’or en utilisant des moyens primaires;  la seconde, avec la récente visite du Président dans la région du Hodh Al Charghi qui a été finalement celle des résidents de Nouakchott, de Nouadhibou et du Tagant… ainsi que des tribus venus à Néma, parcourant un trajet long de 1200 km à partir de la capitale en réponse aux sollicitations du pouvoir qui s’est mobilisé à tous les niveaux de la hiérarchie, invitant les populations à venir dare-dare au «jour du grand rassemblement» afin de porter ombrage à la victoire du Président Ahmed Ould Daddah à Nouakchott lors du meeting de Février dernier.

 

Ces deux événements ont démontré, s’il en était encore besoin, la faiblesse de la conscience nationale chez le pouvoir par comparaison à sa volonté de pillage des impôts et d’appauvrissement des citoyens déjà ruinés au premier chef ; ils ont aussi tempéré le Président grâce à l’engouement des supporters venus l’accueillir alors qu’en le saluant il affichait un air de dédain, déversant en la circonstance son courroux méprisant sur l’opposition.

 

Le gouvernement n’a pas cherché à camoufler son manque de responsabilité vis à vis de la protection des biens des citoyens et ne s’est pas, non plus, occupé de leur sort. C’est ainsi qu’il a accepté la fuite de leurs capitaux à l’étranger et a noyés leurs détresses, leurs douleurs et leurs rêves dans un désert désolé, en période d’été où la chaleur atteignait plus de 50° à l’ombre. Ainsi, nous assistons, perplexes, à une  conjuration d’imbéciles malins qui poussent des milliers de citoyens à la dérive, sous la chaleur accablante du mois de Mai et le souffle brûlant de l’harmattan.

 

La rumeur de la ruée vers l’or est venue à un moment idéal pour tous. Elle fut salutaire pour Aziz submergé par les événements politiques, empêtré dans la crise économique et les tensions sociales. Elle intéressera également le peuple qui fait face à la tutelle d’un mauvais  gouvernement, d’un Etat démissionnaire et incapable de trouver une quelconque parade aux horizons bouchées dans lesquelles se trouve confinée tout un pays, incapable aussi de créer des conditions minimales d’emploi et d’amélioration du climat des affaires, ni de trouver un quelconque remède à l’immigration des forces vives de la Nation vers l’étranger à la recherche de meilleures conditions d’existence.

 

La ruée vers l’or a donc constitué un don d’Allah pour les deux camps qui s’épiaient, offrant de la sorte un espace de détente provisoire. A la faveur de ces circonstances, le Président Aziz a pu se libérer de certaines contraintes et cela va se manifester lors de son discours au meeting de Néma. De même, la tension et la détérioration de la situation politique vont connaître un répit relatif. Tout mauritanien rêve désormais de devenir riche, du jour au lendemain, au lieu de gagner laborieusement son pain quotidien. Cette situation ne manquera pas de peser sur le climat politique un certain temps d’autant plus qu’il n’est pas possible de détourner l’opinion de la recherche de l’or, seul intérêt aujourd’hui des mauritaniens et toutes les spéculations vont bon train sur les quantités trouvés, les zones d’intérêt et les heureux explorateurs, etc. Le régime n’a pas pu exploiter cette occasion et s’est plutôt attelé à engranger le maximum de revenus à travers les impôts au détriment de la classe moyenne comme s’il cherchait à ruiner tout un peuple et enfoncer davantage les populations déjà démunis dans un total dénuement et dans la misère.

 

Il est de notoriété publique que la question de la recherche de l’or n’est qu’une aventure ou, du moins, un risque pour les biens qui lui seront consacrés et dont les citoyens devront supporter les périls qui en découleront nécessairement, surtout qu’il n’y a aucun encadrement de l’Etat. Ce dernier s’acharne, profitant cette aventure pour de la recherche de l’or, en vue de faire payer au citoyen la coquette somme de 403 000 UM à titre d’impôts comme s’il cherche à tordre le bras à tous ceux qui veulent tenter leur chance dans le Taziaset ou le Tijirit en quête du métal précieux, soit 17 000 personnes qui ont déjà pu accéder au fameux récépissé, véritable trou dans la poche de nos citoyens renflouant les caisses de l’Etat. Cela permettra, sans nul doute, à n’importe quel responsable de ce gouvernement de déclarer que cet argent permettra de construire des routes.

 

Cette épreuve qui constitue «le meilleur privilège dont dispose ce régime» a engloutie tout ce qui est en notre possession et nous écrase comme sous un rouleau compresseur. En réalité, l’Etat a laissé  ses citoyens exposés à la spéculation, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, d’autant plus qu’il n’a pas d’informations crédibles sur le potentiel de la zone investie par des milliers de mauritaniens munis d’autorisations d’exploitation de l’or. Pire, l’Etat a accrédité les rumeurs concernant la découverte d’une zone où l’or serait abondant, laissant à la spéculation le soin de faire le reste, de déterminer les quantités et d’exagérer les informations distillées ça et là. Au fond, il ne disposait pas d’informations complètes qui auraient permis de mesurer le niveau risque pour les biens des citoyens qui peuvent bien être gaspillés du fait dévastateur de cette funeste rumeur. Le gouvernement aurait dû être plus attentif et plus sensible au sort des mauritaniens jetés  en pâture à la férocité du désert, en cette période de grande chaleur. Chacun de ceux qui sont autorisés à cette aventure devra dépenser 3 à 4 millions d’ouguiyas pour être opérationnel d’autant plus que la zone est totalement isolée de tout centre urbain.

 

Même s’il ne dispose pas d’informations sur le potentiel de cette zone, le gouvernement sait pertinemment qu’elle faisait pas partie du permis de recherches octroyé à la société Taziaset qui l’a finalement abandonné en 2010 et a conservé ceux de Dawas et Em’Kebedna. N’est-ce pas là, déjà, une présomption suffisante sur le fait que la zone, objet d’autorisations à savoir Ahmeiyime n’est, en tout cas pas, si riche en or?…

 

Après avoir pêchés et creusés, remués de fond en comble les sols de la zone d’Ahmeiyime, des milliers de gens se sont rendus à l’évidence que l’or n’existe pas sur cette terre autorisée par le gouvernement. Des heurts ont eu lieu avec la gendarmerie lorsqu’ils ont voulu s’installer avec force dans un autre endroit non autorisé. Ils ont prétexté que les efforts de recherches qu’ils ont fournis étaient vains parce qu’il n’y avait pas d’or dans la zone prescrite à l’exploration et qu’ils ont mobilisés tous leurs biens dans cette opération et, qu’en conséquence, ils sont obligés de rester en cet endroit où l’or peut être découvert et non dans la zone octroyée.

 

C’est pour cette raison qu’ils se sont affrontés avec la gendarmerie, ce qui a conduit certains à subir des blessures suite à l’intervention musclée de celle-ci, selon les informations en provenance du site. Finalement, le gouvernement les autorisait à travailler dans la zone de Dawas qui se situe dans le périmètre du permis dont dispose la société Taziast.

 

Qu’est ce qui donc va se produire si les gens ne trouvent pas l’or sur ce nouveau terrain et surtout s’ils ne rentrent pas, au moins, dans leurs fonds d’investissement d’autant plus que la prospection a mobilisé des milliers de mauritaniens de tous les bords?

 

Dans cette épreuve, le régime a préféré renflouer le Trésor et abandonner les citoyens à un sort malheureux. Mieux, il a procédé à une véritable opération de tricherie et dont les conséquences désastreuses sont imprévisibles, la classe moyenne étant la principale victime. Le marché mauritanien devra également en pâtir surtout les fonds mobilisés pour cette opération ne proviennent pas de l’extérieur, ni d’un financement de sociétés mais il s’agit, plutôt, de ressources propres de citoyens que le gouvernement et les entreprises étrangères se sont accaparées et n’auront jamais un impact dans le cycle économique au sens de la circulation monétaire.

 

L’Etat a tourné, encore de nouveau, le dos au peuple en ce qui concerne ses responsabilités vis-à-vis de cette nouvelle région qu’il a créé en vue de la prospection sur une étendue de 1972 kilomètres carrés (Zone Ahmeiyime) et qui représente un potentiel de regroupement de trois Wilayas réunies (Adrar, Tagant et Inchiri), soit 85 000 habitants sans compter les personnes en situation irrégulière. Cette évaluation est faite en se basant sur le nombre de 17 000 autorisations dont chacune est attribuée à 5 personnes.

 

Dans cette région, il n’existe aucun service public, même à titre provisoire, ni de boutique Emel («seul recours social aux yeux de notre gouvernement»), ni de point d’eau viable, etc.

 

Le régime a gagné ce tour de force avec toute la cruauté et l’opportunisme qui le caractérisent en de telles circonstances mais ne pourra pas défendre son comportement et son maigre bilan si la majorité de ceux qui se sont donnés à l’aventure n’ont pas eu gain de cause et ne pourra pas échapper à la vindicte populaire, lui qui a trompé les prospecteurs et les a spolié de leurs biens. A cet instant fatidique, le combat va se dérouler sur un autre terrain de prédilection.

 

La vérité - il faut l’avouer- le gouvernement n’est pas à l’origine de la rumeur sur l’or et fut surpris lorsqu’il a appris la baisse du prix de l’or sur le marché national, négligeant et peu vigilant qu’il fut. Il envoya alors une mission afin d’évaluer la situation (et non pour la prospection). Celle-ci devra découvrir déjà de nombreux sites de creusement du sol par des prospecteurs. C’est à ce moment là que le gouvernement va donner pour la rumeur une consistance officielle en faisant miroiter de nouvelles perspectives pour les mauritaniens pauvres avec l’existence de l’or à portée de mains sans se soucier le moins du monde d’obtenir des informations viables à ce sujet. De ce fait, il n’a pas mesuré à sa juste valeur l’ampleur de la perte que vont subir le peuple et l’Etat réunis.

 

En effet, tous les appareils utilisés dans cette opération sont importés de l’extérieur avec des devises et ont fait l’objet de spéculations terribles depuis le premier jour de l’annonce par le gouvernement de sa décision d’octroyer des autorisations contre paiement d’impôts.

 

 Les prix des appareils ont grimpé  de 733 à 17 000 Dirhams Emaratis au cours de la première semaine et de 1 500 000 UM à  2 000 000 UM localement. Les équipements de détection ont disparu en France et furent importés de la Grande Bretagne, d’Espagne et d’Amériques avec un prix de 1700 Euros au Royaume Uni, 2800 en Espagne et 3000 en Amérique, soit une moyenne d’un million pour chaque autorisation, ce qui représente 17 Milliards d’Ouguiyas en devises. Le marché des devises a, quant à lui, subi les conséquences de cette fièvre et sous la pression de la demande le taux de l’Euro a augmenté, passant de 395 à 412 UM, le Dirhams Emaratis de 97 à 110 UM. Au niveau du marché local, tous les prix qui concernent l’approvisionnement  dans la zone de prospection ont monté en flèche.

 

Les citoyens engagés dans cette opération dramatique se trouvent désormais face à deux feux brûlants :

 

- Celui des charges que l’Etat et les commerçants ont imposé dans une activité périlleuse et incertaine ;

- Le risque pour de nombreux gens de s’installer dans la précarité dans un pays où la politique du gouvernement ne laisse entrevoir aucune perspective de relance économique et, en conséquence, aucune amélioration du climat des affaires et de conditions meilleures pour l’emploi.

 

Le gouvernement devra supporter sereinement toutes les accusations qui lui sont adressées :

 

L’accusation de tromperie du peuple et la spoliation de ses biens sans lui offrir de contrepartie alors que le gouvernement  considère à tort qu’il perçoit un impôt au titre de l’investissement alors que les études et le cadastre n’ont pas révélé de l’or à la surface de la terre ;

L’accusation d’insouciance du gouvernement et de manque de protection des citoyens face à la spéculation des sociétés étrangères et des commerçants.

 

Ce débat se déroule loin de l’entendement des pauvres et fait coulé leurs salives sur sa table. Ce sont des citoyens qui auraient pu tirer profit de cette opération dans le cadre de la discrimination positive dans un Etat qui prétend s’engager dans la défense les pauvres proclamé par le Président de la République qui s’affuble lui-même de «Président des pauvres».

 

Le régime a fait exploser la situation intérieure en proclamant l’existence de l’or, ce que les gens ont pris au sérieux en procédant à la vente de leurs biens, en mobilisant leurs épargnes, en s’endettant, en mutualisant leurs moyens et leurs efforts sans jamais envisager un seul instant l’avenir et sans jamais se soucier du fait que l’or peut ne pas être trouvé en quantité rentable pour l’opération menée tambour battant.

 

C’est une grave situation qui me rappelle bien la fantastique imagination de Mikhaïl Boulgakov (le diable visite Moscou) dans une visite supposée du diable à Moscou dans les années 1940 au moment où l’Union Soviétique était isolée du Monde. Ce diable a organisé une soirée artistique à l’opéra de Moscou et placé sur le proscenium (l’avant-scène) une exposition des modes mondiales et a demandé à l’assistance  d’avancer vers le podium et que chacun s’approprie sa mesure parmi les produits exposés et «cela fut, pour sa part, un rêve». Les gens se sont dirigés, petit à petit, à la tribune jusqu’à devenir grouillante de monde et la situation s’est subitement transformée sous la chaleur, les chaussures et les habits se sont volatilisés: certains jetaient leurs jaquettes et leur chemises, d’autres se débarrassaient de leurs pantalons et certains vont jusqu’à ôter tous leurs vêtements, y compris leurs sous-vêtements, des montres tombaient, des chaussures frappaient aux tempes, des gens tombaient sur les jambes des autres et une véritable cacophonie s’est installée. En quelques minutes seulement, l’exposition fut close, laissant le public se découvrir les uns aux autres, complètement déshabillés, leurs chaussures et leurs habits se trouvant mélangés, la salle est dominée par un terrible tohu-bohu et des cris en jaillissaient. Chacun se démenait pour trouver de quoi couvrir une partie de son corps nu ou récupérer certains des habits perdus dans la mêlée.

 

Cette situation rassemble bien à ce que nous sommes en train de vivre depuis que la rumeur de la découverte de l’or  s’est installée. Une véritable frénésie s’est emparée de chaque individu, oubliant son état réel et se jetant dans une aventure dans laquelle il va découvrir, tôt ou tard, qu’il  a perdu toutes ses épargnes si l’or s’avère inexistant. Le régime se trouvera, lui aussi, responsable de  cette situation pitoyable et de ses éventuelles conséquences pour le pays. Il fera, en plus, face à l’accusation de connivence avec Taziaset. Il ne fait plus de doute que cette société étrangère a pillé les ressources de notre pays parce qu’elle a fait prévaloir, dans l’étude de faisabilité quelle a menée au départ que le coût d’exploitation de l’once d’or reviendrait à 272  Dollars alors que, plus tard, au moment de la montée des prix de l’or elle renchérit pour estimer les frais de production de l’once à 1462 Dollars. Cette société, qui est parvenue à exploiter ce gisement à ciel  ouvert, est une entreprise ruineuse et devra être soumise à la justice, puis nationalisée proportionnellement  au pillage des richesses de ce pays. A son tour, le gouvernement devra répondre de son silence pendant dix ans sur cette situation catastrophique.

 

Le retour de ceux qui se sont rués vers le Taziaset ne sera pas meilleur que pour ceux qui sont allés en vacarme à Néma pour assister au meeting du «Grand rassemblement» mettant fin à tout espoir démocratique sous ce régime par le truchement de l’Etat  et le comportement des «généraux» du Président Aziz. Nous vivons, en ce moment, un retour en arrière par rapport à l’engagement d’honneur de l’institution militaire qui renie, pour la troisième fois, sa disponibilité à abandonner la politique et retourner aux casernes.

 

En effet, la période de transition en 2005 fut marquée par un accord tacite avec toute la classe politique au terme duquel le parrainage du coup d’Etat se fera en échange du retrait de l’armée de la scène politique. Il n’a pas fallu un long temps pour que l’armée revienne à la charge en menant le coup d’Etat en 2008 qui fut un véritable revers pour le pays. De nouveau, l’institution militaire s’est engagée, sous les auspices de la communauté internationale, à se dégager du jeu politique au cours du dialogue à Dakar. Sous de fausses apparences, le pouvoir militaire s’est engagé de nouveau dans les élections de 2008 et le voilà, qu’aujourd’hui par des efforts tenaces, Aziz s’emploie à préparer un coup d’Etat constitutionnel. Il en ressort que l’ambition du pouvoir en place n’est pas de faire prospérer la démocratie comme l’a si bien exprimé le Président Aziz dans son discours de Néma en déclarant qu’un certain niveau de la démocratie restera encore impossible à atteindre.

 

Aziz ne veut pas d’une démocratie fonctionnelle où l’opposition est indépendante et joue son rôle naturel de contre-pouvoir. Il ne s’accommode pas, non plus, d’un pouvoir où il ne sera pas seul maître à bord de son gouvernail. Désormais, il s’applique à donner une plus grande place aux tribalistes et aux régionalistes sous les effets conjugués des  conflits et des tensions  politiques montantes.

 

Maintenant, le régime compte mettre à profit les juridictions désuètes en Afrique et son intérêt pour la pratique démocratique devient, de moins en moins, conséquent. De  fait, il a abandonné toutes les mesures pouvant contribuer à la renaissance démocratique. C’est ainsi que nous sommes en train de construire un système démocratique falsifié. Le danger guette notre système politique  en raison des graves violations du mode d’alternance au pouvoir. De même, la modification de la constitution ne manquera pas de porter un coup fatal pour l’avenir du pays.

 

Aziz remue de plus en plus son doigt dans la plaie saignante, objet de l’alternance au pouvoir et agit comme s’il a déposé le Président Maaouya pour s’installer durablement à sa place durant une période de 20 ans. Les peuples ont marre de ce genre de régime qui s’accroche désespéramment au pouvoir sur une longue période et ne supportent plus les dirigeants qui le gouvernent plus de 10  ans d’autant plus qu’une telle  situation engendre souvent des crises multidimensionnelles. La situation des citoyens est aujourd’hui différente de celle d’hier et demain, la comparaison de l’état de leurs conditions d’existence sera encore plus délicate.

 

Il n’existe pas dans le pays d’infrastructures susceptibles d’être développées ou, tout au moins, rénovées. Les équipements et les moyens de transport se sont effondrés, les structures éducatives forment de nombreux jeunes diplômés pour les verser dans la rue, au chômage. Quelles sont donc les motivations du renouvellement du régime s’il est porteur de pratiques destructives du processus démocratique et de mégotage sur les citoyens?... L’augmentation du prix de la charge du riz qui s’est traduite par la somme forfaire de 6 000 UM est illégale, antinationale et son initiateur ne peut en aucune manière espérer la  décoration et la bénédiction du peuple.

 

Le pouvoir va en tambours battants pour désagréger l’Etat mauritanien, ni plus, ni moins. Nous sommes donc à la case départ où se trouvait le pays avant 2005 : un régime insouciant quant à l’avenir   du pays, une économie  en déclin, une mosaïque  politique soutenant un processus dont elle souhaite, en son fort intérieur, sa disparition. Tout cet état de fait auquel nous assistons aujourd’hui représente une action individuelle contraire aux intérêts de la patrie qui sollicite plutôt les efforts conjugués de chacun de nous, quelque soit sa valeur et son poids politique.

 

Ould Abdel Aziz, qui ne dispose d’aucune prérogative le qualifiant pour une telle mission, considère qu’il représente le centre d’intérêt pour la réforme de l’Etat en raison des avantages personnels qui en font le sultan de l’étape, un dirigeant pour lequel tous baissent la tête, assurant des lendemains meilleurs et capables de résoudre tous les problèmes du pays.

 

La réalité est aujourd’hui têtue. Les pauvres n’ont pas tiré profit des richesses du pays alors qu’il s’est engagé personnellement à relever ce défi. C’est le contraire qui s’est produit, rendant de plus en plus improbable l’accès des citoyens aux richesses nationales. Aucune décision de réformes administrative ou financière n’est venue pour favoriser l’accès des populations au service public. De même, la justice reste encore très loin  des pratiques d’indépendance et d’intégrité morale. La transparence dans la gestion des affaires publiques n’a pas été une vertu recherchée par le pouvoir en place.  Le Président Aziz a avoué lui-même la faillite de l’éducation et déplorer la situation des Wilayas après 7 ans de son règne sur le pays. Le pouls de la rue révèle aujourd’hui un état de mécontentement perceptible face aux pratiques du gouvernement et se traduisant par des insultes, des outrages, du mépris et d’invectives.

 

Pourtant, Ould Abdel Aziz continue à vouloir monopoliser la représentativité du peuple et tente de le protéger contre les medias et l’opposition dans son approche extensive de l’étape que traverse aujourd’hui la Mauritanie. Il a brossé un tableau en rose de la situation dans le pays grâce, dit-il, à l’action positive de son gouvernement. Il a évoqué un excédent budgétaire de 19 Milliards en 2015 sans se rendre compte que cela  représente un motif de critique profonde pour un Etat qui connait un retard considérable dans la réalisation d’un réseau d’eau potable,  dans l’accès des populations vulnérables à l’électricité et à la santé ainsi que dans la paralysie de nombreux services publics en raison de l’absence de dotations budgétaires conséquences et du retard de plus de trois mois dans la mise en place du budget de l’Etat.

 

 Les données disponibles nous conduisent à constater le contraire des affirmations du gouvernement quant à la santé économique du pays où il n’y a pratiquement pas un succès digne de ce nom, surtout à un moment  où le pouvoir ne dispose que de la seule recette de comprimer les dépenses, de réduire les fonds destinés aux  investissements, de faire tomber, en cascade, les impôts sur  les produits de consommation.  Tous les efforts que le Président Aziz dit avoir menés sur le chemin du redressement ne sont que verbiage, aucune égalité de chance n’est perceptible, ni  de partage des richesses, ni d’équité vis-à-vis des catégories sociales vulnérables, ni de réponses aux revendications légitimes des uns et  des autres. Ainsi, le sentiment national chez ce gouvernement est resté faible face à tout ce qui a trait à l’intérêt public et aux crises majeures qui  secouent le pays.

 

Au cours de son discours tant attendue à Néma, le Président ne nous a pas pu présenter une perspective d’avenir claire d’autant plus que l’étape précédente ne peut pas être décryptée sur la base d’une base logique, ni dans un cadre fondateur. De même, aucune protection des ressources du pays ne s’est reflétée dans ses propos, encore moins  la situation économique et sociale difficile, ni de mesures permettant d’absorber le chômage, de diminuer le taux élevé de pauvreté. Le sujet le plus dérangeant est celui relatif à la menace réelle que fait peser la controverse engendrée par la modification de la constitution dont les méfaits sur la stabilité se feront sentir à la lumière de la persistance de la famine et de l’arbitraire sociale qui  rythment la vie dans le pays du fait des politiques de ce régime. Ce processus sera-t- il  donc celui de tous les mauritaniens?

 

Le Président Aziz a annoncé à sa majorité sa décision de modifier la constitution sur un sujet qui n’est pas d’actualité, à savoir la dissolution du Senat dans un geste agréable, contrairement à son habitude. Dans le cadre de la continuité de son règne sur le pays et au terme d’un dialogue prévu dans quatre semaines, il s’agira de compenser l’absence du Président du Senat par la création d’un poste de Vice - Président de la République. C’est sur ce chapitre que les négociations ont ou auront lieu avec les acteurs politiques, selon la plupart des analystes crédibles. Se fondant sur cette base, tous ceux qui auront participé à ce dialogue seront les invités à l’initiative de modification en vue de bâtir les fondements du régime du Président Aziz. L’intérêt du pays n’a aucun rapport avec cet ornement de la situation que fait miroiter le discours du Président Aziz. Il s’agit plutôt de s’éloigner des paroles hypocrites et de prendre un train de mesures de nature à faire face au disfonctionnement du processus politiques en cherchant d’abord à restaurer la confiance entre les partenaires, à reconstruire le tissu social du pays, à encourager les travailleurs, à résoudre le problème du chômage des jeunes diplômés, d’accepter la coresponsabilité dans la construction nationale.

 

Cela n’est possible que dans un pays où la chose publique et les intérêts supérieurs de la nation sont traités au vu et au su du peuple, conformément à une approche participative et responsable qui consacre le respect les biens publics, qui donne plus de place aux compétences intellectuelles et professionnelles. Ould Abdel Aziz nous promet monts et merveilles alors qu’il a déjà monté toute une opération  dont la finalité est la division du peuple et l’échec de l’Etat.

Par Mohamed Mahmoud OULD BEKAR